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Meurtre de Daphné Boudreault: la policière dirigée à son appartement avait la mauvaise adresse (VIDÉO)

Meurtre de Daphné Boudreault: la policière avait la mauvaise adresse

L'agente de la Régie intermunicipale de police Richelieu-Saint-Laurent qui avait été dépêchée à l'appartement de la jeune femme de 18 ans, pour l'escorter, est arrivée sur les lieux plusieurs minutes après que Daphné Boudreault y soit entrée car elle n'avait pas la bonne adresse. C'est ensuite que la policière a découvert la jeune femme mortellement blessée sur les lieux en compagnie de son ex-conjoint Anthony Pratte.

Une enquête

Pas moins de cinq enquêteurs du Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) devront déterminer si les agents de la Régie intermunicipale de police Richelieu-Saint-Laurent ont agi de manière adéquate lors de leur intervention auprès de Daphné Boudreault, tandis que la Division des crimes contre la personne de la Sûreté du Québec (SQ) se penche sur le meurtre de la jeune femme en tant que tel.

«C'est d'une tristesse infinie.»

— Martin Coiteux

« Mes premières pensées vont pour la famille. J’ai moi-même deux filles à la maison qui sont du même âge. Je peux très bien comprendre dans quel état sont les parents, les amis et la famille de la victime », a commenté le ministre de la Sécurité publique Martin Coiteux, jeudi, à l'Assemblée nationale.

La Sûreté du Québec a « les ressources et l’expertise nécessaires » pour enquêter sur le meurtre, a-t-il ajouté.

«Compte tenu des questionnements dont vous avez fait état, vous, les gens des médias, au cours des dernières heures, c’est important je pense que le Bureau des enquêtes indépendantes également se penche sur la question du point de vue du rôle des policiers.» - Martin Coiteux, ministre de la Sécurité publique

Les enquêteurs du BEI, créé précisément pour enquêter sur de possibles bavures policières, devront vérifier « si effectivement tout a été fait correctement », a dit M. Coiteux. Sans se prononcer sur le fond de l'affaire, le ministre a assuré qu'il est « toujours important que les signaux soient pris très au sérieux » par les policiers appelés à intervenir dans un cas de violence conjugale présumée.

Comme le BEI compte un total de 19 enquêteurs, le nombre d’enquêteurs affectés au drame de Mont-Saint-Hilaire – cinq – apparaît relativement important.

« C’est du cas par cas qui est dicté par les circonstances, donc le nombre de témoins à rencontrer, que ce soit des témoins civils ou des témoins policiers, le nombre de policiers qui sont impliqués dans l’événement », a précisé Martin Bonin-Charron, porte-parole du BEI.

Le BEI demande à quiconque ayant été témoin de cet événement de communiquer avec lui via son site web. Il devrait produire un rapport d’ici quelques mois.

Des policiers nonchalants?

Certains témoins ont accusé les policiers qui sont intervenus auprès de Daphné Boudreault, au dépanneur où elle travaillait, d’avoir semblé prendre l’affaire « un peu à la légère ». Une situation que Manon Monastesse, directrice de la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes, a vu plus d’une fois.

Je crois que c’est un manque de formation et un manque au niveau de l’évaluation, a-t-elle dit en entrevue. […] Eux, ce qu’ils recherchent, c’est un acte criminel. Mais en contexte de violence conjugale, il ne faut pas seulement évaluer les actes. Il faut évaluer les actes dans un contexte.

- Manon Monastesse, directrice de la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes

À son avis, « plusieurs drapeaux » avaient été levés : « le fait que le jeune n’acceptait pas la séparation […] qu’il la harcelait constamment, je crois même qu’il avait trafiqué sa ligne téléphonique, et tous les messages sur Facebook. Quand on met tout ça, un événement après l’autre, avec notre expertise, on voit très bien qu’il y avait un risque très élevé d’homicide. »

En effet, « les éléments étaient là », d'après Sylvie Langlais, présidente du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale. Elle a estimé en entrevue que la principale erreur des policiers avait justement été de ne « pas prendre au sérieux » la plainte de Daphné Boudreault.

«Ce n'est pas la première fois qu'une femme est tuée par son conjoint peu après avoir demandé la protection de la police. Pour éviter d'autres morts, il est nécessaire d'identifier les mailles dans le filet de sécurité et d'améliorer la pratique policière.» - Sylvie Langlais, présidente du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale

Manon Monastesse a souligné que les policiers disposent pourtant d’outils, notamment de grilles d’évaluation, pour les aider à déterminer les risques et, peut-être, prévenir des drames.

« Un conjoint qui exerce de la violence, c’est qu’il veut contrôler tout ce que fait sa conjointe, a-t-elle rappelé. Un des éléments les plus dangereux, c’est quand il y a une séparation. Là, il n’arrive plus à contrôler sa conjointe. C’est là que l’évaluation de la dangerosité, de la possibilité d’un homicide est importante. »

Anthony Pratte aurait pu être arrêté dès cette première intervention, au dépanneur où travailllait Daphné Boudreault, a convenu l'analyste en affaires judiciaires François Doré, retraité de la SQ. Il aurait été menaçant et aurait volé le téléphone cellulaire de Mme Boudreault.

«C’eut été la solution la plus directe et la plus simple, mais encore faut-il savoir ce qui a été dit, quelle a été la nature des échanges. Oui, il suffit de dire qu’on a peur, mais jusqu’à quel point les policiers ont [discuté avec la victime et le suspect] et dans quelle mesure on a appliqué une grille de vérification des dangers potentiels.» - François Doré, analyste en affaires judiciaires et retraité de la SQ

M. Doré a reconnu que la policière aurait dû entrer la première dans l'appartement que partageaient Daphné Boudreault et Anthony Pratte, « sauf que là, on a pris en considération le fait que le suspect ne devait pas s’y trouver, qu’il était à l’extérieur ».

Selon les informations disponibles, Pratte avait en effet fait parvenir à des amis un courriel précisant qu'il ne serait pas à la maison au moment où son ancienne petite amie devait s'y rendre. Celle-ci était accompagnée d'une policière et de la conjointe de son père, mais elle a été la première à pénétrer dans le logement. C'est à ce moment que Pratte l'aurait attaquée avec une arme blanche.

Mais une seule policière, ce n'était pas suffisant, selon Sylvie Langlais : « On demande tout le temps qu’il y ait deux policiers. Dans un monde idéal, ça prend deux policiers. Les deux policiers entrent et sécurisent les lieux. Nous, on attend dans la voiture. »

Et si le conjoint accusé de violence est présent, un agent doit rester avec lui pendant que l'autre accompagne la plaignante, a expliqué Mme Langlais.

Pour obtenir de l'aide : SOS violence conjugale 1-800-363-9010

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