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En cohérence avec sa stratégie électorale, François Legault entretient le flou autour de son offre politique en refusant de la qualifier de quelque façon que ce soit.
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Dimanche dernier, devant les médias à Asbestos, le chef de la Coalition avenir Québec déclarait que «[La CAQ] ce n'est pas une question de gauche ou de droite, ce n'est pas une question non plus de souverainistes ou de fédéralistes [...].» En cohérence avec sa stratégie électorale, François Legault entretient le flou autour de son offre politique en refusant absolument de la qualifier de quelque façon que ce soit.

Nul doute que c'est là un modus operandi soigneusement songé, afin d'attirer le plus d'électeurs possible vers son parti juste à temps pour le 1er octobre et ainsi gagner le pouvoir, sept ans seulement après sa fondation. En fait, ce «flou artistique» gravitant autour de la CAQ représente ni plus ni moins que la principale manière pour le parti de se vendre, et ce depuis sa fondation.

Son chef le répète depuis des années, la prémisse initiale de la Coalition avenir Québec est celle d'un parti qui ne serait «ni souverainiste ni fédéraliste, ni de gauche ni de droite». Sur papier, l'idée d'une grande coalition aussi rassembleuse peut être séduisante, mais en pratique, une question se pose toujours: on sait ce que la CAQ n'est pas, mais qu'est-elle au juste? Cette question, François Legault ne semble pas déterminé à y répondre d'ici octobre, justement parce que sa tactique pour planer à la tête des sondages repose sur l'adhésion de gens qui s'opposent drastiquement dans le clivage politique actuel et que de trop en révéler sur ses positionnements ferait inévitablement fuir des électeurs.

La coalition des déçus

C'est avéré, la percée de la CAQ s'est principalement fait sur le dos des autres partis, qui ont malgré tout réussi à décevoir leurs électeurs durant la dernière législature. Le Parti libéral a saigné le Québec à blanc, a négligé comme jamais l'identité québécoise et a été plombé par des scandales d'éthique par-dessus le marché.

Le Parti Québécois a remis l'indépendance à 2022 pour se cantonner à gauche toute, a mis la pédale douce sur l'identité et a voulu pactiser avec Québec solidaire, ce qu'une partie plus centriste de son électorat ne lui a pas pardonné. Bref, il y a beaucoup d'électeurs désabusés prêts à se venger de leur parti traditionnel, c'est sur eux que l'équipe Legault entend capitaliser pour gagner le gouvernement et c'est exactement là que le positionnement flou entre en ligne de compte.

Tout et rien en même temps

Ce qui fait que la CAQ réussit si bien à attirer les déçus, c'est qu'elle est le deuxième choix de pratiquement tout le monde. Un libéral lassé du PLQ aimera toujours mieux voter «ni souverainiste, ni fédéraliste» que pour le PQ, et un péquiste déterminé à punir Jean-François Lisée ne voudra jamais voter PLQ.

Essentiellement, tous les électeurs peuvent projeter sur la CAQ ce qu'il souhaiterait voir en un parti, même si ce n'est pas avéré, et le chef lui-même ne les contredira jamais pour pouvoir garder leur vote. Les électeurs de gauche peuvent voter pour la CAQ, puisqu'elle ne se dit pas de droite et les électeurs de droite peuvent faire pareil puisqu'elle ne se dit pas de gauche. Ils sont tellement déçus des partis en lesquels ils croyaient jadis qu'ils sont prêts à s'imaginer que le nouveau venu fera ce qu'ils souhaitent, de façon à ce que chaque électeur ou presque ait une vision différente du même parti.

C'en est presque comique à quel point tout le monde qualifie ce parti de toutes les façons possibles, preuve qu'il réussit habilement à entretenir la confusion quant à ses objectifs.

À l'inverse, les partisans très fidèles des partis établis choisissent de voir en la CAQ tout ce qu'ils détestent et tentent de la démoniser de cette façon. Ainsi, chaque fois qu'un ancien libéral rejoint le parti, les péquistes se déchaînent et disent que la CAQ est le club-école des libéraux, alors qu'à chaque fois qu'un péquiste devient caquiste, ce sont les libéraux qui affirment que la CAQ est un ramassis de vieux péquistes. C'en est presque comique à quel point tout le monde qualifie ce parti de toutes les façons possibles, preuve qu'il réussit habilement à entretenir la confusion quant à ses objectifs.

Le marketing préélectoral du parti en témoigne également: la CAQ se présente comme «l'équipe du changement», comme un parti qui va «faire plus et faire mieux». Il n'y a pas à dire, ces slogans sont étonnamment creux et pourraient être ceux d'un parti de gauche, de droite, souverainiste ou fédéraliste. Ils n'évoquent rien de précis, seulement la volonté de former le gouvernement et de chasser les libéraux, ce que tous reconnaissent aujourd'hui au parti de Legault.

Les dangers de la confusion

On a beau dénoncer et déplorer le message plutôt creux de la Coalition avenir Québec, cela n'ébranlera pas les têtes pensantes du parti pour autant, loin de là. François Legault n'a qu'à regarder les sondages, il est clair que «l'équipe du changement» et l'idée de «faire plus et faire mieux» rejoint une certaine frange de la population, laquelle est probablement suffisante pour assurer une victoire à la CAQ si la tendance se maintient.

Dans le moment, la formation politique n'a absolument aucun avantage à clarifier son offre et à accepter une autre étiquette que les seules qu'il s'accole volontairement, c'est-à-dire «pragmatique» et «nationaliste». Les seules conséquences d'un tel acte seraient probablement de lui aliéner des parts de cette fragile coalition, bâtie de peine et de misère à partir des électorats traditionnels du PLQ et du PQ.

Il y aura assurément des déçus advenant un gouvernement caquiste, puisque beaucoup d'électeurs ne savent pas ce pour quoi ils votent réellement.

Toutefois, c'est après l'arrivée au gouvernement que le maintien de ce flou autour de la CAQ deviendra franchement dangereux. Une fois au pouvoir, la Coalition n'aura d'autre choix que de clarifier son idéologie, et surtout de l'exposer au grand jour, puisqu'elle devra gouverner le Québec. Dans les lois qu'elle fera voter, dans les mesures qu'elle mettra en place, la CAQ se cantonnera forcément à gauche ou à droite. En ce sens, il y aura assurément des déçus advenant un gouvernement caquiste, puisque beaucoup d'électeurs ne savent pas ce pour quoi ils votent réellement. À l'inverse, des sceptiques du Parti Québécois et du Parti libéral pourraient être séduits par cette nouvelle direction pour le Québec et rejoindre la base caquiste, qui sait.

Le fait est qu'actuellement, le discours caquiste est pensé pour maintenir l'électeur moyen dans une certaine confusion grâce à des philosophies comme «ni de gauche ni de droite, ni fédéraliste ni souverainiste», et des slogans tels que «faire plus, faire mieux» ou encore «l'équipe du changement».

C'est une stratégie brillante qui sait habilement tabler dans l'irrationnel, plutôt que dans le réfléchi pour s'attirer des appuis. À moins de lire attentivement les documents produits sur le site du parti et l'éventuelle plateforme de celui-ci, il est encore bien difficile de déterminer ce pour quoi les électeurs caquistes voteront, sinon pour un changement de gouvernance. Les Québécois sont-ils prêts à prendre le risque d'un gouvernement «boîte à surprises»?

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