QUÉBEC — Il y a 100 jours, les Québécois élisaient un gouvernement caquiste majoritaire qui mettait fin à l'alternance du Parti libéral du Québec et du Parti québécois depuis les 50 dernières années.
Usant de prudence, les troupes de François Legault ont posé les premiers jalons de leur gouvernement dans un contexte économique plus que favorable. Quelques erreurs ont assombri le portrait, mais la lune de miel entre les Québécois et la Coalition avenir Québec prévaut toujours.
Tour d'horizon des 100 premiers jours du gouvernement de François Legault.
Talonné sur l'environnement
Dès le mois de novembre, les Québécois se sont mobilisés en bloc pour signer le Pacte pour la transition, dont l'objectif est d'intensifier la lutte contre le réchauffement climatique. Le premier ministre François Legault a également rencontré l'instigateur du mouvement, Dominic Champagne, à ses bureaux en compagnie de sa ministre de l'Environnement MarieChantal Chassé.
Le gouvernement a rapidement compris qu'il serait talonné sur le sujet de l'environnement, tant par la population que par les partis d'opposition. La ministre Chassé a également eu du mal à expliquer la vision de son gouvernement dans ce dossier devant les journalistes.
Chose certaine, le Québec ratera sa cible de réduction des gaz à effet de serre prévue pour 2020. Le premier ministre Legault a dit toutefois vouloir s'assurer d'atteindre la cible prévue en 2030 et ce, même s'il est en faveur d'élargissement et de prolongement d'autoroutes.
Déjà un mini-remaniement
Le premier ministre Legault a d'ailleurs annoncé, à son 99e jour au pouvoir, qu'il écartait sa ministre de l'Environnement pour la remplacer par Benoit Charette, l'un de ses fidèles alliés depuis les débuts de la CAQ.
Il a admis que la pente d'apprentissage a été «un peu plus difficile» pour Mme Chassé sur le plan de la communication avec les journalistes. La principale intéressée, pour sa part, a dit que cette décision a été prise d'un commun accord.
Par le fait même, M. Legault renonce à la parité 50-50 au conseil des ministres qu'il avait promise depuis plusieurs mois.
Des cadeaux de Noël modestes
Éric Girard est sans aucun doute le ministre des Finances le plus chanceux au Canada, écrivait Konrad Yakabuski dans le Globe and Mail en décembre dernier. Et pour cause: il a commencé son mandat avec des surplus budgétaires, gracieuseté de l'austérité des libéraux de Philippe Couillard.
Malgré tout, il a redistribué une partie de cet argent avec parcimonie dans sa mise à jour économique. Ainsi, l'allocation famille a été bonifiée de 500$ pour les 2e et 3e enfants, il a gelé la contribution additionnelle en garderies et il offre quelque 200$ par année aux aînés à bas revenu.
Le ministre Girard a expliqué qu'il s'agit de premiers pas pour aider les familles et les aînés. D'autres mesures seraient à prévoir dans son premier budget ce printemps.
Baisse des seuils d'immigration
Parmi l'une des promesses électorales controversées de la CAQ, notons la baisse des seuils d'immigration dès 2019. Le ministre responsable du dossier, Simon Jolin-Barrette, a déposé son plan pour diminuer de 23,8% en moyenne chaque catégorie (immigrants économiques, réunification familiale et réfugiés).
Le plan de la CAQ n'a pas encore été approuvé par Ottawa et d'autres négociations sont à venir sur le sujet. Mais gageons que les libéraux de Justin Trudeau ne voudront pas se mettre le gouvernement majoritaire du Québec à dos en pleine année électorale au fédéral.
Cafouillage sur la clause grand-père
Même si le projet de loi sur la laïcité - un autre dossier piloté par le ministre Jolin-Barrette - n'a pas encore été déposé, il n'est pas encore clair où la CAQ se situe par rapport aux droits acquis pour les enseignants, les policiers et autres personnes visées par cette mesure.
Alors porte-parole de la transition, Geneviève Guilbault a déclaré dès les premiers jours du gouvernement que les récalcitrants qui refuseront de retirer leurs signes religieux perdront leur emploi. Une opinion qui a été relayée par le premier ministre lui-même.
Or, le ministre Jolin-Barrette prévient que la «clause grand-père» fait partie des discussions à l'heure actuelle et ne ferme pas la porte à cette modalité. Le premier ministre a également nuancé ses propos dans des entrevues de fin d'année 2018, affirmant qu'il voulait éviter des pertes d'emplois.
La ligne dure sur le cannabis
Là encore, la CAQ a rempli une promesse électorale en déposant son projet de loi pour augmenter l'âge légal à 21 ans pour l'achat de cannabis et pour interdire de fumer la drogue dans tous les lieux publics.
«Le cannabis, c'est légal, mais ce n'est pas banal», a répété à de maintes reprises le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant, qui est en charge du dossier. À son avis, ce resserrement des règles va envoyer un signal clair aux jeunes.
Le projet de loi caquiste sera sans doute adopté au printemps, ce qui fera du Québec la province la plus restrictive au Canada dans le dossier du cannabis.
L'«énergie sale» de l'Alberta
Le premier ministre du Québec François Legault ne s'est pas fait d'amis au sein de la fédération canadienne lors de sa première rencontre des premiers ministres des provinces et des territoires à Montréal, début décembre.
Refusant de relancer le projet de pipeline Énergie Est, il a décrété que le pétrole des sables bitumineux de l'Alberta est «sale», alors que l'hydroélectricité du Québec est «propre».
Ces commentaires ont, évidemment, fait bondir les politiciens de l'ouest canadien, qui connaissent des difficultés économiques. Certains ont même appelé au boycott des produits québécois en guise de protestation.
Le premier ministre du Canada Justin Trudeau a confié au Devoir que les commentaires de M. Legault ont nui à l'unité canadienne à son avis.
Une nouvelle élue dans Roberval
Preuve que la lune de miel de la CAQ opère toujours, le gouvernement a fait élire un 75e député lors de l'élection partielle dans Roberval, au Lac-Saint-Jean, le 10 décembre dernier. Nancy Guillemette a été élue avec plus de 50% des voix.
Elle succède donc au premier ministre sortant Philippe Couillard. Les libéraux, pour leur part, se sont contentés d'une humiliante troisième place.
Avec cette victoire, quatre des cinq sièges de députés du Saguenay-Saint-Jean sont détenus par le parti au pouvoir.