Si le conclave était une télé-réalité, je n'hésiterais pas à dépenser un dollar pour sauver un concurrent du Brésil.
Même si je ne me souviens pas de la dernière fois que j'ai fait mon signe de croix, j'avoue que, depuis que Benoît XVI s'est éjecté de la Basilique Saint-Pierre, le suspense ecclésiastique, efficacement exploité par les médias, m'intrigue.
Le choix du public devrait s'arrêter sur un cardinal brésilien, pour une question évidente, logique, légitime: la représentativité. 41,3 % des catholiques de la planète se trouvent en Amérique latine. Ce sont 483 millions de personnes, dont 123 millions au Brésil, la plus grande nation catholique du monde. Si le Saint-Siège permettait à ses disciples de voter, les Brésiliens partiraient avec une longueur d'avance.
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Côté stratégie, un pontife du Brésil serait un excellent calcul. Pour le Vatican, le simple fait d'élire un non européen serait signe d'ouverture. Et qui sait, la papauté tirerait peut-être profit de l'image positive d'un pays incontestablement en vogue. Les Brésiliens ont la cote, ils sont décontractés, heureux, appréciés partout où ils passent. Un pape cool, un pape amateur de foot... Bon, je délire sans doute, mais chose certaine, un pape brésilien pour les Journées mondiales de la jeunesse à Rio en juillet prochain serait un succès assuré. Foule record sous la statue du Christ rédempteur. Un bon coup de marketing.
Et pour l'Église du pays tropical, l'élection d'un des siens serait un cadeau tombé du Ciel. En 1960, 93 % des Brésiliens étaient fidèles à Rome. Aujourd'hui, les catholiques représentent 64,6 % de la population. Les pentecôtistes gagnent du terrain (22 %) et des études prédisent qu'en 2030, moins de 50 % seront adeptes du catholicisme. Un pontificat brésilien renverserait la vapeur.
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Votez Odilo!
Sur les 115 cardinaux, seulement cinq sont de nationalité brésilienne. Le favori: Odilo Pedro Scherer, 63 ans, archevêque de São Paulo, le 3e plus grand diocèse sur Terre. Odilo gazouille et il a sa page Facebook.
Scherer n'est pas un réformiste, on le qualifie de «conservateur éclairé». Il défend les idéaux traditionnels de l'Église, ce qui ne l'a toutefois pas empêché d'imposer son veto pour nommer une femme comme rectrice de l'Université pontificale de São Paulo, l'année passée. Le cardinal serait également reconnu pour sa préoccupation envers les jeunes et l'environnement. Il a été l'envoyé spécial du Vatican lors du Sommet de la Terre à Rio en juin dernier.
La presse européenne le voit parmi les cinq premiers papabili. Son nom serait propre, ce qui le place déjà en tête de lice. Son expérience en gestion au sein de la Curie romaine l'avantagerait. Polyglotte, Scherer dominerait également la langue du peuple, une plus-value. On dit aussi que ses origines allemandes feraient de lui un aspirant mieux accepté par l'Europe. Comme quoi, un pape latino pure laine ne passerait pas.
Si mes spéculations loufoques s'avèrent exactes, si Odilo Scherer sort vainqueur de la chapelle Sixtine, la messe sera festive et les Brésiliens auront une raison de plus d'affirmer que Dieu leur appartient. Deus é brasileiro, aiment-ils lancer pour vanter la beauté de leur pays. Ils se croiront le peuple élu. Élu pour recevoir la Coupe du monde de 2014. Élu hôte des Jeux olympiques de 2016. Élu à la tête du Vatican. Bref, ils seront joyeusement insupportables.
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