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Jolly Jumper ne répond plus: randonnée dans l'Ouest absurde

C'est toujours agréable de retrouver de vieux copains qu'on croyait perdus et dont on regrettait l'absence.
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C'est toujours agréable de retrouver de vieux copains qu'on croyait perdus et dont on regrettait l'absence. Ces retrouvailles sont souvent magiques surtout lorsqu'on a l'impression de s'être quitté la veille. Si c'est vrai pour nos amis en chair et en os, ça peut l'être aussi pour certains personnages fictifs marquants. C'est en tout cas ce que j'ai ressenti avec le nouveau Lucky Luke.

L'homme qui fait rire plus vite que son ombre.

Bien sûr, Lucky Luke n'a jamais été en dehors du radar de la bande dessinée. Même si Morris nous a quittés, il y aura 16 ans dans quelques jours, et qu'Achdé a repris avec brio son célèbre cowboy, bien qu'étant tributaire du génie des différents scénaristes, quelques fois exceptionnels comme Benacquista et Pennac, d'autres fois moins inspirés comme le Laurent Gerra de l'horrible Belle province, je n'y retrouvais pas le souffle humoristique de mes premiers Lucky Luke; Dalton City, Tortillas pour les Daltons, Le Pied-Tendre ou encore Ma Dalton. Pourtant, contre toute attente ce plaisir, même si j'apprécie ceux d'Achdé, je l'ai retrouvé dans l'excellent L'homme qui tua Lucky Luke et encore plus dans Jolly Jumper ne répond plus, l'irrévérencieux et délirant album proposé par Bouzard

Lucky Luke est inquiet, Jolly Jumper son fidèle compagnon n'est plus l'ombre de lui-même, sans énergie, sans sa lueur de malice dans son œil chevalin, sans son infaillible sens stratégique si utile lors des longues parties d'échecs et dames. De quoi inquiéter le cowboy solitaire qui doit en plus aider les Daltons à mettre la main sur le foie jaune qui tient en otage leur mère. Entre un cheval déprimé, des Daltons qui ne rêvent que de faire la peau au ravisseur de leur charmante maman et son Ouest qui part en eau de boudin, l'homme qui tire plus vite que son ombre ne sait plus où donner de la tête.

Il faut dire Bouzard est un maître de ces situations décalées où personne ne semblent s'écouter et où tout le monde répond n'importe quoi aux questions des autres, une recette qui nous rappelle Les voisins de Claude Meunier et Louis Saia

Curieusement, ce théâtre particulièrement champ gauche sied à merveille au «lonesome cowboy» qui se découvre une vocation d'humoriste malgré lui. Il faut dire Bouzard est un maître de ces situations décalées où personne ne semblent s'écouter et où tout le monde répond n'importe quoi aux questions des autres, une recette qui nous rappelle Les voisins de Claude Meunier et Louis Saia

Avec son humour surréaliste presque «ubuesque,» résolument burlesque et son trait dynamique tout en mouvement et en absurdité Bouzard déconstruit Lucky Luke et lui insuffle un vent de folie bienfaitrice et une fragilité insoupçonnée qui lui donne une humanité, une naïveté et une faillibilité que Morris lui permettait moins d'afficher. Loin d'être stoïque et en parfait contrôle de son destin, Lucky Luke, comme le reste de la constellation «luckykukienne« de Bouzard, devient un véritable navire sans gouvernail qui tente de s'amarrer à un univers pris en pleine tempête.

On le sait Morris a beaucoup été influencé par le dessin animé et les strips du début du siècle dernier, notamment par le Popeye de Segar. Et cette influence Bouzard, consciemment ou non, l'a reproduit avec éloquence dans cet album très »cartonesque» et sans contredit le plus drôle de la série depuis L'héritage de Rantanplan,

Une belle cure de jouvence pour le plus célèbre septuagénaire de l'Ouest.

Le rire des épées.

Puisque nous sommes dans l'absurde nous devions absolument souligner la sortie de Mildiou une nouvelle aventure du Lapinot de Lewis Trondheim, grand pontife de l'humour libre et sans contraintes. Nouvelle aventure du héros que le bédéiste avait décidé de faire mourir, à notre plus grand désarroi, en 2004? Pas vraiment puisqu'il s'agit en fait d'un album publié en 1994 aux éditions du Seuil, depuis très longtemps épuisé. Du vieux matériel peut-être mais qui n'a pas pris une ride et qui demeure 23 ans après sa publication aussi drôle et flamboyant qu'à sa sortie.

Situé dans un Moyen-Âge «el cheapo» Mildiou raconte la lutte de Lapinot qui devient malgré lui et par le plus grand des hasards le symbole d'une fronde, aussi désopilante que rythmée contre Mildiou despote local qui tente d'usurper le pouvoir royal. Hilarante poursuite médiévale aux parfums »slapstickiens» de Blazing Saddle, d'Hellzapoppin et de A night at the Opera,Mildiou nous rappelle combien la présence de Lapinot était essentielle dans notre univers bédé et combien son humour nous manque.

Une absence qui sera peut-être bientôt chose du passé puisque Trondheim laissait sous-entendre sur son Tumblr en avril dernier qu'il pourrait bien revenir égayer les lecteurs dès le mois d'août. Si c'est le cas, Mildiou serait un merveilleux hors-d'œuvre pour nous préparer à ce grand retour. Pas mal plus intéressant que celui des vieux dinosaures du rock.

Bouzard, les aventures de Lucky Luke d'après Morris, Jolly Jumper ne répond plus, Dargaud.

Lewis Trondheim, Mildriou, Pow Pow/l'Association.

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Avril 2018

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