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Quand les syndicats frappent un mur

Il y a à peine quelques jours, les syndicats américains ont frappé un mur: la Cour suprême des États-Unis.
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Il y a à peine quelques jours, les syndicats américains ont frappé un mur: la Cour suprême des États-Unis.

En effet, celle-ci a rendu un jugement stipulant que les cotisations syndicales obligatoires violaient la Constitution. Les réactions furent partagées. Bien entendu, le président Trump a salué la décision en ironisant qu'il s'agissait d'une «grosse perte pour les caisses des démocrates», tandis que les syndicats ont manifesté leur mécontentement.

Il faut tout d'abord comprendre que la conséquence du jugement rendu n'est pas d'interdire aux travailleurs de se syndiquer, mais bien de leur offrir le libre choix de cotiser ou non à un syndicat. Si ce droit semble pourtant logique et fondamental – la Déclaration universelle des droits de l'homme stipule à l'article 20 que «nul ne peut être obligé de faire partie d'une association» – certains groupes semblent volontairement l'oublier.

En fait, avec la situation actuelle du modèle de syndicalisation au Québec, la formule Rand devrait être repensée, voire même remise en cause.

Le portrait de la situation au Québec

Si les syndicats ont permis de grandes avancées en ce qui a trait aux conditions de travail au courant du XX siècle, leur rôle aujourd'hui est couramment remis en question. Depuis les années 1940, à la suite d'une décision de la Cour suprême, la formule Rand est appliquée au Québec.

L'État oblige donc tous les employés de ces unités à cotiser à son syndicat, qu'ils le veuillent ou non.

Brièvement, cette formule implique que lorsqu'un environnement de travail est syndiqué, l'employeur prélève des cotisations syndicales de la paie de tous les employés sous une unité de négociation, afin de les verser au syndicat en place.

L'État oblige donc tous les employés de ces unités à cotiser à son syndicat, qu'ils le veuillent ou non.

C'est ce qui explique notamment que le Québec soit la province, après Terre-Neuve-et-Labrador, qui affiche le taux de syndicalisation le plus élevé au pays (environ 35%).

Au Canada, ce taux se situe aux alentours de 28% – il était d'environ 38% au début des années 1980. Vous ne serez pas surpris d'apprendre que les services d'enseignement et l'administration publique sont les secteurs affichant les taux de présence syndicale les plus élevés au Québec, soit respectivement 81,6% et 77,1%.

Les groupes de travailleurs syndiqués ont tendance à être mieux rémunérés que les travailleurs non syndiqués. Cependant, il ne faut pas oublier les autres facteurs qui influencent cette statistique. Le taux de présence syndicale est plus élevé chez les travailleurs plus âgés, les personnes ayant un niveau de scolarité élevé, les travailleurs ayant longtemps occupé leur emploi et les employés de grands établissements. Ces facteurs ont donc un effet considérable sur la rémunération des travailleurs.

Les centrales syndicales semblent oublier de ventiler cette information. Après tout, il faut rendre à César ce qui appartient à César, mais sans plus! Par ailleurs, pour ce qui est des heures habituelles hebdomadaires de travail, les employés travaillent en moyenne 35h, qu'ils soient couverts par un syndicat ou non.

Cependant, les travailleurs syndiqués s'absentent presque deux fois plus au travail en nombre de jours par année que les travailleurs non syndiqués.

Les épidémies de rhume sont-elles plus fréquentes chez ce groupe de travailleurs?

Cessons de confondre antisyndicalisme et abolition de la formule Rand

Au Québec, les grandes centrales syndicales associent souvent antisyndicalisme et abolition de la formule Rand. Pourtant, l'un n'implique pas l'autre!

Prenons l'exemple du Danemark. Tout comme le Royaume-Uni, l'Australie et bien d'autres pays industrialisés où les habitants jouissent d'un haut niveau de vie, les lois du travail y donnent aux travailleurs le droit de ne pas s'associer à un syndicat et de ne pas lui verser de cotisations. Pourtant, ce pays affiche un taux de syndicalisation de près de 70%. Contrairement au Québec, beaucoup de travailleurs sont membres de petites associations syndicales décentralisées. Ce pluralisme syndical favorise une saine concurrence entre ces organisations, ce qui les incite à prendre de bonnes décisions tout en ayant à cœur le bien-être de leurs membres. Soyons francs, les centrales syndicales du Québec sont-elles réellement incitées à assurer un haut niveau d'éthique tout en maximisant l'intérêt de leurs membres quand ces derniers sont contraints à leur verser des cotisations quoiqu'il arrive?

Le problème n'est pas le syndicalisme en soi, loin de là, mais bien le modèle actuellement imposé aux travailleurs québécois.

Il y a maintenant un an, on apprenait que les représentants syndicaux d'une filiale de la FTQ ne gagnaient pas moins de 108 000 $ par an, sans compter l'allocation de 800 $ par mois pour la voiture. On indiquait qu'ils avaient aussi droit à quatre pneus neufs et 350 $ de vêtements chaque année ainsi que 250 $ pour des bottes de travail aux deux ans. Imaginez maintenant le salaire des hauts cadres des grandes centrales syndicales!

Au Danemark, les travailleurs syndiqués membres de petites associations auraient plausiblement voté avec leurs pieds en changeant d'organisation s'ils avaient trouvé aberrante cette disparité de salaire entre travailleurs et représentants syndicaux, ce que les travailleurs québécois ne peuvent pas faire.

Si les Québécois étaient libres de verser des cotisations ou non à leur syndicat, je serais beaucoup moins indigné des salaires des cadres de ces centrales. Pourquoi? Simplement parce que les employés auraient un consentement libre et éclairé lorsqu'ils paieraient leurs cotisations.

Pourquoi ne pas laisser le libre choix aux travailleurs quant à leur adhésion et au financement d'une organisation syndicale?

Le même principe s'applique quand les centrales syndicales jouent les politiciens en se lançant dans une campagne électorale contre un parti politique en particulier. Bien que l'idéologie du travailleur soit peut-être opposée à celle de son syndicat, il doit tout de même obligatoirement financer ce type de campagne politique via ses cotisations.

Pourquoi ne pas laisser le libre choix aux travailleurs quant à leur adhésion et au financement d'une organisation syndicale? Si les centrales sont aussi certaines des bienfaits de leur travail, de quoi ont-elles peur?

L'abolition de la formule Rand n'est pas une idée antisyndicale. Il s'agit plutôt de promouvoir la liberté d'association chez les travailleurs tout en favorisant la concurrence entre les organisations syndicales. Le problème n'est pas le syndicalisme en soi, loin de là, mais bien le modèle actuellement imposé aux travailleurs québécois.

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