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«Vince Taylor, l’ange noir»: chassé du paradis

Si Elvis est Dieu le Père, Buddy Holly Dieu le Fils, Jerry Lee Lewis le Saint-Esprit, Vince Taylor, lui, est l'ange noir, celui qui a été expulsé du paradis.
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Si Elvis est Dieu le Père, Buddy Holly Dieu le Fils, Jerry Lee Lewis le Saint-Esprit, Vince Taylor, lui, est l'ange noir, celui qui a été expulsé du paradis, symbole de tous les excès associés au rock. Bienvenue dans l'univers de celui devenu au fil du temps l'ultime représentation de la déchéance rock and rollesque.

On achève bien les rockers

Oublié par les jeunes générations, Vince Taylor a pourtant été celui qui a porté l'âme de la rébellion musicale en France. Auréolé de son seul, mais méga succès britannique Brand New Cadillac, Taylor a pu conquérir l'Hexagone à coup de folie, de violence, de destruction et de délire religieux rigoriste.

Glénat

Pas étonnant que, devant un destin aussi tragique composé d'immenses succès et de chutes abyssales – qui servit d'inspiration pour l'incontournable Rise And Fall Of Ziggy Stardust And The Spiders From Mars de David Bowie – les créateurs y ont flairé le matériau d'un grand drame.

Marc Malès et Arnaud Le Gouëfflec deviennent donc les confesseurs d'un Taylor toxique, à l'agonie, confiant pêle-mêle des moments de son existence, tentant maladroitement de justifier ses nombreux excès, espérant recevoir enfin, lui, le Satan de la planète rock, une ultime rédemption. Mais qui a le pouvoir de pardonner à Lucifer?

Traumatisé par l'incessant vacarme métallique des V2 qui s'écrasaient dans son Londres natal et qui résonne en permanence en lui, Taylor cherchera toute sa vie à faire taire ses souvenirs bruyants à coups d'accords trop forts, de distorsion sauvage et de mélodies agressives. Ce n'est pas pour rien que Taylor deviendra un modèle quelques décennies plus tard pour les punks. Il reste sans doute le seul de cette génération des premiers rockers qui gardera toujours cette urgence de vivre, comme si demain n'existait pas.

Ace records

Modèle musical et modèle de vie pour les punks et les rockers purs et durs - ses concerts finissaient souvent en émeutes et en batailles rangées. Alors que ses compagnons de route s'embourgeoisaient, Taylor, tout de cuir vêtu, s'enferme dans un piège qui l'empêche de se réinventer et de trouver enfin l'absolution tant rêvée.

Au fil des années, le provocateur du rock devient une loque qui pour survivre médiatiquement doit voguer de scandales en coups d'éclat, noircir sa légende et repousser les limites de sa déchéance. De faux pas en faux pas, de chute en chute, Taylor devient une parodie de lui-même.

Si le scénario est ingénieux et explore tout le potentiel mythologique de son destin, on ne peut pas dire la même chose du dessin qui, malheureusement, n'est pas à la hauteur de la légende tragique. Pourtant j'aime le graphisme de Malès, mais ici il semble un peu paresseux, hésitant. Manifestement, le dessinateur se démène avec un matériau dont il n'est pas capable de traduire le symbolisme et l'onirisme. Comme si le séduisant destin funeste de Taylor l'avait intimidé.

not now

Malgré mes réserves graphiques, ce Vince Taylor, l'ange noir mérite quand même le détour, ne serait-ce que pour redécouvrir ce Prométhée moderne, qui a volé le rock aux dieux et qui, comme son illustre prédécesseur, subira leur colère, et son grand succès maintes fois repris depuis:Brand New Cadillac.

L'impossible pari

Il y a quelques jours la planète entière a souligné le 100 anniversaire de Nelson Mandela, le père de la nation arc-en-ciel, le dernier géant du XXe siècle.

Véritable légende, Mandela a non seulement façonné son pays, mais il aussi littéralement transformé la planète. Si, pour les baby-boomers, la chute du mur de Berlin reste l'événement politique marquant de leur génération, pour la mienne, la fin de l'apartheid et l'élection de Mandela ont représenté l'espoir d'un nouveau siècle où tout serait possible.

John Carlin fut pendant plusieurs années le correspondant à Johannesbourg du quotidien The Independant. En tant que journaliste, l'auteur du livre Invictus a été témoin du parcours de Mandela, de sa grande intelligence, de son flair politique, de sa grande sensibilité et de ses efforts pour édifier cette nation arc-en-ciel sur les ruines d'un pays ravagé par les haines raciales.

John Carlin

Cette fois-ci au lieu d'écrire un bouquin, Carlin s'est associé au dessinateur Oriol Malet pour réaliser un reportage dessiné qui raconte l'improbable rencontre entre Nelson Mandela et Constand Viljoen, ancien généralissime des forces armées sud-africaines, devenu fermier et leader de l'opposition afrikaner, pour désamorcer une crise qui aurait pu tourner en guerre civile et détruire cet arc-en-ciel naissant.

Avec l'aide des illustrations évocatrices de Malet, dont certaines nous rappellent les délires dictatoriaux de Pink à la fin du The Wall d'Alan Parker, Carlin trouve les mots justes pour démontrer le génie diplomatique et l'empathie du président pédagogue, toujours prêt à expliquer, à partager son rêve et à se mettre dans la peau de l'autre pour mieux le comprendre et le convaincre d'y adhérer.

Delcourt

Sous forme d'entrevue avec Viljoen, Carlin s'infiltre dans la peau des descendants des Boers - pour souligner leurs craintes, leurs appréhensions et leur désir de défendre leur culture et leur langue - sans pour autant les juger, tout comme Mandela le fera en mettant les querelles et les haines héritées du passé de côté.

Il ressort de ce Mandela et le général, un Mandela plus humain, plus intelligent, plus conciliant et plus ferme dans la réussite de sa vision de la nation.

Un Mandela qu'on admire encore plus, comme si c'était possible.

Le Gouëfflec, Malès, Vince Taylor, l'ange noir, Glénat.

John Carlin, Oriol Malet, Mandela et le général, Seuil/Delcourt.

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