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Un avenir sombre pour le marché du carbone au Québec?

Avec tous ces commentaires contradictoires et ce système de bourse du carbone qui semble être incompris, où devrions-nous nous positionner dans ce débat?
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Il y a quelques jours, on apprenait que l'Ontario se lançait officiellement dans le processus de retrait du marché du carbone commun avec le Québec et la Californie.

En se retirant ainsi, le nouveau premier ministre de la province, Doug Ford, souvent comparé au président Trump – je dirais qu'il s'agit plutôt d'une version «allégée» de Trump – remplissait une de ses promesses électorales.

Selon lui, ces systèmes visant à mettre un prix sur les émissions de gaz à effet de serre (GES) ne servent qu'à financer les gouvernements et n'ont aucun impact environnemental réel. Pour d'autres, il s'agit d'une excellente façon de favoriser la diminution de la pollution.

Avec tous ces commentaires ma foi contradictoires et ce système de bourse du carbone qui semble être incompris pour plusieurs, où devrions-nous nous positionner dans ce débat?

Pourquoi vouloir implanter un marché du carbone?

Un des problèmes économiques contemporains est de tenter de mettre un prix sur les émissions de gaz à effet de serre ou sur la pollution en général. Le raisonnement justifiant la mise en place d'un tel prix est assez simple et logique.

Lorsqu'une entreprise produit un bien ou offre un service quelconque, il peut arriver qu'elle émette des gaz à effet de serre et pollue ainsi l'environnement. C'est ce qu'on appelle en économie une externalité négative. Autrement dit, l'entreprise inflige un coût à la société – l'air est moins pur ou l'eau plus polluée par exemple – et cette dernière n'est pas compensée en conséquence. Les coûts de production de l'entreprise ne tiennent donc pas compte des coûts imposés aux individus et à la société. On dit alors que le coût privé est inférieur au coût social.

Afin d'améliorer cette situation, les gouvernements mettent parfois en place des systèmes afin que les entreprises paient pour leurs émissions de GES. Que ce soit via une taxe sur le carbone ou un autre mécanisme, l'objectif est le même, bien que les effets puissent être différents.

Le Québec a donc mis sur pied, en 2013, un système de plafonnement et d'échange de droits d'émission de gaz à effet de serre. Un an plus tard, il s'est joint à celui de la Californie dans le but de créer un marché commun. L'Ontario y a adhéré le 1 janvier 2018 pour finalement se retirer quelques mois après.

Brièvement, le gouvernement établit une limite maximale d'unités d'émission de GES par année et les entreprises visées se procurent des droits d'émission pour chaque tonne de GES émise. Un peu comme à la bourse, les droits peuvent être échangés entre agents. Le prix d'un droit est donc fixé selon ces mécanismes de marché.

Peut-on réellement faire diminuer la pollution dans le monde à nous seuls?

Bien que l'objectif poursuivi par le gouvernement soit noble en soi, certains faits doivent être exposés. J'ai compilé les plus révélateurs.

Même si certains aimeraient croire que le Québec peut à lui seul avoir un grand impact sur la diminution d'émission de gaz à effet de serre, le marché du carbone de la province ne représente que 0,1 % des GES émis dans le monde.

Tout d'abord, même si certains aimeraient croire que le Québec peut à lui seul avoir un grand impact sur la diminution d'émission de gaz à effet de serre, le marché du carbone de la province ne représente que 0,1% des GES émis dans le monde. En y incluant la Californie, ce pourcentage augmente légèrement à 0,8%.

En fait, dans le monde, il n'y a actuellement que 48 initiatives de la sorte. Ces systèmes ne représentent donc que 14% des émissions totales de GES. Seulement 27 pays ont mis en place un système national de prix sur le carbone.

La valeur du marché commun entre le Québec, l'Ontario et la Californie était évaluée à environ 8,36 milliards $US avant la sortie de notre province voisine. L'Ontario comptait pour 25% de cette valeur et le Québec pour environ 11%.

Depuis 2015, 85% des émissions de GES au Québec sont couvertes par ce marché. Le gouvernement jouit donc de revenus de plus de 478 millions de dollars par année, qui sont ensuite versés au Fonds Vert.

Malgré les efforts continus de nos gouvernements et les sommes dépensées en divers programmes, entre 1990 et 2015, le Québec et l'Ontario ont réduit de moins de 10% leurs émissions de GES. Le portrait est encore pire pour la Californie: les émissions ont augmenté de 0,7% pendant la même période. Nos efforts ne produisent pas les résultats escomptés.

Que faudrait-il pour que ce système fonctionne?

Soyons francs, le Québec ne peut à lui seul avoir un impact significatif sur les émissions de GES dans le monde.

Pour que ce système fonctionne adéquatement sans créer trop d'effets pervers, il faudrait pouvoir mettre en place un marché qui couvrirait de nombreux pays. Celui de l'Union européenne est actuellement le plus vaste au monde.

Si le Québec ne tente pas d'élargir son marché d'échange de droits d'émission de GES, des effets pervers pourraient survenir.

Si le Québec ne tente pas d'élargir son marché d'échange de droits d'émission de GES, des effets pervers pourraient survenir. En étant moins concurrentielles à cause des prix imposés sur le carbone, les entreprises pourraient très bien décider d'aller s'implanter ailleurs au Canada ou dans le monde.

Certains économistes prétendent que le marché du carbone n'est pas la solution optimale et qu'il faudrait imposer une taxe sur le carbone à la grandeur du Canada. Il n'existe pas de consensus entre les experts.

La fixation d'un prix sur les émissions de GES n'est pas aussi facile qu'elle semble l'être et est sujette à débat. Je ne crois pas qu'il serait économiquement optimal que les entreprises ne compensent pas les individus et la société pour leurs émissions de GES. Toutefois, gardons en tête les effets pervers que certaines politiques publiques mal ciblées pourraient avoir.

Encore une fois, il ne suffit pas de lancer de l'argent sur le problème pour qu'il se règle par lui-même. Nous devons nous en tenir aux faits en priorisant une approche scientifique et apolitique.

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