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Comme l'a si bien dit Benjamin Franklin: «Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l'une ni l'autre, et finit par perdre les deux».
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Personne n'osera contester qu'à l'heure actuelle l'information est rythmée par les émotions. Parmi celles-ci, la peur est certainement la plus employée par nos médias et la plus récupérée par nos politiciens. Effectivement, l'information est, de plus en plus, un véhicule qui sert à terroriser la population. Ensemble, les médias et les politiciens participent, par leur attitude et leur comportement, à démocratiser les perspectives de danger, passant de facto d'une probabilité X à une menace imminente.

La plupart du temps, l'analyse du danger réel est faible, pour ne pas dire inexistante, étant plutôt instrumentalisée de manière hyperbolique dans un but de profitabilité personnelle. Prenons l'exemple des évènements survenus à Ottawa la semaine dernière, alors que les médias nationaux ne cessaient de repasser en boucle les images du soldat sur la civière et de la fusillade à l'intérieur du Parlement. Y allant avec toujours plus d'émotion et d'impressionnabilité, les correspondants médiatiques ont amplifié inutilement la situation, propageant au passage les rumeurs et les ouï-dire, plutôt que de s'en tenir aux faits. Mais pourquoi s'en tenir à la réalité lorsqu'il est possible de spéculer et d'accroître la crainte populaire ? Allons-y pour cinq ou même six tireurs potentiels qui courent toujours au large dans les rues d'Ottawa : « Citoyens, ne sortez pas de chez vous, n'approchez pas des fenêtres, n'allez pas sur le toit, ne commandez surtout pas de pizza... au cas où! La même consigne pour l'ensemble du pays... sait-on jamais!

Or, avant même de connaître les détails, que ce soit l'identité du tireur, le nombre de victimes, les causes, etc., on parle d'acte terroriste, de complot contre notre démocratie... Sans scrupule, on utilise des mots et des termes symboliques qui sont forts de sens et qui, parallèlement, participent à accentuer la panique... une panique qui est souvent tout à fait inutile et injustifiée. Ensuite, en fins renards, les politiciens reprennent ces évènements malheureux et douloureux à leur avantage pour se faire du capital politique. D'ailleurs, les adresses à la nation effectuées par le PM et les différents chefs de l'opposition à Ottawa, ainsi que le contenu de ces discours confirment la réutilisation politique des circonstances.

Des évènements isolés au départ deviennent alors des manifestations symptomatiques qu'il faut à tout prix éliminer ; dans les cas d'Ottawa et de Saint-Jean-sur-Richelieu, ce sont des « terroristes du Djihad islamique » (on prend soin de mettre l'accent sur ces mots qui marquent l'imaginaire collectif) qui se sont « RA-Di-CA-LI-SÉS » et qui s'en sont pris aux symboles de notre Great nation. On s'assure, par la suite, d'expliquer cent fois que les Canadiens ne sont plus à l'abri de ces actes de terrorisme. Mais l'avons-nous déjà été ? Bref, on dramatise l'information jusqu'à la rendre pratiquement apocalyptique, au point où la population commence à se poser des questions existentielles : « Est-ce la fin ? Pourrons-nous encore sortir de chez nous ? Suis-je en danger avec tous ces immigrants ? » Eh oui, le peuple a peur, il est effrayé, gracieuseté de la récupération médiatique et politique d'évènements singuliers auxquels on a greffé des liens trop souvent douteux. Mais bon, comme l'indiquait si bien Nietzsche, la peur sert de puissant aliénant pour quiconque en contrôle sa diffusion.

On médiatise et politise donc les dangers potentiels pour en faire des périls quasi inévitables ; on se sert des maladies comme la grippe aviaire (H5N1), la grippe porcine (H1N1) et maintenant l'Ebola. On instrumentalise la violence comme le terrorisme, mais aussi les situations à l'extérieur de nos frontières comme celles qui se passent en Russie, en Iran, en Chine, en Corée du Nord et autres. On recourt aux dangers économiques qui nous « guettent » : krash boursier, fraudes, vols, etc. Enfin, on nous indique que notre consommation de vin, de pommes de terre et de pain nous mènera à notre perte. Du terrorisme alimentaire... Attention : ne mangez pas de patates!

Somme toute, les médias et les politiciens mettent lentement au point une culture de la peur pour ensuite déployer un discours qui se veut à la fois rassurant et belliqueux : « N'ayez crainte Fellow Canadians, nous ne nous laisserons pas intimidés par les terroristes »... Pourtant, la population, elle, n'est guère rassérénée, glissant vers le conservatisme politique et idéologique. En effet, la réaction qui s'en suit est souvent ponctuée d'extrémisme, un contrecoup comportemental irrationnel qui est alimenté par un objectif de sécurité personnel. Sans même s'en rendre compte, on se retrouve, comme citoyen, plongé dans une réalité quotidienne où prime une idéologie d'hypersécurisation au détriment de certaines de nos libertés individuelles... et comme l'a si bien dit Benjamin Franklin : « Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l'une ni l'autre, et finit par perdre les deux ».

Bienvenue au royaume de la peur!

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