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Un pan de l'identité québécoise évacué

Si les questions de religion, de laïcité et de langue sont cruciales pour une nation, la vision du Parti québécois de l'identité du Québec me paraît plutôt incomplète. Il fait de l'identité laïque/religieuse et linguistique ses thèmes phares, mais qu'en est-il des autres aspects de notre personnalité collective?
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Le Parti québécois se présente comme LE défenseur de l'identité québécoise par excellence. Fort bien. Attendu que nous serons toujours une minorité en Amérique du Nord, le caractère québécois doit être affirmé et défendu, au Québec et à l'étranger. Chapeau à tous les partis qui choisissent d'agiter le drapeau et de porter le flambeau.

Mettre au point une nouvelle Charte de la langue française pour les entreprises de moins de 49 employés? Amender la Charte des droits et libertés de la personne du Québec pour y ajouter le droit de vivre et de travailler en français? Exiger la réussite d'une épreuve uniforme de français pour les étudiants des cégeps anglophones? À merveille!

L'adoption d'une Charte des valeurs québécoises pour affirmer le caractère laïque de nos institutions? D'accord. On reste muet sur le financement des écoles confessionnelles et sur les cas de prières au conseil municipal, un problème documenté et médiatisé. Mais qu'importe. Le Parti québécois n'en est pas à une incohérence près.

On désire laisser le crucifix en place à l'Assemblée nationale? C'est en vérité bien étrange de la part d'un gouvernement pour qui «séparer le religieux de l'État» est devenu le nouveau mantra, mais bon. Il est vrai que le crucifix, placé au-dessus de la tête du président de l'Assemblée, n'empêche pas les députés de penser la société et d'organiser la vie publique à partir d'une vision laïque, moderne et équitable. Personnellement, je ne comprends pas pourquoi on tient tant à conserver le symbole de l'étranglement religieux d'antan, étranglement qui a laissé plusieurs Québécois et Québécoises habités d'une amertume encore toute vibrante. Je n'ai toutefois pas l'énergie de m'en scandaliser.

Cependant si les questions de religion, de laïcité et de langue sont cruciales pour une nation, la vision du Parti québécois de l'identité du Québec me paraît plutôt incomplète. Il fait de l'identité laïque/religieuse et linguistique ses thèmes phares, mais qu'en est-il des autres aspects de notre personnalité collective? Notre façon de vivre et notre pays sont un concept et une réalité bien plus complexes, bien plus grands, et tiennent bien davantage qu'à ces quelques enjeux.

Qu'en est-il, par exemple, de nos forêts, de nos chutes et de nos immenses rivières? Ne font-elles pas partie intégrante de l'histoire, de l'identité et du visage distincts québécois? La beauté de nos paysages sauvages n'est-elle pas aussi caractéristique de notre coin de pays que le fait d'y vivre et d'y travailler majoritairement en français, par exemple?

Les auteurs d'ici et d'ailleurs en ont célébré la grandeur et la magnificence. Félix Leclerc, Gilles Vigneault et George d'or, trois de nos plus célèbres poètes, se sont tous se sont inclinés devant les beautés et les particularités de notre environnement. Le Parti québécois ne devrait-il pas s'intéresser à la protection de notre patrimoine naturel tout autant qu'à notre patrimoine culturel, religieux et folklorique? Ne devrait-il pas, au nom de ce désir affiché et répété de préserver l'essence du Québec, l'authenticité de ses différences, de ses singularités, penser à cesser d'en détruire tout un pan?

Comment se fait-il qu'un parti qui se prétend le gardien des spécificités et de la beauté québécoise se fait le complice de la destruction de certains des plus beaux endroits du Québec? C'est sans cérémonie, sans émotions, que le gouvernement péquiste sortant, comme ses prédécesseurs, autorise et cautionne l'harnachement de la magnifique rivière la Romaine, qui coule sur 500 km, du Labrador au Havre-Saint-Pierre. Ce projet comprendra, à son terme, quatre immenses réservoirs d'une profondeur approximative d'une centaine de mètres, pour la création desquels il est nécessaire d'inonder les fragiles écosystèmes qui l'avoisinent. Au total, c'est plus de 250 km de milieux naturels qui seront noyés pour la production de 1500 à 2000 mégawatts/h, le tout, alors que nous sommes en situation de surplus énergétique et qu'on ne parvient à vendre notre énergie à l'étranger qu'à perte.

Le caribou forestier, espèce emblématique du Québec et du Canada s'il en est, est, depuis 2005, soit plusieurs années avant le début des travaux sur les chantiers de la Romaine, une espèce désignée comme vulnérable au Québec. Or, c'est dans la forêt boréale, qui couvre encore le tiers du territoire québécois, que le caribou des bois évolue. Qu'adviendra-t-il de cet animal qui occupe les forêts qui s'étendent tout autour de la Romaine? On lui réserve à peu près le même sort que les sections boisées destinées à être inondées, donc détruites. Une partie mourra, admet Hydro-Québec. Le projet brille par sa contre-productivité, voire son absurdité, lorsqu'on prend connaissance du fait que Québec a pourtant mis sur pied un Plan de rétablissement du Caribou forestier.

Au gâchis environnemental occasionné par le projet de la Romaine s'ajoute la dilapidation des ressources économiques qu'elle engendre. Hydro-Québec estimait les coûts du projet à huit milliards de dollars. C'est sans compter les dépassements de coûts auxquels elle est habituellement confrontée. Le tout, rappelons-le, pour de l'énergie dont on n'a pas besoin et qu'on vend à perte, pertes qui ont peut-être, il n'est pas farfelu de le supposer, un lien avec la hausse des tarifs d'électricité de 4,3% que la Régie de l'énergie vient d'autoriser.

L'Agence d'efficacité énergétique du Québec prétend pourtant que la mise en œuvre de programmes d'efficacité énergétique, qui permettrait de dégager de nouvelles quantités d'énergie, coûterait aux abords de 3 sous le kWh, en comparaison à 10 sous le kWh pour le projet de la Romaine.

On n'a de cesse de demander à Québec solidaire, le parti des pelleteux de nuages, des déconnectés de la réalité, des rêveurs utopistes, où ils prendront l'argent pour réaliser leurs projets. Peut-être que de ne pas dépenser des milliards de dollars dans des projets énergétiques inutiles serait un bon début? Peut-être qu'on aurait pu investir ces milliards dans des programmes de développement d'énergies vertes, eux aussi créateurs d'emplois? Peut-être qu'en faisant arrêter les travaux sur les chantiers de la Romaine, on pourrait limiter les dégâts et revoir les hausses de tarifs que nous impose Hydro-Québec?

Il est tout de même incroyable qu'on traite les députés, candidats et militants de Québec solidaire comme des imbéciles naïfs et attachants et qu'on considère les «trois grands partis» comme étant terre-à-terre, alors qu'ils autorisent, sans sourciller, le lancer de plusieurs milliards de dollars dans un trou noir, et qu'ils clament du même souffle qu'on manque d'argent.

Selon Brendan O' Neil, chercheur sur les technologies solaires à l'Université Concordia, nous recevons plus de soleil que les leaders mondiaux en énergie solaire, soit l'Allemagne et le Japon. L'Association européenne de photovoltaïque affirme pour sa part que les coûts de production de l'énergie solaire diminuent chaque année. Les projets hydroélectriques de notre société d'État, pour leur part, coûtent de plus en plus chers à mettre en œuvre.

La ressource et les technologies sont toutes deux disponibles. Il semble pourtant que nous manquions, encore une fois, le bateau. Alors qu'on pourrait participer à cette révolution mondiale, alors qu'on pourrait être en train de vivre ce dont on parlerait dans 50 ans comme d'un point tournant pour le Québec moderne, comme on parle aujourd'hui des événements survenus dans les années 60 et 70, on s'enfonce, on s'enlise dans cette vision que tiennent à nous vendre les constructeurs et compagnies dont la mission est encastrée de façons de faire d'une ère révolue, et dont la survie dépend.

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