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L'invention diabolique de la fête de Noël

CONTE DE NOËL: Les enfants mesuraient désormais l'amour de leurs parents à l'ampleur de leur cadeau et les parents n'avaient d'autres choix que de vendre leur âme à des compagnies de crédit pour prouver à leurs enfants qu'ils les aimaient.
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Des contes de Noël pleins de joie, d'amour, d'espoir, de peur, de colère, de fantasmes... C'est le calendrier de l'Avent du Huffington Post Québec. Retrouvez chaque jour un conte de Noël en attendant le passage du père Noël.

Jadis, sur une banale petite planète dans un Univers en perpétuelle expansion, Méphistophélès régnait en empereur diabolique sur une population de faibles humanoïdes à peine sortie de leur condition simiesque.

Les êtres humains, après avoir goûté le fruit défendu de l'arbre de la connaissance qui leur procura savoir et puissance, s'étaient toutefois aliénés la protection de la divinité qui les avait créés et ils se retrouvaient donc à la merci de ce diable. Dès lors, refusant l'obéissance et la quiétude de l'Éden terrestre que leur réservait leur démiurge, les humains devinrent des créatures avides de la connaissance et du pouvoir que leur procurait Méphistophélès, même au prix de leur âme.

Ce petit jeu s'est cependant retourné contre le diable, car certains, comme le savant Faust, aspiraient non pas au savoir pour le mettre au service de la domination terrestre, mais cherchaient la vérité pour elle-même. Certains savants allèrent jusqu'à exposer les dangers de ce cycle infernal, où la domination de quelques-uns se payait de la souffrance du grand nombre, tout en détruisant le fragile écosystème dans lequel se déroulait ces jeux de pouvoir. D'autant plus que deux grandes guerres mondiales avaient poussé un nombre croissant de ces satanés humains à douter des beautés du pouvoir et de la technique qui le supporte.

Méphistophélès se rendait bien compte que le savoir et la puissance perdaient de leur irrésistible attrait, donc qu'il devait moderniser ses techniques de séduction. S'il avait encouragé la chute des humains en exploitant leurs vices, il espérait désormais atteindre le même résultat en pervertissant leurs vertus.

La dernière grande tuerie mondiale avait était marquée par les violences, les privations et les souffrances massives.

Les dirigeants humains se firent diaboliquement chuchoter à l'oreille qu'il fallait canaliser ailleurs les passions humaines pour que, sous la tutelle de la raison, elles se transforment en activités constructives qui allaient permettre à tous les humains de jouir du bien-être matériel. Il s'agissait aussi d'étendre l'empire de la liberté individuelle qui est nécessaire au déploiement des énergies créatrices. Le programme était ambitieux: plein emploi, droits individuels, croissance économique, consommation, production maximale, grands programmes sociaux protégeant le pouvoir d'achat des individus.

Le pari était toutefois risqué, car aucun diable n'avait tenté la manœuvre ailleurs dans l'Univers, on la disait même impossible. Sur terre, par contre, les résultats dépassèrent les ambitions de Méphistophélès: aussitôt que les humains connurent les jouissances d'une vie paisible comblée de biens matériels, ils délaissèrent les idées universelles d'amitié, de paix, de modération, de justice et d'égalité. Tout se mesurait désormais, même l'amour, à l'aune des biens matériels et l'on prêtait toutes les vertus aux créateurs de richesse. L'humanité se pensait alors réconciliée avec elle-même.

Méphistophélès réfléchit à un moyen de s'assurer que sa petite machine infernale tourne à plein régime. Il accoucha de deux idées: le crédit généralisé accessible à tous au nom de l'égalité et, corollairement, la multiplication des fêtes où les humains ne travailleraient pas, pouvant ainsi consommer à souhait et multiplier les dons attendus d'objets.

Après avoir retourné la vertu des humains contre elle-même, notamment leur aspiration à un égal bien-être pour tous dans un climat de paix, Méphistophélès poussa le maléfice jusqu'à pervertir la signification de la fête de la naissance d'Îsâ, qui avait cherché à contrer autrefois ses desseins destructeurs en prônant l'amour, la paix et la modération.

Méphistophélès activa à fond la propagande et réussit à promouvoir une célébration de cette fête expurgée de la modération et qui, dès lors, s'exprimait à l'aune de la quantité d'objets que les humains échangeaient entre eux dans le confort paisible du Meilleur des mondes, soit dans leur petit foyer privé à l'abri d'un État sécuritaire. Le diable, comme tout bon dictateur, savait que le bonheur privé (sous haute protection) et des places publiques vides constituent les ingrédients de la domination tranquille.

Les enfants mesuraient désormais l'amour de leurs parents à l'ampleur de leur cadeau et les parents n'avaient d'autres choix que de vendre leur âme à des compagnies de crédit pour prouver à leurs enfants qu'ils les aimaient. La production devait suivre et devancer les appétits insatiables pour les objets, tandis que la terre, exsangue, devenait de moins en moins hospitalière pour l'espèce humaine. Méphistophélès avait désormais comme alliées toutes ces personnes avides d'objets symbolisant l'amour.

Le pari de Méphistophélès avait été relevé. Il paradait donc fièrement dans l'Univers, y allant de conférences devant les membres du congrès diabolique pour leur expliquer le modus operandi de son modèle économique qui accélérait la chute de toutes les créatures pseudo-intelligentes et parasitaires, dont il faillait débarrasser l'Univers, car elles ne faisaient que souiller depuis trop longtemps la musique parfaite des sphères célestes.

LES CONTES DE NOËL DU HUFFINGTON POST QUÉBEC

- 1er décembre - Un joli compte de Noël - Réjean Bergeron

- 2 décembre - Le père Noël n'existe pas - Bianca Longpré

- 3 décembre: Le dernier cadeau - Yannick Marcoux

- 4 décembre: Pour Noël, j'aimerais manger trois fois par jour... - Virginie Chaloux Gendron

- 6 décembre: Pour toi chère Clotilde - Patrick Laperrière

- 8 décembre: Un Noël de plus en célibataire - Isabelle Tessier

- 9 décembre: Un Noël dans le Bronx - Steve E. Fortin

- 10 décembre: L'étrange histoire de Monsieur Perdu - Karim Akouche

- 11 décembre: Le conte «trash» de la cloche - Josée Durocher

- 12 décembre: Les doux Noëls silencieux d'une petite autiste - Marie Josée Cordeau

- 13 décembre: 24 décembre, 1001 Notre-Dame - Steve Marchand

- 15 décembre: L'histoire d'un conte... - Pascal Henrard

- 16 décembre: Un Noël dans la solitude - Suzie Pelletier

- 17 décembre: Ceci n'est pas un conte pour enfants - Anne-Marie Dupras

- 18 décembre: L'invention diabolique de la fête de Noël - David Sanschagrin

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

Le Grand Marché de Noël de Montréal à la Place des Arts

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