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Le «coming out» n'est que le premier obstacle

Il y a une différence entre l'acte supposément simple du «coming out», et l'acte beaucoup plus assumé d'être soi-même devant les autres.
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J’ai attendu 28 ans avant de faire mon coming out à ma famille.

Ça peut sembler une longue période, mais je parie que c’est peut-être dans la moyenne, en tenant compte de ceux d’entre nous qui le font plus tôt, et de la masse silencieuse et importante qui, malheureusement, ne le fait jamais.

Si je n’avais pas commencé à écrire pour un site web LGBTQ+, je ne serais peut-être même pas sorti du placard à l’époque. Mais ce travail a été un coup de pouce dans la bonne direction, à un moment où j’étais au bord du gouffre - même si, il faut bien l’admettre, le fait de rester passif face à l’accomplissement de la tâche devenait mon point fort.

Comme d’autres personnes queer à qui j’ai parlé, j’ai réalisé que la chose la plus utile pour en finir avec le processus de coming out était d’avoir une raison de le faire. J’ai donc pris mon nouveau travail comme un signe et j’ai envoyé à mes parents un courriel expliquant mon rôle dans la communauté LGBTQ+. L’idée de faire son coming out par courriel peut sembler drôle, mais en fait, plus de personnes queer font leur coming out à distance qu’on ne le pense - ça évite d’avoir à vivre avec les réactions spontanées et ça permet aussi à toutes les personnes impliquées d’avoir de l’espace.

«Dieu merci, tu nous l’as dit!», a été le genre de réponse qui a afflué dans ma boîte de réception. J’étais ravi et soulagé et je me sentais incroyablement chanceux - non seulement d’être né dans un pays où c’est accepté, mais aussi dans une famille aimante et qui m’accepte comme je suis.

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«Voilà, c’est fait», c’est ce que je me disais. Et puis ça m’a frappé: en fait, je dois sortir, voir ces personnes, et vivre ma nouvelle vie, MAINTENANT! Pour vivre ma sexualité, d’une manière ou d’une autre, tout comme pour confirmer qu’elle existe.

Mais ce n’est pas si facile. Être queer signifie, pour beaucoup d’entre nous, faire face à des troubles de santé mentale assez importants - notamment la honte de notre sexualité, différente de celle de la majorité des gens.

Si vous avez de la chance, ces problèmes peuvent être surmontés. Mais il est important de comprendre que ce n’est pas parce qu’une personne queer a fait son coming out qu’elle est nécessairement prête à discuter de sa vie privée en public. Quel que soit le niveau d’acceptation des familles - la mienne m’accepte grandement - je ne saurais trop insister sur l’ampleur de la différence, pour moi, entre l’acte supposément simple de faire son coming out et l’acte plus assumé d’être moi-même devant les gens, d’interagir avec eux à propos de ma vie personnelle, de me dévoiler.

La honte et la stigmatisation transcendent le simple acte de faire son coming out. Vingt-huit ans de silence sur mes préférences sexuelles transcendent le simple acte du coming out. L’insécurité et le manque de confiance en soi pour discuter si ouvertement de ces choses transcendent le simple fait de faire son coming out.

D’un autre côté (et c’est un sujet qui me préoccupe encore), le principe même du coming out est bizarre. C’est presque trop personnel, et c’est quelque chose que nos alliés hétérosexuels n’ont injustement jamais besoin de faire. Peut-être que le vieil adage «Ne parle pas, agis», s’applique. Lorsque vous avez quelqu’un dans votre vie, vous venez avec lui à des événements et vous le présentez à votre famille. À ce stade, il y a quelque chose de plus évident à dire que «j’aime les hommes et je suis un homme».

Je suis très proche des membres de ma famille et je m’amuse beaucoup avec eux - mais maintenant, je peux vraiment profiter des moments où je socialise avec ma famille, en ne me demandant plus quand quelqu’un va me poser des questions au sujet d’une potentielle copine.

“Les personnes queer ne sortent pas nécessairement du placard parce qu’elles sont prêtes à parler de leur vie personnelle.”

Même si le verre me semble à moitié vide, je ne regrette pas mon coming out. Je me concentre sur l’idée joyeuse et progressiste qu’être queer est un superpouvoir qui me permet d’avoir de l’empathie pour les autres groupes marginalisés, et de comprendre leurs difficultés et leurs perspectives.

La dernière chose à comprendre, et la plus importante, c’est que les personnes queer ne sortent pas nécessairement du placard parce qu’elles sont prêtes à parler de leur vie personnelle. Parfois, les gens sont forcés de le faire, ou bien ils le font pour des raisons pratiques. Il est important que nous respections toujours ça et que nous attendions qu’ils parlent en premier. Ça peut prendre des mois, des années ou ne jamais se produire, mais tant que nous travaillons à renforcer ces relations d’une autre manière, l’ouverture sur la sexualité et les fréquentations amoureuses peuvent être remplacées par une ouverture à autre chose. Quelque chose, franchement, de bien plus intéressant.

Être queer est formidable et plaisant, et je suis très heureux de l’être. Mais ça vaut la peine de prendre le temps de réfléchir aux conséquences d’un coming out, parce que ça va plus loin que quelques mots : toutes les personnes queer n’auront pas la même appréhension à parler de leur vie personnelle lorsqu’elles sortiront du placard, mais si c’est votre cas, ça vaut la peine de planifier le grand jour avec grand soin.

Ce texte, initialement publié sur le HuffPost Royaume-Uni, a été traduit de l’anglais.

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