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Vivre quatre ans dans une autocaravane a changé ma vie

A l’époque nous ne pensions pas que voyager en autocaravane deviendrait un véritable mode de vie.
Courtoisie M. et Mme Aventure

Mon mari, Drew, et moi avons passé ces quatre dernières années à voyager à bord d'une autocaravane. Tout a commencé en 2011: après avoir obtenu notre diplôme de l'université de Floride, où nous nous étions rencontrés, nous avons traversé tout le pays en voiture jusqu'à la ville de nos rêves, Los Angeles. Trois ans plus tard, nous aspirions à autre chose qu'à un travail de bureau.

Drew montait une affaire de vente en ligne de montres de luxe restaurées quand il s'est rendu compte qu'un tel avenir ne correspondait pas à ses valeurs. De mon côté, j'en avais assez de me tuer au travail sans être reconnue. Je me sentais perdue entre le stress de mon service de nuit et la monotonie des heures passées assise à mon bureau, en tant que chef du service des admissions et du suivi des patients dans un centre de convalescence pour personnes souffrant de troubles alimentaires.

Nous savions tous les deux qu'il y avait mieux dans la vie que ce que la société nous imposait. Nous nous sentions prisonniers d'un cycle sans fin, à ne vivre que pour nos week-ends, et ce n'était pas assez: pas assez de liberté, de motivation, de créativité ni de joie. Nous aurions voulu pouvoir nous satisfaire de ce que nous avions, mais nous nous sentions éteints, privés de l'étincelle de vie que nous étions sûrs de posséder au plus profond de nous, et nous avons fait en sorte de la raviver.

Drew et Brittany, bien au chaud et confortablement installés pour affronter leur premier hiver anglais, en février 2016.
Courtoisie M. ET MME AVENTURE
Drew et Brittany, bien au chaud et confortablement installés pour affronter leur premier hiver anglais, en février 2016.

Après nous être évadés de la ville le temps d'un week-end de camping au parc national Zion, dans l'Utah, en 2013, nous avons rédigé notre "contrat de liberté" inspiré des livres sur l'épanouissement personnel que nous dévorions à l'époque. Ce contrat était exactement ce qu'il nous fallait pour rester motivés et accepter ce bouleversement de notre existence, avec sa part d'imprévu.

À l'origine, nous avions décidé qu'en avril 2016 nous quitterions nos emplois pour voyager et enseigner l'anglais en Asie du Sud-Est. En attendant, nous nous séparerions de nos possessions superflues et économiserions le plus possible. En signant à côté du "X" tracé à la main sur notre contrat, nous avons eu la sensation que quelque chose s'éveillait en nous.

Deux parties de notre contrat ne se sont pas déroulées comme prévu. D'abord, quand nous avons annoncé à nos familles que nous comptions nous rendre en Asie, on nous a proposé de nous prêter une autocaravane Sprinter qui ne servait à personne, pour explorer d'abord les États-Unis. Nous avons immédiatement décidé que ne pouvions pas refuser une offre pareille.

Ensuite, nous ne pensions pas être aussi impatients de nous lancer dans cette aventure. L'entreprise de Drew périclitait à cause d'un problème de partenariat, et après avoir démissionné du centre de convalescence, j'avais du mal à retrouver un emploi stable. Alors, en décembre 2014, nous avons mis les quelques affaires que nous possédions encore dans un garde-meuble à San Diego et nous sommes partis en Floride récupérer l'autocaravane, prêts à parcourir les États-Unis et le Canada pendant un an.

Courtoisie M. et Mme Aventure

Comme c'était l'hiver, nous avons d'abord fait étape dans l'archipel des Keys. C'est là, garés en bordure de plage, que nous avons planifié le reste de notre parcours en tenant compte des saisons et des dates des divers événements auxquels nous voulions assister dans tout le pays (le festival de musique SXSW à Austin, au Texas, Burning Man au Nevada et la fête de la montgolfière à Albuquerque, au Nouveau-Mexique, notamment). Nous avions aussi prévu un minivoyage en Islande pendant notre périple nord-américain: nous comptions passer deux semaines à visiter ce pays dans une plus petite autocaravane que nous avions loué.

Nous avons parcouru près de 34 000 kilomètres à travers tout le continent, en décrivant grosso modo une boucle dans le sens inverse des aiguilles d'une montre. Nous avons exploré autant de parcs nationaux que possible, y compris Acadia (Maine), Glacier (Montana), Great Smoky (Tennessee), Yellowstone (Wyoming), Yosemite, Sequoia et Joshua Tree (Californie) et Baff, au Canada. Nous avons grimpé jusqu'au sommet du plus haut pic du sentier des Appalaches, vaincu le Mont Whitney en Californie (le plus haut pic des Etats-Unis continentaux, qui culmine à 4421 mètres), fait une randonnée de trois jours à vélo au Canada, descendu une rivière en rafting au Québec, fait l'ascension du Half Dome à Yosemite et accepté une croisière impromptue de dix jours avec de parfaits inconnus en Alaska, le long du passage intérieur de Sitka à Seattle.

A l'époque nous ne pensions pas que voyager en autocaravane deviendrait un véritable mode de vie. Nous l'envisagions comme un simple moyen de vivre le plus d'aventures possible pendant ce que nous croyions être notre seule année sur la route.

Les trois premiers mois ont été difficiles pour moi. J'avais l'habitude de mon petit confort, de la routine de mon ancienne vie et de la stabilité qui allait avec.

J'aimais aussi avoir mon propre espace, et devoir partager moins de deux mètres carrés 24h sur 24 et 7 jours sur 7 avec mon futur mari m'a demandé un gros effort d'adaptation. Mon studio de yoga à Los Angeles me manquait, comme le simple fait de prendre une douche quand je le désirais.

Mais, au fur et à mesure de notre voyage, mes besoins ont évolué et j'ai vite oublié les règles que je m'imposais dans mon ancienne vie. J'ai fait l'expérience d'un incroyable changement de perspective et pris conscience que je n'avais pas besoin de toutes ces choses pour être heureuse. En fait, elles m'empêchaient de trouver le bonheur en moi-même. J'ai compris que vivre dans cette autocaravane m'apportait tout ce qu'il me fallait pour devenir la personne que, sans le savoir, j'avais toujours été destinée à être, et enfin trouver le bonheur et la liberté que je cherchais désespérément.

Drew et Brittany enlacent la camionnette qu'ils ont utilisée pour leur voyage de noces en Europe, en Allemagne, en juin 2017.
Courtoisie M. et Mme Aventure
Drew et Brittany enlacent la camionnette qu'ils ont utilisée pour leur voyage de noces en Europe, en Allemagne, en juin 2017.

Au beau milieu de notre road trip, Drew a reçu une offre providentielle. Une entreprise qui appartenait autrefois à sa famille venait d'être restructurée et vendue, et avait besoin d'un nouveau gestionnaire, un poste qui pouvait être occupé de n'importe où, à condition de disposer d'une connexion internet. Drew était exactement l'homme de la situation et, en ajoutant à son salaire ce que nous gagnons en collaborant à des projets sur les réseaux sociaux et grâce à nos ventes sur Amazon, nous avons encore aujourd'hui les moyens de voyager bien au-delà des frontières de notre pays natal.

À la fin de notre première année sur la route, nous nous sommes dit que si nous avions réussi à vivre ensemble dans une autocaravane pendant 12 mois nous étions capables de tout. Alors, en janvier 2016, notre périple nord-américain s'est terminé par une fête inoubliable sur la plage d'Islamorada en Floride, où nos amis et notre famille ont assisté à notre mariage. Ensuite, au lieu d'opter pour une lune de miel traditionnelle, nous nous sommes envolés pour l'Angleterre et avons utilisé l'argent reçu de nos proches pour acheter d'occasion notre tout premier nid d'amour: une camionnette Ford Transit aménagée, que nous avons surnommé l'Howeller et à bord de laquelle nous nous sommes embarqués pour un voyage de noces de deux ans et demi à travers l'Europe et l'Afrique, une odyssée qui a changé notre vie.

Sans murs ni routine derrière lesquels nous cacher, nous avons quitté la société telle que nous la connaissions. Vivre sur la route dans des pays étrangers, sur d'autres continents, signifiait que tout, des langues aux coutumes, de la nourriture aux valeurs en passant par les paysages, ne cessait de changer. Tout comme nous. Notre camionnette rendait tout cela possible et elle est vite devenue notre petit sanctuaire, qui nous donnait la stabilité dont nous avions besoin pour évoluer et le confort nécessaire pour nous laisser guider en toute confiance par notre bonne étoile dans cette aventure.

Nous passions presque tout notre temps en pleine nature. Nous nous lavions dans les points d'eau que nous rencontrions ou, à défaut, dans un baquet et des journées entières passaient souvent sans que nous nous regardions dans le miroir. Nous faisions des randonnées à pied et à vélo, explorions et tissions des liens d'amitié avec toutes sortes d'inconnus de milieux divers. Nous étions plus pauvres que nous ne l'avions jamais été, mais notre vie était infiniment riche.

Courtoisie M. et Mme Aventure

Après plus de 64 000 kilomètres pleins d'expériences uniques, nous avons donné l'Howeller à d'adorables jeunes mariés et nous avons quitté l'Angleterre. Ils n'avaient encore jamais vécu ni même voyagé dans une camionnette, et l'Howeller était parfaite pour les débutants. Nous savions aussi que notre véhicule adoré avant déjà eu une bonne vie, et qu'il était très usé. C'est pourquoi nous le leur avons cédé gratuitement. Ce couple avait besoin de goûter à la liberté et l'Howeller avait besoin d'un dernier propriétaire aux petits soins. C'était donc la façon idéale de lui dire adieu.

Nous sommes rentrés aux États-Unis en août dernier, et nous nous demandons depuis ce que nous allons faire de notre vie, et la direction à prendre. Même s'il est tentant d'idéaliser la vie sur la route, elle est aussi épuisante. Sans maison fixe, il est beaucoup plus compliqué de pourvoir à ses besoins essentiels, de monter une entreprise ou de fonder une famille. L'hygiène et les douches chaudes sont limitées, on est souvent très loin des gens qu'on aime et l'absence de routine fait qu'il est difficile de consacrer du temps et de l'énergie aux grandes aspirations de l'existence. Mais, comme dit le proverbe, les choses les plus difficiles sont parfois celles qui méritent le plus d'être vécues, et je continue à penser que la vie mobile en vaut vraiment la peine.

Drew aide Brittany à prendre sa douche solaire au bord de la mer, à Quiberon, en juin dernier.
Courtoisie M. et Mme Aventure
Drew aide Brittany à prendre sa douche solaire au bord de la mer, à Quiberon, en juin dernier.

Nous voulons continuer à vivre le meilleur et nous avons appris que, pour nous du moins, il n'existe pas de voie toute tracée. Alors nous sommes prêts à repartir et découvrir une fois de plus ce que la route nous réserve. Nous venons d'acheter une nouvelle autocaravane et nous allons refaire nous-mêmes l'intérieur avec du bois "FORÊTcupéré" suite à l'étalement urbain de San Diego.

Après avoir passé aussi longtemps sans aucun repère stable en dehors de nous deux, nous avons décidé que ce véhicule ressemblerait davantage à un appartement-bureau sur roues. Nous n'allons pas forcément vivre dans une autocaravane toute notre vie, mais nous aurons toujours envie d'en avoir un. Et, comme nous espérons fonder un jour une famille, nous construisons cette maison roulante de manière à ce qu'elle puisse accueillir quelques personnes de plus.

Quand nous aurons fini, nous comptons rester dans l'Ouest et commencer en douceur. Après notre long voyage en Europe, nous avons hâte de profiter de quelques-uns de nos endroits favoris sur la côte, comme Big Sur, et de saisir toutes les occasions de rendre visite à notre famille et nos amis, dont beaucoup vivent aussi dans des maisons roulantes.

Nous avons aussi le projet de passer l'été au Canada et en Alaska et peut-être même descendre dans la péninsule de Basse-Californie pour l'hiver. Ensuite, qui sait? Pour le moment, notre destination, c'est la route. Du moins, jusqu'à ce que nous découvrions ce que nous appelons "notre endroit rêvé", et nous sommes prêts à aller aussi loin que nécessaire pour le trouver.

Brittany et Drew se reposent dans leur camionnette le lendemain de leur ascension du plus haut pic de Norvège, en août 2017.
Courtoisie M. et Mme Aventure
Brittany et Drew se reposent dans leur camionnette le lendemain de leur ascension du plus haut pic de Norvège, en août 2017.

Ce blogue, publié sur le HuffPost américain, a été traduit par Iris Le Guinio pour Fast ForWord.

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