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«Je suis William»: une pièce inspirante pour tous les âges

La pièce est merveilleuse, pleine d'humour, de finesse et de plusieurs vérités bien assénées.
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La mise en scène de Sylvain Scott met en exergue la qualité du texte et les émotions ressenties par les personnages pour un résultat fascinant.
François Godard
La mise en scène de Sylvain Scott met en exergue la qualité du texte et les émotions ressenties par les personnages pour un résultat fascinant.

Rien de tel que d'aller au théâtre un après-midi de semaine et de se retrouver en compagnie de hordes d'ados en folie tous à la Maison Théâtre pour voir Je suis William de Rébecca Déraspe. Les hordes d'ados en folie ont manifesté une remarquable écoute et ont applaudi frénétiquement à la fin de la représentation, tout pour vous redonner foi en l'humanité.

Il faut dire que cette pièce, écrite avec justesse et tendresse, est une délicieuse proposition. Soulignons que Rébecca Déraspe a obtenu des prix de l'AQCT pour Gamètes (meilleur texte) en 2017 et pour ce Je suis William (meilleure pièce jeune public) en 2018. Ce qui n'est pas rien. Je n'avais pas vu Je suis William lors de la création l'année dernière, j'ai donc assisté à la reprise et je ne puis qu'être totalement en accord avec mes distingués collègues de l'AQCT qui lui ont décerné ce prix.

La pièce couvre plusieurs thèmes, plusieurs sphères: on y parle de Shakespeare, de l'époque élisabéthaine, de la langue et de l'écriture, de l'inspiration issue de la perte, de la douleur, de l'absence et surtout de la condition sociale des femmes. Accusées de sorcellerie si elles osaient savoir lire et écrire, elles sont réduites au rôle de servantes. Il n'est pas mauvais de se rappeler que ça ne fait qu'une cinquantaine d'années à peine que les filles ont accès à l'éducation en Occident. Merci le féminisme.

L'idée de départ est que William Shakespeare avait une sœur, plus brillante, plus créative que lui, et que c'est elle qui aurait écrit les pièces remarquables que nous allons encore voir avec un plaisir toujours renouvelé.

Plus de cinq mille livres ont été publiés à ce jour, insistant sur le fait que Shakespeare n'est pas l'auteur de ses pièces. Des exégètes, autres érudits et aussi quelques personnes très bizarres, ont avancé les noms de Francis Bacon, d'Edward de Vere, Comte d'Oxford, de Christopher Marlowe, de Sir Walter Raleigh et même d'Elizabeth 1 comme auteurs de Hamlet et de Macbeth.

Rébecca Déraspe situe donc sa pièce dans une tradition bien ancrée. Mais la fin de la pièce désamorce finement cette théorie, puisque Shakespeare n'avait pas de sœur. Rébecca Déraspe s'inscrit cependant ainsi dans la lignée de Virginia Woolf qui a écrit sur cette hypothèse.

Je suis William est une pièce merveilleuse, pleine d'humour, de finesse et de plusieurs vérités bien assénées.

Le sexisme du père est révoltant, la soumission de la mère (illettrée, enceinte et presque pieds nus dans sa cuisine) campe bien l'époque; William, plein de charme, mais qui désire plutôt être acteur que d'écrire des chefs-d'œuvre, est attachant tout plein et Margareth, la sœur remplie d'une ardeur sans remède, amoureuse des mots et des métaphores, nous touche au-delà de tout. La mise en scène de Sylvain Scott met en exergue la qualité du texte et les émotions ressenties par les personnages pour un résultat fascinant.

Les comédiens ne sont pas en reste: Édith Arvisais (Margareth) est la voix des femmes qui parle silencieusement à voix haute; Simon Labelle-Ouimet (William) vit ses contradictions tout en voulant aider cette sœur qu'il sait supérieure à ce qu'il est; et Renaud Paradis incarne le père, la mère, un mécène et une désopilante Elizabeth 1 avec fougue et talent. Un musicien sur scène complète cette étincelante distribution.

Dans quel état serait notre civilisation si les femmes avaient pu y contribuer avant les années 1970 et surtout, si elles avaient été reconnues dans les domaines, des Arts, des Sciences, des Humanités? J'ose croire que ce serait mieux.

Le texte de Rébecca Déraspe pose la question de manière fracassante et fantasque avec une élégante, mais fausse légèreté. Poser cette question est une forme de révolte face à la cruauté d'un monde qui a fait des femmes des esclaves et des hommes des champions. Ce spectacle vivant et dynamique, au dosage impeccable, nous amène à nous interroger sur tout cela et je crois bien que les ados en folie qui étaient dans la salle vont le faire. Car c'est ainsi qu'on change le monde.

Je suis William: Une production du Théâtre Le Clou, à la Maison Théâtre jusqu'au 3 mars 2019.

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