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Deux dates charnières sont importantes pour comprendre les tendances de fond qui animent cette recomposition du monde. 2008, date du début de la crise financière et économique qui frappe désormais au cœur du monde industrialisé, et 2011 qui a vu cette crise économique et financière se doubler d'une crise sociale et politique
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Ce billet a été écrit par Raphaël Canet, professeur à l'École de développement international et mondialisation de l'Université d'Ottawa. Il a récemment publié L'altermondialisme : forums sociaux, résistance et nouvelle culture politique (Montréal, Écosociété, 2010) et Passer de la réflexion à l'action : Les grands enjeux de la coopération et de la solidarité internationale (Montréal, M. Éditeur, 2013).

Le monde actuel est en pleine transformation. Nous vivons une période d'accélération de l'histoire qui voit les relations entre États se redéfinir et l'équilibre des rapports de force se recomposer. Les anciennes lignes de fracture géopolitiques (Est-Ouest, Nord-Sud) ne tiennent plus. Il y a désormais du Sud au Nord et du Nord au Sud. Dans cette phase transitoire, les États qui sauront prendre la mesure des profondes transformations en cours seront ceux qui joueront un rôle moteur dans le monde de demain. Pour eux, la crise sera une opportunité et non une fatalité.

Deux dates charnières sont importantes pour comprendre les tendances de fond qui animent cette recomposition du monde. 2008, date du début de la crise financière et économique qui frappe désormais au cœur du monde industrialisé, et 2011 qui a vu cette crise économique et financière se doubler d'une crise sociale et politique. On assiste depuis au printemps mondial des peuples qui se soulèvent dans le sillage des révolutions arabes.

Crise de civilisation

Si on est attentif au message qui émane de ces mobilisations, on peut y lire une profonde critique de notre modèle de développement. Nous sommes dans une impasse économique, politique et écologique. Comme le scandent les peuples autochtones des Andes sur toutes les tribunes internationales, notamment le Forum social mondial, nous vivons aujourd'hui la crise de notre civilisation individualiste, industrialiste et consumériste. Pour la dépasser, il nous faut reconnecter avec notre humanité. La finalité du développement n'est pas la croissance économique, mais le bonheur, le bien vivre, en harmonie avec ses semblables et son environnement, soit exactement l'inverse de ce que prône le système économique et financier actuel qui attise la compétition, la concurrence et le chacun pour soi.

En somme, si on est sensible aux revendications actuelles, il apparaît que le nouveau défi des politiques de développement, au Sud comme au Nord, consiste à lutter contre les inégalités en renforçant les solidarités sociales. Sur ce point, le Québec peut miser sur une riche expertise et ainsi opérer un positionnement stratégique original et distinctif dans le champ du développement international.

Miser sur le savoir et le développement durable

Pour se positionner dans le champ du développement international, il faut miser sur ce que nous sommes. Les atouts du Québec résident dans le partage solidaire de son modèle de société. Il faut arrêter de concevoir le monde divisé entre développés et sous-développés. En fait, il n'y a qu'un seul monde, que nous partageons tous et qui est mal développé. Il faut donc avoir conscience des limites de notre modèle de développement, mais aussi de ses bons côtés qui peuvent être partagés avec d'autres. La solidarité internationale doit être perçue comme le prolongement à l'international des mécanismes de solidarité et de redistribution mis en place au niveau national par l'État-social.

Dans cette perspective, les deux grands enjeux d'avenir face auxquels le Québec pourrait se positionner mondialement sont le savoir (jeunesse et éducation) et le développement durable (gestion responsable des ressources et technologie verte). Cela permettra d'élaborer des programmes de développement à moindre frais, misant sur le développement humain et profitant d'une expertise présente sur notre sol. De plus, cette forme ciblée de solidarité internationale, fondée sur l'exportation de nos réalisations québécoises, agirait comme un stimulateur d'innovation chez nous, notamment dans le domaine du développement durable.

Les défis

Le projet de création d'une Agence québécoise de solidarité internationale (AQSI) est stimulant, mais pour être un succès, il faudra relever plusieurs défis. Et que ce soit pour le gouvernement péquiste défait ou le nouveau gouvernement libéral, les défis restent les mêmes. En voici trois.

L'idéologie de l'austérité est devenue le leitmotiv de la plupart des gouvernements à l'ère des crises économique et budgétaire. Dans un tel contexte, mettre de l'avant une nouvelle politique de dépenses publiques dans une perspective de solidarité internationale apparaît aux yeux de beaucoup comme un véritable anachronisme. Il faut se défaire de ce carcan idéologique et relancer l'activité par des investissements publics aux niveaux national et international. Il convient de prendre acte du fait que nous vivons aujourd'hui dans un monde interdépendant. La question environnementale (et bientôt celle des réfugiés climatiques) est là pour nous le rappeler. La solidarité internationale doit devenir une priorité et ne pas sombrer dans les clivages partisans.

Si de manière purement comptable, l'argument visant à rapatrier les 800 millions envoyés à Ottawa afin de financer la défunte Agence canadienne de développement international (ACDI) est séduisant, il demeure fort improbable que cela se réalise à court terme. Dans un tel contexte, comment se donner les moyens d'une telle politique volontariste? En termes de produit intérieur brut (PIB), le Québec occupe le 28ème rang mondial avec 300 milliards de dollars, soit 20 % du PIB du Canada. Si le Québec entend se conformer à l'impératif moral fixé dans les années 1970 de consacrer 0,7 % de son PIB à l'aide au développement, ce sont 2,1 milliards que le gouvernement devrait investir dans l'AQSI. Cela aussi est fort improbable même si cela doit demeurer un objectif. Il faut donc trouver des formes de financement innovantes.

Dans un contexte de rareté, il va falloir opérer des choix. Quel champ d'intervention privilégier, quelle zone géographique, quelle population cible? Il sera nécessaire de hiérarchiser les priorités, et les choix seront douloureux. Mais, dans cette démarche d'ordre politique, il sera important de ne pas perdre de vue nos atouts. En investissant les domaines du savoir et du développement durable, l'AQSI pourrait stimuler les acteurs nationaux du développement tout en créant une forme renouvelée de partenariat international. Ce serait là une belle opportunité pour le Québec de se distinguer dans le monde de la solidarité internationale.

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