Donald Trump a quasiment gagné hier l'investiture républicaine pour l'élection présidentielle de novembre aux États-Unis. Hillary Clinton a pris une option sérieuse pour la candidature démocrate.
Il faut en tirer des leçons, pour eux et pour nous.
1. La réussite des positions anti système
Trump, va être sans doute le candidat du parti républicain contre ce même parti. Avec son discours transgressif, son positionnement, la variété de son électorat, et son programme (si tant est qu'il ait un paquet de propositions cohérentes).
Bernie Sanders, contre toute attente, a renoué avec une Amérique de gauche idéaliste, celle des jeunes, des écologistes, des altermondialistes. Celle qui pense qu'un «nouveau monde est possible», loin de la cartésienne, classique, compétente, Hillary Clinton. Bernie Sanders se retrouve battu lors de ce Super Tuesday, mais il résiste fortement, et les États de la côte Est et Ouest n'ont pas encore dit leur dernier mot.
2. La révolte profonde et durable des laissés pour compte
Comme l'ont souligné depuis longtemps de nombreux économistes, de Stiglitz à Piketty, les inégalités se sont creusées dans les vingt dernières années, et seuls les Américains fortunés ont réellement profité de la reprise économique. Les délaissés du système votent Trump. Les indignés contre le système votent Sanders.
3. Les partis traditionnels sont à la peine
Rien ne prédisait que Sanders parviendrait à gauchir le parti démocrate. Rien ne prédisait que Trump pourrait secouer à ce point le parti républicain. Les élections à venir seront de plus en plus marquées par la communication directe, loin des partis, mais portée par les réseaux sociaux: 12 millions de followers pour Trump entre Facebook, Instagram et Twitter. Trump est populaire... parce qu'il est populaire ! Les YouTubers ont tranché: la célébrité va à la célébrité.
4. La radicalité paie
Bernie Sanders incarne une Amérique «socialiste», en rupture avec les codes centristes habituels des Démocrates. Même s'il ne remporte pas la nomination, le signal est fort pour la gauche américaine: la classique Hillary, trop connue, depuis trop longtemps, incarne une sagesse convenue qui ne permet pas de renverser la table.
Quant à Trump, son succès vient principalement de l'outrance de ses propos. Dehors les mexicains, dehors les musulmans, bienvenue aux invectives qui ne fâchent pas ses électeurs qui, bien au contraire, en redemandent: sexisme, racisme, plaisanteries sur les handicapés, les étrangers, les chinois qui nous «volent», les mexicains qui nous «violent». Il faut être fort, autoritaire, il faut s'armer et tenir tête à tout le monde, tout en restant chez soi. Quant au Ku Klux Klan, mon Dieu, «il faut que je me renseigne»...
5. Ajoutons la bouche sèche et pâteuse d'une après soirée électorale
L'Amérique tranquille se réveille sonnée par l'infatigable ascension du promoteur immobilier. Que serait l'Amérique de Trump se demandent aujourd'hui les journaux modérés américains ? Nul ne le sait, sinon la fin d'un monde connu.
Ce billet de blogue a initialement été publié sur le Huffington Post France.
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