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L'image des Brésiliens à travers le monde est celle de gens plutôt relax et aimant faire la fête, ivres de soleil, de bière et de football. Et même si nous sommes heureux de coller au stéréotype la plupart du temps, vient un moment où nous devons échapper aux chaînes qui nous retiennent.
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La semaine dernière, les gouvernements des deux plus grandes villes du Brésil, Rio et São Paulo, ont augmenté le coût d'un billet de bus de 0,20 réal (R$), soit environ 9 cennes. Cela peut sembler être un montant dérisoire, mais il a suffi à déclencher les plus grandes manifestations dans ce pays depuis deux décennies. Bien sûr, cette augmentation est surtout la goutte d'eau qui a fait déborder le vase.

L'image des Brésiliens à travers le monde est celle de gens plutôt relax et aimant faire la fête, ivres de soleil, de bière et de football. Et même si nous sommes heureux de coller au stéréotype la plupart du temps, vient un moment où nous devons échapper aux chaînes qui nous retiennent.

Le Brésil est peut-être la sixième économie mondiale, mais c'est aussi un état bureaucratique géant où règne la corruption. Les décisions prises au sommet n'ont qu'un très faible impact positif sur ceux en bas de l'échelle. Le pays souffre d'inégalités sociales endémiques.

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D'après le gouvernement fédéral, 27 milliards R$ (environ 12,5 milliards $) ont déjà été dépensés pour préparer la coupe du Monde de l'an prochain. Or, les projets dépassent largement le budget prévu et il reste encore un an de travaux. Dans le même temps, le Brésil continue d'investir dans l'éducation en dessous de la moyenne de l'OCDE. Et les dépenses en matière de santé publique sont encore moins élevées.

Si à l'étranger Rio de Janeiro est dépeinte comme un paradis hédoniste de soleil et de beauté, c'est en réalité une ville divisée. Elle est régulièrement classée parmi les villes les plus chères du monde, alors que son salaire minimum reste bas 678R$ (soit 317$). São Paulo, le centre financier du pays, est encore pire. La ville abrite la plus grande concentration de jet privés au monde, mais les classes moyennes et les plus défavorisés n'ont pas accès à des écoles ou à des hôpitaux décents. Au moins, à Rio, on a la plage ; à São Paulo, le farniente pour les pauvres n'est qu'un doux rêve. L'augmentation de 0,20R$ est importante parce qu'encore une fois, le poids financier est reporté sur les épaules des pauvres, tandis que les riches du Brésil roulent en voiture - des voitures importées très chères.

Quand les résidents des deux villes ont investi les rues la semaine dernière, brandissant des pancartes et scandant des slogans qui réclamaient des réponses, la police régionale a répondu par des balles en caoutchouc et des gaz lacrymogènes. De nombreuses personnes ont été arrêtées, dont un journaliste transportant du vinaigre, un soi-disant antidote contre les gaz lacrymo. Un autre journaliste a reçu une balle en caoutchouc dans l'œil et il aurait perdu la vue. Les manifestations continuent et d'autres, plus importantes encore, étaient prévues pour lundi soir ; on estime à 40 000 le nombre de personnes qui envahiront les rues de Rio, et bien plus encore à São Paulo.

Le billet se poursuit après la galerie

Rio de Janeiro Protests

Ces manifestations ont coïncidé avec la cérémonie d'ouverture de la Coupe des Confédérations, première d'une série d'évènements précédant la coupe du Monde et accueillis par le pays, avant tout le ramdam de juillet prochain. Les manifestants ont encerclé le stade Mané Garrincha dans la capitale, Brasilia, avant le match d'ouverture, réclamant leur part pour les années d'investissement dans ces grands stades spectaculaires. Tandis que les spectateurs huaient à l'intérieur le président Dilma Roussef, la police tirait sur les manifestants à l'extérieur avec des balles de caoutchouc et des gaz lacrymo. Un journaliste de BBC Brésil a raconté le cas de cette famille japonaise venue assister au match, et forcée de fuir les gaz lacrymo lancés indistinctement par la police sur les manifestants et les touristes.

Malgré un niveau de violence sans précédent, le moins qu'on puisse dire, c'est que la couverture médiatique a été parcellaire. Globo, le plus grand conglomérat médiatique national s'est montré très discret sur le sujet et on a rapporté des stations radio forcées de cesser de couvrir les manifestations. Comme dans le cas de tous les soulèvements populaires de ces dernières années, la majeure partie de la communication a été faite en ligne, via Twitter, Facebook et Tumblr.

Les médias internationaux se sont aussi étrangement désintéressés du sujet, alors que les manifestations en Turquie, très proches de celles du Brésil, ont été largement couvertes. Le journal espagnol El Pais a émis l'idée que les manifestations brésiliennes ont déconcerté la communauté internationale, qui voit toujours le pays comme un modèle de croissance et de développement ; les Brésiliens n'auraient pas de raisons de se plaindre.

Sans le vouloir, El Pais a mis exactement le doigt sur le problème. Les soulèvements populaires dans le pays viennent d'un sentiment profond de frustration de la part d'une population à l'image toujours faussée.

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