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Respecter nos vieux crisses!

Alors que notre approche en matière de vieillesse ressemble à du « je-m'en-foutisme », alors que notre vision du quatrième âge tend à banaliser leur situation et contester leur appartenance à la société, le sort que nous réservons à nos vieux est tout simplement dégueulasse.
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On a parlé la semaine dernière, le temps de quelques heures, de nos personnes âgées, de leurs conditions dans les CHSLD, mais aussi de leur situation générale. En effet, après qu'on eut appris qu'il existait un marché noir des bains pour nos vieillards, nous avons collectivement harangué le ministre de la Santé pour que cesse cette pratique, pour que cesse l'exploitation des gens du quatrième âge, pour que cessent les comportements indignes. Et puis... rien!

Oui, il est vrai que nous avons critiqué ouvertement ces pratiques méprisables, mais jusqu'à tant que les séries de la LNH se mettent en branlent. Nos priorités ont alors changé... Le combat pour la dignité de nos personnes âgées aura une fois de plus été repoussé. Le problème, ici comme ailleurs, c'est qu'on parle de nos « vieux » lorsqu'une situation aberrante se produit ; or, l'instant d'une journée, on en parle, on critique, on se révolte, et puis rapidement la poussière redescend... jusqu'à la prochaine calamité.

Alors que notre approche en matière de vieillesse ressemble à du « je-m'en-foutisme », alors que notre vision du quatrième âge tend à banaliser leur situation et contester leur appartenance à la société, le sort que nous réservons à nos vieux est tout simplement dégueulasse. Il faut l'admettre, nous les avons abandonnés, un peu comme s'ils n'étaient pas importants, un peu comme si, individuellement et collectivement, nous nous étions résignés... un peu comme si nous leur disions prématurément, par désintérêt et surtout par paresse : « Tu dois partir maintenant! ».

Ainsi, la façon dont nous considérons nos personnes âgées m'amène à dire que notre compréhension de la vieillesse et, plus encore, de la place des vieillards dans notre société est complètement dépassée, pour ne pas dire erronée. Le désir individualiste et égoïste du « Comment puis-je me débarrasser de ce vieux crisse » est devenu un standard par lequel une majorité d'entre nous agit. Par les gestes des autres, nous cautionnons les nôtres, comme des lâches sans sollicitude, sans reconnaissance, sans âme. Certes, plusieurs tenteront de nous convaincre (de se convaincre?!) qu'ils n'ont pas les outils pour s'occuper de nos vieux, qu'ils n'ont pas le temps de veiller sur eux, si ce n'est une petite visite express quelques fois par mois pour se déculpabiliser... Et encore!

Notre conception de la vieillesse s'arrête à une série de stéréotypes, parce qu'être vieux, selon les discours répandus, c'est être malade ou sénile ; c'est aussi et surtout être une tâche inutile, un problème qui, entre autres, coûte cher à l'État. Ces jugements de valeur viennent malheureusement renforcer la stigmatisation vécue et perçue par nos personnes âgées. Trop souvent les vieux, compte tenu des perceptions populaires inexactes, sont méprisés, ridiculisés et dépréciés. Un schéma qui tend même à être légitimé par nos décideurs politiques.

Certes, le culte l'hyperactivité où « le temps c'est de l'argent » et selon lequel « Pas l'temps de niaiser! » y est clairement pour quelque chose. Après tout, nos vieux demandent du temps, de l'énergie, de la patience, de l'écoute, du réconfort, de l'amour et de la tendresse... La compassion, c'est du temps, du temps, au dire de plusieurs, que nous n'avons pas... car, c'est bien connu, nous courons tous après le temps... « Crisse j'ai deux enfants à nourrir, une hypothèque à payer, pis du gaz à mettre dans l'char! C'est pas en allant m'occuper des vieux que je vais y arriver ». S'il est vrai que nous tentons souvent de trouver du temps, il est aussi vrai que nous nous arrêtons rarement pour en profiter, pour saisir la vie. Et la vie c'est d'être auprès des autres, auprès de ceux qu'on aime, de ceux qui nous aiment... À regret, c'est souvent la voix de l'individualisme et de l'indifférence, au détriment de la logique sentimentale, qui remporte la bataille du temps. Alors, pourquoi devrions-nous utiliser ce temps si précieux pour le passer avec nos vieux malades et séniles? Par logique... sentimentale!

La logique, bien sûr, pour assurer une gestion équilibrée de notre temps, des soins adéquats, une culture de respect envers nos personnes âgées... mais, également, l'aspect sentimental pour garantir le lien intergénérationnel, pour préserver la dignité de nos aînés et de nos proches, ainsi que pour permettre de toujours faire la distinction entre l'homme et l'animal.

En somme, les demandes des personnes âgées sont simples... Pouvoir vivre dignement et être reconnus comme partie intégrante de la société. Par conséquent, il me semble que ces petits gestes - comme leur donner un bain, sans qu'ils aient à faire appel à un marché noir, manger convenablement, garantir leur sécurité et leur intégrité, assurer leur reconnaissance - ne constituent pas des demandes exagérées. En fait, il s'agit, à mes yeux, du simple bon sens, de la « logique sentimentale », car respecter ses vieux, c'est se respecter comme collectivité ; c'est finalement se différencier des bêtes et se comporter comme des humains.

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Mai 2017

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