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CONTE DE NOËL: Je suis consciente que tout ça est en train de me rendre malade. Je ne t'ai rien dit mais j'ai encore failli y passer il y a quelques semaines. Comme l'année dernière, tu te souviens... Alors, Père-Noël, C'est décidé. J'ai l'intention de me prendre en main, cette fois.
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Cher père Noël,

Je suis adulte maintenant, mais tu le sais, j'ai toujours cru. Peut-être pas dans le sens qu'on l'imagine, j'veux dire, un moment donné j'ai cessé de croire au tour du monde en traîneau et aux cadeaux et à la cheminée et tout, je suis pas si naïve. Mais j'ai toujours cru.

Quand j'étais petite, clair comme si c'était hier, je me souviens avoir levé la main dans un cours de catéchèse pour demander quelle était la différence entre Jésus et le père Noël. On a ri de moi pendant des années à cause de ça. Je continue de penser que c'était pas si con, comme question.

Ce matin, une gentille vieille dame est venue me voir avant d'entrer au magasin à une piasse.

- T'as pas froid?

- Ça va. L'hiver est pas trop dur cette année. Pas encore.

- Ça fait longtemps que tu es là?

- C'est mon troisième hiver.

- Je suis Mère-Noël aujourd'hui. Y'a quelque chose que tu aimerais avoir? Pour te réchauffer ou pour manger...

- En fait, j'aimerais vraiment beaucoup avoir un journal pour écrire. Et un crayon.

C'est sorti comme ça. Je sais pas trop pourquoi. Et Mère-Noël est revenue avec un journal de princesse. Une pouliche, des brillants, du rose, la vraie affaire. Tu trouves pas qu'il ressemble à mon premier journal intime? Celui que matante Diane m'a offert quand j'ai eu 12 ans. Ça me fait du bien, de t'écrire. Tu me manques. Tellement.

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Salut, père Noël,

Je sais que même si t'es pas là pour vrai, t'es là. J'ai toujours su que tu ne me lâcherais jamais. Que tu serais à côté de moi tout le temps pour m'aider à passer chaque année à travers la période des réjouissances.

J'ai besoin de toi parce que moi, la période des réjouissances, ça me réjouit pas vraiment depuis quelque temps. Ça m'emmerde, même. C'est bizarre de croire au père Noël et de pas aimer Noël mais tu le sais, j'suis bizarre. Avant on pensait tout le temps que j'étais comme ça à cause de mes parents. Mes pauvres parents. Ils n'ont pas mérité une fille bizarre comme moi. Ils sont si gentils, si aimants, si tout-ce-qu'il-faut-être-quand-on-est-parent. Mais un moment donné ils en ont eu jusque-là, de mes histoires. Je les comprends, maintenant. S'ils m'ont tourné le dos, c'était pour se protéger. C'était parce qu'il n'y avait plus rien à faire pour m'aider.

Maintenant, tout le monde a compris que c'est moi et juste moi le problème. La dernière fois, c'est le gars avec la barbe qui est venu me voir. Tu te souviens de lui? Le plus gentil de la gang. Il voulait savoir comment je m'en tirais. Et s'assurer que j'étais pas morte d'une overdose, je suppose. ll est arrivé doucement, je savais pas qu'il était là, et je te racontais ma vie encore une fois.

- À qui tu parles?

- père Noël.

- Ok. Et est-ce qu'il te répond? J'veux dire, est-ce que tu l'entends te répondre?

- Voyons criss. Chu pas folle.

Alors maintenant ils pensent tous que mon problème, c'est pas mes parents, c'est que j'entends des voix. TA voix. Imagine. De quoi j'ai l'air. Et je répète toujours la même cassette: peut-être qu'il n'y en a pas, de problème de cet ordre-là. Peut-être que j'ai juste pas encore trouvé ma place. Juste pas encore trouvé à quoi je peux servir dans ce monde-là.

Tu sais, je suis consciente que j'ai fait des mauvais choix. Je suis consciente que tout ça est en train de me rendre malade. Je ne t'ai rien dit mais j'ai encore failli y passer il y a quelques semaines. Comme l'année dernière, tu te souviens... Alors, père Noël, C'est décidé. J'ai l'intention de me prendre en main, cette fois. Pour vrai. J'ai l'intention d'essayer d'arrêter de faire des niaiseries et de prendre de la cochonnerie. Je vais avoir besoin de l'aide du gars barbu, c'est sûr. Et de la tienne aussi. J'ai peur.

C'est rendu difficile d'imaginer que ma vie, ça pourrait être autre chose que la rue, le froid pis ces maudits vêtements qui puent. J'arrive plus trop à me rappeler ce que ça sent, le Downy, mais si un jour Mère-Noël repasse, je pense que je vais lui demander une brassée. Parce que toi, visiblement, tu ne peux pas trop m'aider avec ça.

Il fait noir. Je te récris bientôt.

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Mon beau père Noël,

Papa et Maman me manquent tellement, ça me fait mal en-dedans. C'est toujours à ce temps-ci de l'année que ça arrive. Je sais qu'ils doivent pleurer eux aussi des fois. Souvent même, j'imagine. Le sais-tu, toi? Les vois-tu, d'où tu te trouves?

J'ignore si on est mardi ou vendredi. En fait je pense qu'on est samedi. La Ste-Catherine est noire de monde. Les gens magasinent. Ils marchent vite sur les trottoirs en regardant par terre, les bras remplis de cadeaux ou de décorations et autres babioles pour recevoir la famille.

Maman, elle, a sûrement déjà fait ça depuis longtemps. Elle est toujours tellement prévoyante. Ça me rappelle les Noëls de mon enfance. Tu te souviens? Il y avait tellement de visite à la maison. Moi, je finissais toujours par aller me recroqueviller sous les manteaux dans le grand lit et je te racontais toutes sortes d'histoires en cachette. Ça me faisait du bien de prendre un break de tout le monde.

Demain, ça sentira les pâtés à la viande partout dans les rues. C'est toujours comme ça le dernier dimanche avant le grand jour. Je vais avoir faim comme pas possible. Noël, c'est vraiment bientôt. Ça se voit partout, surtout dans les pas pressés. Je pourrais avoir un calendrier ou une montre comme tout le monde, mais le temps m'angoisse depuis tout le temps. Alors j'ai décidé de le laisser filer pendant un temps sans savoir où il était rendu. Et puis ça m'empêche de savoir quand mon anniversaire passe. Et toi, père Noël, je t'aime bien parce que tu ne me le rappelles jamais. Tu t'en fous, au fond, de mon anniversaire.

L'an passé Charlot était là, au moins. On s'était raconté des histoires toute la nuit en faisant semblant que c'était pas Noël. Sauf que Noël, ça se sent. Ça se sent partout, dans chaque recoin de la ville. Les gens sont Noël. Les yeux sont Noël. Les fenêtres sont Noël. L'air est Noël. Le ciel est Noël. Noël, ça s'ignore pas.

Je l'aimais bien, celui-là, avec ses yeux pétillants et ses beaux cheveux bouclés. La dernière fois que j'ai vu Charlot, c'était la canicule. Il est parti avant que le soleil se couche en me disant qu'il avait assez d'argent pour nous acheter un peu de bouffe, et il n'est jamais revenu. Ça fait des mois que j'attends Charlot et j'ai beau te demander de me le ramener pour Noël, mon petit doigt me dit que ce miracle-là n'arrivera pas. De ça aussi, je commence à être fatiguée. Des gens qui entrent dans ma vie et en ressortent sans aviser. Il en a eu marre de moi ou il est juste mort, je ne le saurai jamais. C'est comme pour toi.

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J'ai pas beaucoup de temps. Y'a d'immenses flocons qui commencent à tomber. Gros comme des balles de neige. Faut que je trouve un toit ou que j'arrête d'écrire bientôt, sinon les pages de mon journal pailletté vont percer. Tu sais, je me doutais bien que t'allais pas rester avec moi tout le temps. J'y pensais depuis longtemps mais je ne croyais pas que tu allais partir comme ça. Si vite. Je ne sais pas quel jour on est mais je sais que ça fait 42 nuits que tu n'es plus là.

Est-ce que les miracles existent, père Noël? Tu me manques tout le temps.

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Cher père Noël,

Il a fait froid la nuit dernière et pour la première fois j'étais soulagée que tu ne sois plus là. Ça aurait été trop dur. Nous sommes le 24 décembre 2015. Je le sais parce que ce matin tout le monde me souhaite Joyeux Noël. Ça va durer deux jours, et y'en a même quelques-uns qui vont étirer ça.

Il y a exactement 14 ans aujourd'hui, la veille de Noël, tu es entré dans ma vie. J'avais 7 ans et tu es devenu mon meilleur ami, mon confident. Je t'ai appelé père Noël parce que tu étais un cadeau, mais aussi à cause de ta belle barbe blanche. Je me disais qu'ainsi tu ferais peut-être venir les miracles. La famille trouvait ça ben drôle. Tu m'a suivie partout ensuite dans toutes mes aventures et surtout mes mésaventures comme si tu te foutais un peu de tout le monde autour. Même dans la rue tu m'aimais. Même toute croche tu m'aimais. Même quand je ne m'occupais pas assez de toi tu m'aimais. Je regrette tellement. J'ai pas été là tout le temps.

Joyeux Noël, mon ami.

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Mon doux père Noël,

Je ne sais pas où tu étais tout ce temps mais quelqu'un a pris soin de toi parce que tu étais tout fluffy et tu sentais bon le shampoing. J'étais endormie, je ne voulais pas voir Noël passer. Je t'ai entendu japper au loin et tout de suite je me suis réveillée et je me suis mise à crier «père Noël! C'est toi, père Noël? Je suis là!» J'ai même pensé que c'était un rêve. Et je t'ai vu au coin de la rue. Un peu boitant comme les derniers jours où tu étais à mes côtés. Ta pauvre hanche te fait mal, mon vieux. Y'avait des étoiles dans tes grands yeux bruns et dans les miens aussi. Comme jamais. Mon père Noël. Mon fidèle compagnon. Tu es revenu. Tu es revenu! Je t'aime tellement. Je savais bien que c'était pas possible que tu sois parti pour de bon sans me dire au revoir.

- Je me souviens de toi!

- Moi aussi. Vous êtes Mère-Noël. Il était avec vous tout ce temps-là?

- Non. Il vient de me réveiller en hurlant au pas de ma porte.

- Vous fêtiez pas Noël?

- Je suis seule. Il m'a emmenée à toi. Il portait ceci au collier.

Et Mère-Noël m'a tendu un bout de papier avant de me prêter son téléphone. Il était minuit pile.

- Je pense que tu devrais essayer d'appeler là.

Père Noël, il est sept heures du matin, nous sommes le 25 décembre et je ne peux dormir. On a fêté, on a dansé toute la nuit dans un seul rire. Mère-Noël est restée pour une pointe de tourtière et une tranche de bûche.

Toi, t'as eu droit à une petite part de dinde comme dans l'temps. Papa et Maman m'ont juré à plusieurs reprises pendant cette nuit pleine d'étoiles qu'ils ne t'avaient pas vu. Qu'ils n'avaient pas attaché ce bout de papier à ton cou. Qui a pris soin de toi, alors? Je ne le saurai jamais, j'imagine. Un jeune homme est venu à la maison il y a quelques mois en demandant à me voir, semble-t-il. Il est reparti sans dire qui il était. La seule chose dont Maman se souvient, c'est qu'il avait de beaux cheveux bouclés.

J'entends les enfants de mon grand frère jouer avec leurs cadeaux en bas. Ils sont fous de joie, chuchotent leur bonheur pour ne pas réveiller les adultes. Un air de magie. Toi, tu dors à mes pieds, au chaud, pour une fois. Paisible. Tu es tellement fatigué. Je vais changer, père Noël. Je vais me soigner. Vous veillerez tous sur moi, je le sais. Le temps des réjouissances me réjouit à nouveau. Je porte le pyjama que Maman avait acheté pour moi, comme chaque année, en espérant que je rentre à la maison. Il était emballé de papier rouge avec une grosse boucle dorée. Il sent bon le Downy.

Les miracles existent, père Noël.

Ce billet a aussi été publié sur le blogue personnel de Caroline Dubois Mademoiselle divague...

LES CONTES DE NOËL DU HUFFINGTON POST QUÉBEC

- 1er décembre - Un joli compte de Noël - Réjean Bergeron

- 2 décembre - Le père Noël n'existe pas - Bianca Longpré

- 3 décembre: Le dernier cadeau - Yannick Marcoux

- 4 décembre: Pour Noël, j'aimerais manger trois fois par jour... - Virginie Chaloux Gendron

- 6 décembre: Pour toi chère Clotilde - Patrick Laperrière

- 8 décembre: Un Noël de plus en célibataire - Isabelle Tessier

- 9 décembre: Un Noël dans le Bronx - Steve E. Fortin

- 10 décembre: L'étrange histoire de Monsieur Perdu - Karim Akouche

- 11 décembre: Le conte «trash» de la cloche - Josée Durocher

- 12 décembre: Les doux Noëls silencieux d'une petite autiste - Marie Josée Cordeau

- 13 décembre: 24 décembre, 1001 Notre-Dame - Steve Marchand

- 15 décembre: L'histoire d'un conte... - Pascal Henrard

- 16 décembre: Un Noël dans la solitude - Suzie Pelletier

- 17 décembre: Ceci n'est pas un conte pour enfants - Anne-Marie Dupras

- 18 décembre: L'invention diabolique de la fête de Noël - David Sanschagrin

- 19 décembre: Un Noël de peluche - Florence Meney

- 20 décembre: Le petit garçon qui disait non - Nicolas Whiting

- 21 décembre: Cher père Noël - Caroline Dubois

- 22 décembre: La dernière légende de Noël - Robert Laplante

- 23 décembre: Un pas vrai conte de Noël - Claude Aubin

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

Défilé de Noël de la Plaza St-Hubert

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