Le gouvernement Legault n’intercédera pas auprès d’Ottawa en faveur de Mamadou Konaté, ce travailleur de CHSLD en attente de déportation.
M. Konaté, 37 ans, a travaillé comme préposé à l’entretien dans trois CHSLD de Montréal pendant la première vague de COVID-19 et y a contracté la maladie. Il ne se qualifie pas au programme spécial d’accès à la résidence permanente pour les «anges gardiens» parce qu’il n’a pas fourni de «soins directs» aux patients. Il est détenu au Centre de surveillance de l’immigration de Laval depuis le 16 septembre, sans pouvoir recevoir de visite de ses proches.
Le cabinet de la ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration Nadine Girault a pourtant confirmé au HuffPost Québec qu’elle n’avait pas l’intention de faire pression auprès d’Ottawa pour qu’on octroie la résidence permanente pour des raisons humanitaires à M. Konaté.
«La procédure de révision judiciaire relève exclusivement du gouvernement fédéral», a indiqué son attachée de presse Flore Bouchon, mentionnant que les membres du gouvernement sont «reconnaissants envers tous les travailleurs essentiels qui ont contribué à l’effort collectif de combattre le virus».
La ministre elle-même a servi sensiblement la même réponse mardi au député solidaire Andrés Fontecilla, après qu’il lui eut personnellement demandé d’intervenir dans le dossier et d’émettre un certificat de sélection du Québec (CSQ) pour M. Konaté.
«Le processus de demande d’asile et de renvoi du pays est un domaine relevant exclusivement du gouvernement canadien. Le fait d’émettre un CSQ, en plus d’être contraire à l’[accord Canada-Québec sur l’immigration], n’aurait aucun effet sur la procédure de renvoi en cours», a écrit Mme Girault dans un courriel à M. Fontecilla, se disant «sensible à la situation de M. Konaté».
Son cabinet a indiqué au HuffPost avoir «pris contact» avec le cabinet du ministre fédéral de l’Immigration Marco Mendicino, sans toutefois être en mesure de spécifier la date à laquelle cet échange a eu lieu, ni sa teneur.
Québec «se cache», dit QS
Andrés Fontecilla accuse la ministre Girault de «se cacher derrière son impossibilité bureaucratique pour ne pas intervenir politiquement», alors que c’est Québec qui aurait exigé que le programme de régularisation de statut soit restreint pour exclure les gardiens de sécurité, les cuisiniers et les préposés à l’entretien comme Mamadou Konaté.
«Le gouvernement du Québec veut avoir davantage de prérogative en immigration. Alors maintenant, il ne peut pas se cacher derrière le fait que c’est une procédure qui appartient à Ottawa. Il doit intervenir, lui», martèle le député de Laurier-Dorion.
Québec n’a jamais admis publiquement avoir exigé qu’Ottawa restreigne son programme de régularisation, mais c’est également l’analyse qu’en fait le député néodémocrate Alexandre Boulerice.
Le député de Député de Rosemont—La Petite-Patrie est personnellement intervenu auprès du ministre Mendicino pour plaider la cause de M. Konaté et celle de «plusieurs travailleurs courageux qui ont répondu sans hésitation à l’appel à l’aide lancé par les différents paliers du gouvernement» au début de la pandémie.
Il aimerait notamment voir le ministre Mendicino suspendre la déportation de M. Konaté vers la Côte d’Ivoire.
“Il a attrapé la COVID-19 et il est revenu travailler parce qu’il voulait [...] répondre à l’appel du gouvernement du Québec.”
Dans une lettre envoyée au ministre mardi, dont le HuffPost a pris connaissance, M. Boulerice réclame que la mesure annoncée par Ottawa en août dernier soit élargie afin de «refléter clairement la reconnaissance sincère de notre société à l’inestimable contribution de tous les travailleurs essentiels pendant les crises sanitaires ayant un statut précaire».
Le cabinet du ministre Mendicino n’a pas répondu aux questions du HuffPost sur le cas précis de M. Konaté.
Alexandre Boulerice est toutefois d’avis que le ministre libéral semble «ouvert» à un programme plus inclusif. «Ensuite, c’est à lui à faire pression sur Québec pour que ça puisse être élargi», dit-il.
Une pétition demandant l’arrêt des procédures de déportation de Mamadou Konaté a recueilli plus de 33 000 signatures. Une levée de fonds visant notamment à couvrir ses frais légaux a aussi récolté plus de 11 000$.
«Il a été dans des zones chaudes, il a attrapé la COVID-19, et il est revenu travailler parce qu’il voulait continuer à donner un coup de main et répondre à l’appel du gouvernement du Québec», rappelle Alexandre Boulerice. «Qu’il se retrouve aujourd’hui dans un centre de détention à Laval en attendant une déportation, on trouve ça abjecte.»
À VOIR ÉGALEMENT: