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Indignons-nous: Sommes-nous une bande d'inconscientes?

De façon très régulière, je hurle mon indignation devant les publicités immondes ou les clips vidéo qui ne servent qu'à décortiquer le féminin pour n'en faire qu'une bouillie édulcorée à servir aux chiens affamés. Il serait facile d'engager un débat stérile en accusant les hommes d'avoir érigé la femme, dans notre société occidentale postmoderne, en simple objet de désir. Il serait tout aussi injuste de pointer du doigt les créateurs, les designers et les réalisateurs qui confinent la femme dans cet espace clos où elle se trouve dépouillée de ses valeurs fondamentales telle une carcasse vidée de son âme.
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De façon très régulière, je hurle mon indignation devant les publicités immondes ou les clips vidéo qui ne servent qu'à décortiquer le féminin pour n'en faire qu'une bouillie édulcorée à servir aux chiens affamés. Il serait facile d'engager un débat stérile en accusant les hommes d'avoir érigé la femme, dans notre société occidentale postmoderne, en simple objet de désir. Il serait tout aussi injuste de pointer du doigt les créateurs, les designers et les réalisateurs qui confinent la femme dans cet espace clos où elle se trouve dépouillée de ses valeurs fondamentales telle une carcasse vidée de son âme.

Ce point de vue ferait-il avancer les choses ? Les femmes n'ont-elles pas aussi une part de responsabilité dans la fabrication de leur image?

Lorsque nous voyons des icones de la mode telle Heidi Klum se prêter au jeu des annonceurs, dans une publicité grotesque où, dénudée, elle séduit un homme en léchant la sauce dégoulinante d'un hamburger géant, nous sommes manifestement en droit de nous poser la question ! Au même titre, que nous pouvons nous demander ce qui motive les mannequins de Louis Vuitton à tourner dans des clips vidéo en acceptant de jouer aux putes tristes et décharnées à la recherche de clients dans les rues glauques de Paris ? Vous me répondrez, l'argent bien entendu.

Catherine Hakim, auteur de «Honey Money, the Power of Erotic Capital» doit jubiler en regardant ces publicités, sa thèse reposant sur le principe que les femmes ont tout à gagner en monnayant leur pouvoir sexuel.

Le pouvoir de l'argent, le pouvoir de l'élite, le pouvoir du sexe. Ces vedettes, divas et mannequins professionnels acceptent ainsi de se rallier aux dictats des fabricants d'images dont le seul objectif est d'érotiser notre quotidien afin d'en faire sonner leurs tiroirs caisses.

Si ces icônes réussissent à ensorceler les esprits allumés, elles contribuent aussi volontairement à pervertir une société déjà en prise avec des comportements d'indécence inacceptable. Seraient-elles complètement inconscientes de l'étendue des dommages qu'elles causent autour d'elles en acceptant de se vendre, pour ne pas dire, se «prostituer» de la sorte ? Ne pourraient-elles pas, justement, utiliser leur célébrité et leur influence pour modifier le message tordu qu'elles propagent?

L'apparition de nouveaux mots tels que pornification, porno-chic ou culture du viol dans le vocabulaire populaire est un fait récent, révélateur et annonciateur des profonds changements sociologiques en cours.

Si ces célébrités du moment, icônes de la mode, se mobilisaient et refusaient solidairement de se prêter au jeu des médias, n'enclencheraient-elles pas une prise de conscience dans leur milieu ? Cela constituerait une véritable révolution au sens noble du terme.

Malheureusement, les révolutions sont toujours le résultat de l'action des plus démunis qui n'ont plus rien à perdre et non pas celle des nantis, qui n'y ont rien à gagner.

Et dans le cas présent, les plus démunies se sont nous. Nous, consommatrices de ces magasines qui sapent notre moral en nous rabâchant que nous sommes jamais assez jolies, jamais assez minces, jamais assez ci ou assez ça! Nous, spectatrices de ces émissions de téléréalité qui se font un malin plaisir à dépeindre les femmes comme des hystériques dépourvues de toute forme d'intelligence. Nous, auditrices de ces chansons Rap ou Hip Hop machistes qui nous somment de nous agenouiller ou d'écarter les cuisses. Nous, éducatrices qui permettons à nos enfants de subir inconsciemment ce nivellement par le bas par notre manque de jugement et nos erreurs d'analyse.

N'oublions pas que ce sont les femmes qui achètent la mode et les produits de beauté ou qui écoutent les émissions débilitantes comme les Kardashian ou Real house wives of Vancouver.

Manquons-nous à ce point de confiance et d'estime en nous-mêmes pour accepter de cautionner ces rôles de femmes dociles et soumises, femmes-objets et stupides ou femmes victimes et violentées ?

Nous sommes toutes, chacune d'entre nous, responsables de cet état de chose.

Si nous refusions solidairement de nous laisser gaver par ces indécences qui insultent notre intelligence et qui finissent par affecter sérieusement nos vies de femmes, nous pourrions nous consacrer à autre chose qu'à satisfaire l'imaginaire érotique d'une société déjà hyper sexualisée.

Il est grand temps de prendre conscience de notre pouvoir de changer complètement le discours qui nous est proposé. Mais tout d'abord, il est indispensable que nous prenions conscience de notre énorme pouvoir économique qui, à son tour, conditionne notre pouvoir sociopolitique.

Si les femmes décidaient enfin de boycotter les produits qui véhiculent une image dégradante ou sexualisée de la femme, nous assisterions inévitablement à un changement des stratégies de mises en marché des produits proposés. La suprématie du pouvoir économique est la seule voix actuellement qui fasse plier les multinationales. À chacune d'entre nous de prendre conscience de la portée de nos gestes lorsque nous passons à la caisse pour acheter le rêve qu'on nous promet. À chacune d'entre nous de réfléchir aux conséquences de nos comportements et de notre discours en qualité de consommatrice. Le pouvoir de changer le message se trouve principalement au fond de notre porte-monnaie.

Marie Lacoste-Gérin-Lajoie (1867-1945)

Principales pionnières féministes du Québec

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