QUÉBEC - Plusieurs candidats parmi les 18 000 dossiers qui seront bientôt abandonnés n'osent pas tenter leur chance de nouveau avec le nouveau système d'immigration «Arrima» de peur d'être déçus une fois de plus.
«Je n'ai plus confiance en un système qui n'a aucune considération pour nous», déplore Ferhat Lounes, un Algérien qui attend son certificat de sélection depuis 32 mois. «Si on se réinscrit sur Arrima, ça veut dire que nos sacrifices ne valent rien.»
Mais le nouveau système est déjà populaire. Le gouvernement du Québec a déjà reçu plus de 91 000 déclarations d'intérêt dans ce nouveau système d'immigration mis en service en août 2018.
En bref, les personnes intéressées à venir au Québec doivent créer un profil gratuit et répondre à une série de questions sur leur domaine de formation et leurs diplômes.
Par la suite, le ministère de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion (MIDI) doit les «inviter» à déposer une demande de sélection permanente selon les besoins en matière de main-d'oeuvre au Québec. Impossible de savoir pour le moment quand ces «invitations» commenceront à être distribuées.
En vertu de la réforme sur l'immigration déposée la semaine dernière, les quelque 18 000 demandes dans l'ancien système «Mon projet Québec» seraient annulées, puis remboursées si le projet de loi est adopté tel quel.
Cette décision soulève l'anxiété et la déception chez les principaux intéressés, qui craignent de voir leur rêve de vivre au Québec leur filer entre les doigts.
Plusieurs candidats disent ne pas comprendre pourquoi le processus s'arrête, alors qu'ils ont déjà payé les frais et fourni les documents demandés. Ils craignent aussi que leur âge plus avancé, en raison des délais, nuisent au «pointage» de leur candidature.
«Nous ne pouvons pas tout recommencer du début, explique Elham, une Iranienne qui a appliqué en 2015. Nos certificats de français sont expirés. Même si nous passons nos examens de nouveau, notre âge ne reculera pas de quatre ans.»
Okba, un Tunisien de 36 ans qui travaille dans le domaine du commerce électronique, dit qu'il n'a «plus de souffle pour recommencer à zéro». Il est plus âgé et ses tests de langue ne sont plus valides de toute manière.
«Le ministre (Simon Jolin-Barrette) sait très bien que nos dossiers ont perdu de leur valeur à la suite de ces nombreuses années d'attente. Nous dire qu'on peut soumettre notre dossier sur Arrima, c'est sa manière chic pour se débarrasser de nous.»
Un débat musclé à Québec
Comme c'est le cas depuis le début de la semaine, le ton a monté entre le gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ) et l'opposition libérale sur le dossier de l'immigration lors de la période de questions à l'Assemblée nationale.
Le ministre Jolin-Barrette est accusé de toutes parts de manquer de sensibilité à l'égard des personnes derrière les 18 000 dossiers qui pourraient être bientôt annulés.
«Pourquoi cesser de traiter les dossiers avant l'adoption du projet de loi? Stephen Harper, lui, a attendu. Pourquoi avoir moins de coeur que Stephen Harper?» a demandé Sébastien Proulx, leader parlementaire de l'opposition officielle, qui faisait référence à la réforme de l'ancien gouvernement conservateur à Ottawa.
«S'il y a bien des gens qui n'ont pas eu de coeur au cours des 15 dernières années, c'est bien le Parti libéral du Québec», a rétorqué le ministre Jolin-Barrette, qui a rappelé la «litanie des actions» qui ont «fait mal à la population» au nom de la rigueur budgétaire.
M. Jolin-Barrette dit que sa réforme fera en sorte que les nouveaux arrivants auront «un emploi à la hauteur de (leurs) compétences». Qui plus est, le processus sera beaucoup plus rapide et prendrait environ six mois au lieu des 36 mois actuels, a promis le ministre.
Plus tôt cette semaine, le MIDI a envoyé un courriel aux candidats des 18 000 dossiers bientôt abandonnés afin de leur expliquer la marche à suivre selon leur situation.
Certains candidats qui travaillent déjà en sol québécois peuvent appliquer au «Programme de l'expérience québécoise». Pour les autres, il faudra recommencer le processus par Arrima.
La porte-parole libérale en matière d'économie et d'immigration, Dominique Anglade, ne comprend tout simplement pas pourquoi le MIDI ne procède pas au traitement des dossiers qui sont déjà en cours.
À son avis, les caquistes veulent «désespérément» atteindre le seuil d'immigration qui a été revu à la baisse pour 2019 et c'est la raison pour laquelle ils veulent retarder le traitement de ces nombreux dossiers en attente. «La fin justifie les moyens», ironise-t-elle.
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