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Éric Delbecque: L'explorateur des nouveaux mythes

Associés aux dérives impérialistes de la société américaine, les superhéros deviennent dès lors un prétexte pour faire le procès de la « pop culture » occultant toute la richesse de leur univers. C'est cette richesse qu'Éric Delbecque analyse dans son excellent et récent. Discussion autour de ces nouveaux dieux.
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Batman, Wolverine, Deadpool et leurs collègues ont beau faire la joie des amateurs de bandes dessinées et de cinéma, ils ne sont que très rarement pris au sérieux par les « grands penseurs culturels médiatiques et universitaires ». Associés aux dérives impérialistes de la société américaine, ils deviennent dès lors un prétexte pour faire l'étalage d'un anti-américanisme de bon aloi et le procès de la « pop culture » occultant toute la richesse de leur univers. C'est cette richesse qu'Éric Delbecque analyse dans son excellent et récent Les super-héros pour les nuls. Discussion autour de ces nouveaux dieux.

« Les superhéros sont fascinants. Ce sont avant tout des archétypes. Ils nous en apprennent beaucoup sur notre société, sur nous-mêmes, nos rêves, nos espoirs, nos comportements et nos contradictions. S'ils nous divertissent ce n'est pas à cause de l'action, mais des choses essentielles qu'ils nous racontent sur nous », rajoute l'auteur, qui combine dans son étude, la rigueur de l'analyse et la passion du fan qui a grandi avec les exploits des Superman, Hulk et autres Alpha Flight.

Archétypes peut-être, mais rarement pris au sérieux par l'intelligentsia culturelle qui préfère les ignorer, les dénigrer et les reléguer sur les tablettes des œuvres faciles pour geek-boutonneux-incultes-sans-vie. « C'est de moins en moins vrai », s'empresse de préciser l'auteur, qui reconnait toutefois que le genre a été victime pendant longtemps d'une très mauvaise réputation, tout comme ses ancêtres les pulp magazines et les dime novels. « Pourtant, quand on étudie les biographies des scénaristes et des dessinateurs, on s'aperçoit que ce sont souvent des libéraux, qu'ils ont une culture générale, et particulièrement une culture politique très développée. Leurs intrigues sont influencées par la société. On l'oublie souvent, mais la création de Superman dans les années 30 a été en réaction aux événements qui se passait en Allemagne », ajoute l'auteur, à propos de la patrie de Goethe qui cédait aux mirages des promesses du parti Nazi, idem pour le Capitaine America, Namor la Torche qui naitront dans ce contexte et qui participeront eux aussi à l'effort de guerre.

Cette résonance avec l'actualité n'est pas un fait isolé. De la première apparition de Superman chez DC en 1938 aux plus récentes, Iron Man et ses acolytes sont les témoins privilégiés des événements et des tensions qui secouent l'Amérique. « Quand on regarde les quatre âges des «comics», l'âge d'or (1938-1955), l'âge d'argent (1952-1972), l'âge de bronze (1973-1985) et l'âge moderne ou sombre (1986-2000), on voit que cette préoccupation a toujours été vivante. Ils se sont adaptés à l'évolution de la société et n'ont jamais hésité à la critiquer. »

Ainsi à partir de la décennie 70, alors que l'Amérique est déchirée et contestée partout dans le monde, ils n'hésitent pas à la remettre en question, elle et ses institutions. « Plusieurs bédéistes sont issus de la contre-culture et de ses traditions contestataires. » Ils se posent donc des questions, abordent le côté obscur du rêve américain et s'intéressent à des réalités de l'Amérique qui jusque-là étaient absentes de leurs aventures : la dépression, la drogue, le racisme, la marginalité, le sida, mais aussi la reconnaissance de l'homosexualité et des minorités font leur apparition dans les pages des « comic books. » Des réalités qui bouleversent la conception de leur rôle. « Civil War est un excellent exemple de cette évolution. Dans cette série le Capitaine America doute des intentions et des actions du gouvernement. » Ce qui en est est presque incroyable pour un Steve Rogers reconnu pour sa foi patriotique inébranlable : « durant cette série, il se transforme. Il n'est plus un patriote aveugle. Il devient plutôt la bonne conscience de l'Amérique, ce qu'elle devrait être et non pas ce que les dirigeants en ont fait. »

Bien que le contexte soit très américain, les questions qu'ils abordent, elles, sont universelles. Elles touchent toutes les sociétés.

Si les superhéros restent très collés sur la réalité américaine, ils trouvent quand même depuis quelques années des échos un peu partout dans le monde dont l'Europe francophone longtemps insensible, peut-être à cause de la tradition franco-belge du 9e art, à leurs charmes. « Bien que le contexte soit très américain, les questions qu'ils abordent, elles, sont universelles. Elles touchent toutes les sociétés. » Il certain que le succès des adaptations cinématographiques y est pour beaucoup dans cette popularité. « Beaucoup de spectateurs ont été initiés à leur univers grâce au 7e art », explique le spécialiste de l'histoire des idées.

Mais que ce soit en Amérique, en Asie, en Amérique latine ou en Europe, l'influence de ces bandes dessinées est maintenant visible partout. « C'est indéniable. On ne compte plus le nombre de romanciers, de scénaristes, de dessinateurs qui ont intégré dans leurs histoires des éléments ou des influences des « comics », et ce, même chez ceux qui réalisent des bandes dessinées qui ne sont pas du tout dans le même genre. »

Les superhéros sont là pour de bon, tant pis pour les critiques, et tant mieux pour les amateurs...Tant mieux pour moi!

Puisqu'on parle de « comics » Lounak vient de lancer le deuxième opus du Turbo Kid. Skeletron déchaîné. Menée de main de maître par un Jeik Dion en grande forme - quel graphisme dynamique -, cette nouvelle aventure aux allures « mad maxiennes » m'a rappelé, je ne sais pas pourquoi « 2019 après la chute de New York » ce sympathique nanar post-apocalyptique italien à petit budget. Encore une fois Lounak nous surprend.

Éric Delbecque, Les superhéros pour les nuls. First Éditions.

Rkss, JeikDion, Turbo Kid, Skeletron déchaîné, Lounak Books.

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