Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

La rémunération des recteurs des universités québécoises

De temps à autre, la rémunération consentie aux recteurs d'universités québécoises fait la manchette, en raison de ce que d'aucuns considèrent une générosité plus que certaine à leur endroit.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.
AFP

Récemment, le gouvernement du Québec annonçait une nouvelle formule de financement des universités québécoises. Dans un article publié dans Affaires universitaires le 19 juin 2018, Jean-François Venne en résume les faits saillants, réservant un sujet parfois controversé pour la fin sous le titre évocateur Moins d'argent pour les recteurs.

De temps à autre en effet, la rémunération consentie aux recteurs de quelques universités québécoises fait la manchette, en raison de ce que d'aucuns considèrent une générosité plus que certaine à leur endroit. Les nouvelles règles s'attaquent notamment aux hausses salariales des recteurs, qui dorénavant, devront refléter celles qui sont en vigueur dans le secteur public et parapublic.

Tomber dans la comparaison

Personne, probablement, ne versera de larmes à la lecture de ces nouvelles règles. Il demeure toutefois, comme l'a rappelé la rectrice de l'Université McGill, que la rémunération des recteurs québécois demeure inférieure à la moyenne de celle que l'on consent à leurs homologues des autres provinces canadiennes. Devrait-on s'en émouvoir? Ayant vécu longtemps à la frontière entre le Québec et l'Ontario, je reconnais qu'il est habituel de comparer les salaires versés d'une province à l'autre dans le cas des infirmières, infirmiers, enseignantes et enseignants au primaire et au secondaire, par exemple.

Je suis toutefois moins certain que l'on puisse fonder, dans le cas des recteurs des universités québécoises, des attentes salariales sur une comparaison de cette nature. Les recteurs évoluent en effet dans un secteur dont la culture a des incidences sur la détermination des salaires auxquelles ne font pas face les professionnels susmentionnés.

Il est admis dans le monde universitaire, en particulier d'un point de vue professoral et syndical, que le fonctionnement des universités repose en grande partie sur deux principes. L'un est la liberté universitaire, et l'autre est la gouvernance collégiale.

L'adjectif collégial manifeste une caractéristique supplémentaire des universités, que désigne la notion de collège professoral. Selon celle-ci, les professeurs universitaires sont, les uns pour les autres, des collègues qui en tant que pairs participent à la gouvernance de leur établissement – en principe à tout le moins, l'actualisation de la chose variant grandement d'un établissement à l'autre. Normalement, le recteur est un membre de ce collège ou le devient s'il provient d'un autre établissement universitaire. Ainsi, aux yeux des membres du collège professoral le recteur est un pair.

Dans certains établissements québécois, et c'est aussi le cas dans plusieurs universités ontariennes, c'est comme si un court-circuit se produisait lorsqu'un professeur devient recteur.

À ce titre et avant d'accéder au poste de recteur, comme tout autre professeur il se trouvait, au plan salarial, quelque part sur une échelle de compensation basée sur le progrès dans les rangs et au sein de chaque rang. En considérant ce qui précède, mais aussi dû au fait que ce progrès est fondé sur le mérite en divers domaines dont l'enseignement et la recherche, tout écart marqué entre le salaire d'un recteur et celui des professeurs d'un établissement n'est pas sans faire sourciller ses pairs, quand ce n'est pas le public que la chose fait maugréer.

Dans certains établissements québécois, et c'est aussi le cas dans plusieurs universités ontariennes, c'est comme si un court-circuit se produisait lorsqu'un professeur devient recteur. Adieu, collège professoral et échelle salariale s'y appliquant, on est «ailleurs», dirait-on. La chose n'est ni affirmée ni admise, mais dans ces endroits on détermine la rémunération des recteurs à partir d'une autre logique, corporative, semble-t-il.

Plusieurs experts dénoncent depuis une trentaine d'années ce qu'ils appellent la «corporatisation» des universités (par exemple Jamie Brownlee dans How Corporatization Is Transforming Canadian Universities (2015)). Se pourrait-il que l'on en ait ici une autre manifestation? Maints arguments invoqués pour justifier des salaires rectoraux nettement plus élevés que ceux des professeurs du même établissement, parfois beaucoup plus avancés dans la carrière, le suggèrent.

On est en concurrence avec d'autres universités, dit-on par exemple, et dans le but d'attirer les meilleurs candidats on doit offrir de hauts salaires – comme si on était une grande compagnie cotée en bourse à la recherche de son prochain PDG. On avance parfois, de manière un peu gênée, que les responsabilités d'un recteur justifient un salaire aussi élevé. On peut même lire ici ou là que le salaire du recteur doit être plus élevé que celui du professeur le mieux payé dans l'établissement, sans plus d'explication, comme si l'université était devenue une entreprise, mais uniquement aux fins de détermination du salaire du recteur.

À la rigueur, l'argument des responsabilités accrues n'est pas sans valeur. Nul doute en effet, diriger un établissement universitaire constitue une tâche qui comporte un degré de responsabilité élevé. De même, la nature des responsabilités d'un recteur peut justifier un ajustement salarial. Mais jusqu'à quelle hauteur? Y a-t-il quelqu'un pour croire que le recteur de quelque université ontarienne que ce soit a des responsabilités plus grandes que celle du premier ministre de cette province?

Pourtant, un coup d'œil sur la Sunshine List où apparaissent les noms des employés du secteur public ontarien qui gagnent plus de 100 000$ par année mène au constat suivant: maints recteurs étaient beaucoup mieux payés, en 2017-2018, que la première ministre sortante. Plus du double dans certains cas.

En raison de l'approche qui préside à son calcul, la rémunération de la majorité des recteurs des universités québécoises ne souffre pas de ce travers. Devrait-elle être relevée? C'est possible, mais pas en prenant pour modèle ce qui se passe ailleurs au pays, ni dans la manière de déterminer les salaires des recteurs ni en ce qui concerne des montants consentis.

À VOIR AUSSI:

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.