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«Fanny et Alexandre» d’Ingmar Bergman ou comment Hamlet peut inspirer le cinéma

Il était très risqué de mettre en scène pour le théâtre, le film d'un géant comme Ingmar Bergman, mais le pari est réussi.
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«Fanny et Alexandre»: Ingmar Bergman voulait que ce soit son dernier film. C'est que ce film est en partie autobiographique. Pas une autobiographie réelle, mais plutôt rêvée par le grand maître du cinéma suédois.
Gunther Gamper
«Fanny et Alexandre»: Ingmar Bergman voulait que ce soit son dernier film. C'est que ce film est en partie autobiographique. Pas une autobiographie réelle, mais plutôt rêvée par le grand maître du cinéma suédois.

Alexandre a l'imagination foisonnante, faite de l'étoffe de ses rêves. C'est un enfant sensible, intelligent, dont la petite vie est entourée de sommeil, et qui sait d'instinct que la vie est une sorte de comédie, la plupart du temps tragique. Alexandre grandit avec sa sœur dans un milieu riche et aimant, le théâtre que gère sa grand-mère et sur la scène duquel son père va mourir en n'interprétant rien de moins que le spectre du père d'Hamlet.

Je me souvenais mal du film Fanny et Alexandre d'Ingmar Bergman, ou peut-être ne l'avais-je pas assez entendu. Entendu comme il est possible de le faire de manière privilégiée au théâtre Denise-Pelletier dans une adaptation et une mise en scène conjointe très réussie de Félix-Antoine Boutin et Sophie Cadieux.

Fanny et Alexandre: Ingmar Bergman voulait que ce soit son dernier film (il en fit quand même d'autres ensuite). C'est que ce film est en partie autobiographique. Pas une autobiographie réelle, mais plutôt rêvée par le grand maître du cinéma suédois. Car, comme le petit Alexandre, il semble bien que ce sont à la fois Shakespeare et ses rêves tourmentés qui menèrent finalement Ingmar Bergman au cinéma, cet art si voisin du théâtre et de nos apparitions nocturnes.

Si la vie d'Alexandre semble divisée en deux temps et deux milieux très distincts, d'abord aimant, artistique et fantasque, puis affreusement rigide, austère et même brutal, la vie d'Ingmar Bergman ne connut que le deuxième temps. Son père ne fut pas ce comédien faible, mais aimant que l'on voit dans la première partie de son œuvre, mais le pasteur luthérien et abusif qu'il décrit sous le nom d'Edvard, le second mari de sa mère veuve.

Alexandre, magnifiquement interprété par Gabriel Szabo, se fait à la fois l'acteur et le narrateur de son histoire avec des références au film même, une sorte de mise en abyme opposée à celle que l'on trouve généralement au théâtre ou au cinéma. Dans son discours, il cite en effet le film comme l'œuvre de référence de la pièce et donc aussi de sa vie.

De multiples aller-retour se font ainsi entre lui et toutes les dimensions de son environnement à la fois réel et rêvé. Car Alexandre rêve beaucoup. Des fantômes lui apparaissent et il en a peur. C'est qu'il connait Hamlet par cœur et il pourrait même en interpréter le rôle s'il en avait l'âge. Il est clairement un second Hamlet, à l'imagination troublée et apparemment fou, obsédé par ce second mari de sa mère, un homme rude, violent, buté, qui voue un culte à ce qu'il croit être la vérité, alors qu'Alexandre sait la complexité des humains et la faculté de leur imagination.

Tous les acteurs de la pièce interprètent brillamment chacun des personnages de l'œuvre. Annette Garant est une splendide grand-mère avec son attachant amoureux Isak, très bien interprété par Luc Bourgeois. La servante (Patricia Larivière) a tout pour séduire le jeune Alexandre, et aussi son oncle (Ariel Infergan).

La pièce donne beaucoup à réfléchir sur de multiples aspects, dont les liens qu'entretiennent le théâtre et le cinéma avec les nombreuses dimensions du rêve et pas seulement de l'imagination.

Ève Pressault joue une mère très convaincante alors qu'elle est celle qui va faire basculer la vie de ses enfants, Alexandre et sa petite sœur Fanny, interprétée par Rosalie Daoust. Enfin, le père d'Alexandre (Steve Laplante) est à la fois fragile et touchant, tandis qu'Edvard (Renaud Lacelle-Bourdon) a tout pour glacer le sang du spectateur.

Il était très risqué de mettre en scène, pour le théâtre, le film d'un géant comme Ingmar Bergman, mais le pari est réussi. La pièce donne beaucoup à réfléchir sur de multiples aspects, dont les liens qu'entretiennent le théâtre et le cinéma avec les nombreuses dimensions du rêve et pas seulement de l'imagination.

Cet article a aussi été publié sur pieuvre.ca.

Fanny et Alexandre: du 31 janvier au 23 février 2019 au théâtre Denise-Pelletier à Montréal.

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