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Alors que l'Union européenne est en crise et que le Royaume-Uni se questionnne sur son appartenance à l'UE, la solution n'est pas de se replier sur soi, mais de poursuivre l'œuvre entamée par Jean Monnet il y a plus d'un demi-siècle. Comme l'affirme l'ex-PM anglais John Major, se retirer maintenant reviendrait «à marcher contre l'histoire».
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Le 14 février dernier, John Major s'est adressé la très prestigieuse Chatham Housesur la question des implications d'un possible retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne. L'ancien premier ministre conservateur se dit ni europhile, ni eurosceptique. Mais en énumérant les réformes qu'il envisagerait pour l'UE, il semble vouloir avantager d'autant plus la City of London dans ses relations avec le marché commun tout en réduisant la régulation, la bureaucratie et législation sociale européenne. C'est difficile d'imaginer que des pays comme la France laisseraient le Royaume-Uni s'approprier ce double-avantage qui le rendrait plus compétitif par rapport au continent.

Major a salué la décision de David Cameron de procéder avec un référendum sur l'appartenance de son pays à l'UE, y voyant une chance de mettre fin à la question une fois pour toutes. D'abord, on ferait bien d'aviser M. Major sur la capacité limitée qu'ont les référendums à procurer la paix politique ou sociale. Des eurosceptiques, il y en aura toujours et ils renouvelleront leurs demandes à perpétuité, peu importe la réponse au référendum ou les concessions qui leur seront accordées.

M. Major reconnaît qu'une renégociation avec l'UE est souhaitable, mais, poursuivant la discussion, il critique très fortement les backbenchers conservateurs rebelles qui désirent un retrait du Royaume-Uni de l'UE (le très affable Major, faisant face à un problème similaire lorsqu'il était PM, avait qualifié certains députés eurosceptiques de son parti de «bâtards» qu'il «crucifierait»). Notamment, il explique en termes économiques et politiques en quoi le Royaume-Uni bénéficie de son appartenance à l'UE et surtout en quoi il souffrirait d'un éventuel retrait.

En cas de retrait, le Royaume-Uni devra en toute logique renégocier, à un prix inchiffrable, son accès au marché unique européen de même que de nombreux accords de libre-échange qui existent actuellement entre l'UE et les autres pays de la planète, ce qui prendrait certainement plusieurs années. En tous les cas, le Royaume-Uni fera probablement face à des barrières tarifaires, chose terrifiante pour une économie qui, par exemple, exporte cinq autos qu'elle produit sur six.

Écrivant dans les pages du New York Times, Lord Michael C. Williams, qui est également chercheur distingué invité au Chatham House, affirme que « la sagesse économique [d'un retrait] pourrait être remis en doute par un écolier ». Alors que les négociations sur un accord de libre-échange entre le Canada et l'UE achoppent, un accord similaire se dessine entre les États-Unis et l'UE. Si leurs négociations sont couronnées de succès, il s'agira d'un des accords commerciaux le plus important de l'histoire englobant ainsi le tiers de la production économique globale. Bien qu'il puisse négocier un accord similaire entre lui-même et les États-Unis, le Royaume-Uni aura un pouvoir de négociation bien plus faible que l'UE. Inévitablement, l'accord qu'il signerait avec les États-Unis lui serait moins avantageux que ce qu'il obtiendrait en tant que membre de l'UE.

Même si les Britanniques se retiraient, ils auraient tout de même à se conformer à de nombreuses régulations européennes s'ils veulent continuer à y exporter leurs marchandises. Ils subiraient aussi les régulations de l'UE au niveau de l'industrie financière. Par ailleurs, les fermiers, les pêcheurs et les régions plus démunies du pays qui reçoivent tous des subventions de l'UE ne tarderaient pas à réclamer qu'on les dédommage pour la perte de revenus qu'entrainerait un retrait.

En ce qui concerne la géopolitique, il est monnaie courante chez les eurosceptiques d'affirmer que le Royaume-Uni pourra retomber sur la «relation spéciale» qu'il entretien avec les États-Unis et le Common Wealth. Or, comme Major remarque, les États-Unis souhaitent ardemment que leur partenaire britannique demeure au sein de l'UE pour qu'il puisse militer, de l'intérieur, en faveur du libre-marché, pour la lutte contre le terrorisme et pour des sanctions contre l'Iran.

Les années à venir verront sans doute l'UE jouer un plus grand rôle sur la scène internationale. L'UE a été reconnue en 2011 comme entité à part entière à l'Assemblée générale des Nations Unies et elle responsable de 38 % du budget de l'ONU. Certains prédisent même que l'UE aura un jour son propre siège au Conseil de sécurité. Le hic pour le Royaume-Uni, c'est que le siège qu'obtiendrait l'UE serait peut-être le sien...surtout si celui-ci s'isole davantage en se retirant de l'Union. Spéculations à part, le Royaume-Uni est simplement beaucoup plus pertinent sur la scène internationale en tant que membre d'un bloc de 500 millions de personnes qu'en tant que pays de 62 millions.

L'argumentaire de John Major, en bref: même si le Royaume-Uni se voit parfois imposé des régulations, des directives et des décisions qui lui sont néfastes ou sous-optimales, il demeure que les bénéfices liés à son appartenance dans l'Union sont incomparables aux désavantages. Vaut mieux influencer le cours des choses de l'intérieur que de simplement subir les décisions prises à Bruxelles.

L'heure est à l'intégration économique, à l'effacement des frontières et au rapprochement des peuples. En ce temps de crise de l'UE, la solution n'est pas de se replier sur soi, mais de poursuivre l'œuvre entamé par Jean Monnet il y a plus d'un demi-siècle. Comme l'affirme Major, se retirer maintenant serait «de marcher contre l'histoire».

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