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Hommes connus, peine perdue?

Pourquoi cette tendance, lorsqu’on parle d’agresseurs connus, à vouloir diminuer la gravité des crimes commis en soulignant leurs réussites dans leurs domaines respectifs?
Harvey Weinstein
The Associated Press/Seth Wenig
Harvey Weinstein

Weinstein, Polanski…des noms qui font couler beaucoup d’encre ces temps-ci. On se retrouve alors avec un discours dichotomique: certains veulent effacer de l’histoire toute trace laissée par ces hommes, d’autres arguent qu’il faut plutôt séparer l’homme de l’œuvre.

Cela peut sembler facile en théorie; les réussites de quelqu’un n’ont, à première vue, rien à voir avec les comportements qu’on leur reproche. Un film ayant gagné un Oscar reste un film ayant gagné un Oscar. Pourtant, il serait dur de nier qu’un voile vient s’abaisser sur ces reconnaissances. On commence à se demander dans quelles circonstances ces chefs-d’œuvre ont été créés; qui a dû subir des avances non voulues, ou carrément des agressions sexuelles. Tous ces accomplissements ne disparaissent pas, mais ils laissent un goût amer…

Ceci étant dit, ce qui est selon moi inacceptable est le traitement de l’information par certains médias. La semaine passée, j’étais abasourdie de voir en gros titre: «La chute en disgrâce d’un producteur célèbre». En effet, c’était le titre choisi pour parler de la condamnation pour agression sexuelle et viol d’Harvey Weinstein.

Pourquoi cette tendance, lorsqu’on parle d’agresseurs connus, à vouloir diminuer la gravité des crimes commis en soulignant leurs réussites dans leurs domaines respectifs? Il n’a pas «chuté» par accident, et visionnaire ou non, il a été reconnu coupable de viol et d’agression sexuelle.

“Est-ce que les réalisations professionnelles d’hommes reconnus coupables de tels crimes font en sorte qu’ils sont moins coupables?”

Pourtant, aucune mention de ces faits dans le titre. L’article était largement dédié aux accomplissements de cet homme. Certes, on mentionnait les accusations et le verdict, mais on y parlait surtout de ses Oscars et des films qu’il a produits. Était-ce vraiment la place pour l’encenser? Oui, séparer l’homme de l’œuvre, mais était-il nécessaire de préciser les prix gagnés alors qu’il s’agit d’un article pour parler de la condamnation de ce «producteur de cinéma visionnaire»?

Dans le même ordre d’idée, quelques détracteurs d’Adèle Haenel la critiquant pour être sortie de la salle suite à la remise d’un César à Polanski acceptent sans sourciller qu’on honore ce dernier. Si l’un des deux gestes mérite réflexion, je dirais bien que c’est la remise d’un prix à un homme reconnu coupable de viol sur mineure et accusé une dizaine de fois d’agression sexuelle et de viol, plutôt que l’actrice sortie «ostensiblement» d’une salle.

Est-ce que les réalisations professionnelles d’hommes reconnus coupables de tels crimes font en sorte qu’ils sont moins coupables? Est-ce que les victimes devraient se sentir mal de «gâcher la vie de ces pauvres hommes?» «Ah, quel dommage qu’il ait violé une femme et agressé une autre, il était si prometteur! Si seulement elles s’étaient tues.» Non, ce n’est pas ce qui est écrit, mais c’est ce qui est laissé entendre. C’est encore la faute de la victime, c’est elle qui ruine la vie de l’agresseur.

Séparer l’homme de l’œuvre, certes, mais pas à n’importe quel prix et pas n’importe comment. Le traitement de l’information, la manière dont les nouvelles sont relatées, ont une influence énorme sur la perception de ces crimes par la société.

Deux histoires similaires, se déroulant en l’espace d’une semaine, nous montrent que bien que des progrès ont été faits dans la façon dont on aborde les cas de violence sexuelle, nous avons encore beaucoup de chemin à faire…

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