Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Cette université enseigne à faire pousser du cannabis (VIDÉO)

Cette université enseigne à faire pousser du cannabis

On trouve en Colombie-Britannique la seule université du pays à offrir un cours uniquement sur la marijuana. Les besoins en main-d'oeuvre qualifiée sont importants dans cette industrie, qui poursuivra sa croissance avec la légalisation prochaine du cannabis à usage récréatif.

Un texte d'Yvan Côté

Coleen Thompson se décrit elle-même comme une spécialiste du bien-être. Dans ses cours de pilates à White Rock, on soigne les blessures physiques, mais on tente aussi d'apaiser l'esprit. C'est donc tout naturellement que la quinquagénaire, qui n'a jamais touché à la marijuana, s'est intéressée il y a quelques mois aux vertus de la plante pour aider ses clients.

« Je me suis dit que c'était dans la même foulée que tous les autres services que j'offre : aider les gens et leur permettre de trouver une solution de rechange abordable aux médicaments en pharmacie », dit-elle.

Mais, comme plusieurs autres, Coleen a rapidement réalisé qu'il était difficile de trouver des informations justes et factuelles sur le sujet. C'est pourquoi elle s'est inscrite à la seule université du pays qui offre un cours uniquement sur le cannabis.

À l'Université polytechnique Kwantlen, on enseigne en ligne comment faire pousser les plants, mais aussi comment mettre ce produit bien particulier en marché et quelles lois s'appliquent au Canada. Jusqu'à maintenant, plus de 400 étudiants du Canada et d'ailleurs dans le monde ont suivi la formation.

« L'idée est venue d'un besoin », explique Deepak Anand, l'un des professeurs à Kwantlen. Les producteurs de cannabis à usage médicinal n'arrivaient pas à trouver assez de gens formés pour travailler dans leurs serres. Ç'a commencé par une blague, puis on a réalisé qu'il fallait agir. »

Une demande qui explose

C'est pendant ses études à la maîtrise à l'Université McGill, à Montréal, que Deepak Anand s'est penché sur le cannabis. « On a entre autres eu un projet de recherche sur le chanvre industriel, dit-il. On a donc travaillé un peu avec la plante, mais on ne s'est jamais vraiment attardés à l'optique médicale. »

Il s'agit d'un marché où il reste beaucoup à faire, pensent d'ailleurs plusieurs analystes. Il y a la recherche, mais aussi les techniques de production.

La demande de marijuana à usage thérapeutique seulement est déjà plus grande que ce que peut produire l'industrie canadienne. Selon les premières évaluations de l'Association nationale de la marijuana médicale, il faudra au moins quadrupler la production pour répondre à la demande lorsqu'Ottawa légalisera le cannabis à usage récréatif.

Les retombées pour l'industrie pourraient se chiffrer à 22,6 milliards de dollars, selon une étude de Deloitte publiée en octobre. Une manne pour laquelle tous les producteurs tentent tant bien que mal de se préparer.

De la marijuana bio

Chez Whistler Medical, on produit 24 différentes variétés de cannabis et l'on construit une deuxième serre dans le but d'être aux premières loges lorsque le marché récréatif s'ajoutera. Il s'agit d'une production sous haute surveillance où rien n'est laissé au hasard. L'entreprise est la seule à produire de la marijuana certifiée biologique au pays.

Au coeur de sa recette, une composition de terre enrichie qu'a mise au point l'agronome David Perron et qui, espère celui-ci, encouragera la clientèle à favoriser son produit plutôt que ceux de ses compétiteurs.

« On est dans le secret professionnel, c'est certain, lorsqu'il s'agit de notre terre, confie l'agronome. C'est juste les bons agents qui sont en place, les bons champignons, les bactéries. On n'utilise aucun pesticide ou insecticide. »

Bonne quantité de lumière, température contrôlée : David Perron indique qu'il faut compter de 8 à 12 semaines pour qu'un plant arrive à maturité.

Quarante producteurs sont en ce moment approuvés par Santé Canada, mais plus de 2000 font la file pour obtenir un permis. C'est un problème de taille, pense Deepak Anand, puisqu'on ne pourra jamais enrayer le marché noir s'il n'y a pas suffisamment de serres légales pour répondre à la demande.

« L'enjeu pour le gouvernement, s'il veut vraiment se débarrasser du crime organisé et protéger nos enfants, est d'éliminer cet écart le plus rapidement possible », estime le professeur Anand.

Une demande toujours plus grande

En raison des strictes normes de production imposées par Santé Canada, il faut des mois avant de démarrer une serre et de commencer la production. Chez Whistler Medical, par exemple, on récolte de 60 à 80 kilos de fleurs par mois. Faites le calcul : à une dizaine de dollars le gramme, ça représente entre 600 000 et 800 000 $ mensuellement.

Malgré la quantité de cannabis récoltée, l'entreprise a dû récemment limiter le nombre de ses patients à 2000. On n'arrivait plus à répondre aux commandes de la clientèle et on ne voulait pas qu'une personne qui souffre ait à se tourner vers un autre producteur.

Un jour, cette industrie sera aussi importante, sinon plus importante que celle du vin et de la bière.

Deepak Anand, professeur adjoint à l'Université polytechnique Kwantlen

« La croissance des ventes dans le seul domaine thérapeutique est de 10 % par mois », soutient Deepak Anand.

L'autre enjeu, selon le professeur, sera de trouver des travailleurs qualifiés pour les milliers d'emplois qui seront créés dans les différents points de vente et les centaines de serres au lendemain de la légalisation du marché récréatif.

À preuve, Coleen Thompson, l'instructrice de pilates qui veut le bien de ses clients, travaille désormais dans une clinique médicale de Vancouver. Elle n'avait pas encore terminé sa formation qu'elle avait déjà été recrutée pour ses connaissances.

« J'ai été surprise [de voir] à quel point l'endroit était fréquenté », dit-elle. Les gens ont des tonnes de questions. On voit qu'il reste beaucoup de travail d'éducation à faire. »

L'avenir est aussi très prometteur pour l'agronome David Perron. Celui qui voulait se spécialiser dans l'industrie de la pomme de terre dans la vallée de l'Okanagan ne regrette pas son choix. Il songe maintenant à commercialiser ses recettes de terres biologiques et est déjà devenu une sommité du cannabis ici et à l'extérieur du pays.

« Quand d'anciens combattants nous disent qu'ils ont eu une première nuit de sommeil qui était plaisante à cause de ton cannabis bio, c'est vraiment le fun », souligne-t-il.

Voir aussi:

Grassland en images

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.