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La Charte des valeurs, tremplin idéal pour les politiciens du RoC

L'hypermétropie est un défaut de vision causé par une imperfection dans l'œil. Ca ne prend pas un médecin pour rendre ce diagnostic. On peut constater que l'hypermétropie afflige un certain nombre de politiciens canadiens. De la Colombie-Britannique à l'Alberta et l'Ontario, ils ont pris parole sur un projet de loi offert par un gouvernement provincial minoritaire, loi qui n'avait pas encore été débattue, corrigée, votée, mise en vigueur ni appliquée.
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L'hypermétropie est un défaut de vision causé par une imperfection dans l'œil. C'est le contraire de la myopie: la focalisation sur les objets éloignés est favorisée tandis que le tracé des objets à proximité immédiate est difficile. Les personnes atteintes de l'hypermétropie voient les objets d'autant plus flous qu'ils se rapprochent.

Ca ne prend pas un médecin pour rendre ce diagnostic. Le commun des mortels peut constater que l'hypermétropie afflige un certain nombre de politiciens canadiens ces jours-ci. De la Colombie-Britannique à l'Alberta et l'Ontario, ils ont pris parole sur un projet de loi offert par un gouvernement provincial minoritaire, loi qui n'avait pas encore été débattue, corrigée, votée, mise en vigueur ni appliquée. N'empêche que la Charte des valeurs proposée leur sert de tremplin pour s'amasser du capital politique dans leur localité immédiate.

Comme on s'y attend, la vision panoramique du gouvernement fédéral n'a pas échappé au débat. Le PM Harper a délégué à son ministre Jason Kenney d'émettre une position au sujet de la Charte. L'expert des politiques inégales, de programmes d'immigration à deux vitesses, et de gênantes sorties contre les minorités visibles brandit maintenant le drapeau de la tolérance. Ce faux derche ne peut à peine voiler son double discours.

La première ministre de la Colombie-Britannique Christy Clark a vanté la diversité de sa province, avant d'inviter les Québécois mécontents à venir s'installer dans la province unilingue anglophone. Débordement d'ironie. La province pacifique est pourtant fondée par un immigrant noir qui a su rassembler les Afro-Américains, les colons anglais, les Canadiens-français et les autochtones. Les temps ont changé. Mme Clark, qui vient de se faire élire dans une municipalité de l'Okanagan, qui est décidément hostile aux personnes de couleur selon un reportage de CTV, n'a jamais pris de temps d'adresser ce rapport d'altérité, ni maints autres incidents douloureux.

Au printemps, l'équipe de Mme Clark a dressé une liste de commémorations pour soigner les plaies du passé raciste de sa province, dans l'espoir d'aller cueillir des votes ethniques. Le scandale des «quick wins» ébranle son gouvernement et réveille les esprits qui s'accrochaient à l'illusion de sincérité envers les communautés culturelles. La Charte des valeurs s'offre à la PM Clark comme exercice additionnel de fidélisation des disciples.

Le maire de Calgary, Naheed Nenshi a réussi à scruter sur ce qu'il qualifie «d'intolérance» depuis deux fuseaux horaires et quatre provinces de la frontière québécoise. M. Nenshi est si clairvoyant qu'il s'est avancé sur la Charte des valeurs avant même qu'elle soit rendue publique. Pourtant, lorsque le Globe and Mail publie en 2010 un rapport sur l'épicentre du mouvement néonazi du Canada, qui se trouve à Calgary, le maire était avare de commentaires.

Calgary, autrefois surnommée la «capitale de la haine du Canada» est toujours aux prises avec des déclarations désobligeantessporadiques et des incidentsdiscriminatoires. Le maire Nenshi ne donne pas autant d'attention à aux divergences culturelles dans sa propre ville.

L'Alberta a fait des progrès au fil des ans, mais il reste encore du travail à faire. Où est le billet du maire dénonçant les vestiges de l'intolérance qu'il décerne dans une autre province? Peu importe. Le maire Nenshi endosse un costume de défenseur des droits de l'homme juste à temps pour se voûter à nouveau sur la scène nationale. Certains avancent que le degré de sincérité de M. Nenshi est parallèle à son ambition politique.

Que dire de l'invitation que M. Nenshi a lancé aux Québécois, dont la plupart sont francophones, à déménager vers sa province unilingue? Peut-être qu'il est aussi aveugle à la discrimination linguistique lorsqu'elle se produit dans sa propre cour. Le Québec, bouc émissaire fétiche de l'Ouest canadien, fournit aux politiciens un raccourci facile au bâtissage de capital politique. En dehors des sentiers battus se trouve la route vers l'éradication de l'intolérance, longue et cahoteuse qu'elle soit.

En Ontario, c'est le même scénario. Le maire d'Ottawa Jim Watson exprime ses inquiétudes par rapport à l'application de la Charte. Quant au problème systématique du profilage racial par la police de sa ville, il joue à l'aveugle. Le maire de Toronto en fait de même.

Les tweets réactions du Canada anglais au projet de Charte des valeurs

Dans une province où les écoliers noirs et autochtones présentent un taux d'échec scolaire péniblement élevé, où il y a un flagrant déséquilibre racial dans la population carcérale, la priorité du député Monte Kwinter lors du retour à Queen's Park, c'est de «faire comprendre au reste du monde que l'Ontario n'est pas le Québec.» Le député de Toronto propose une motion impuissante qui ne fait rien pour atténuer les problèmes de discrimination systémique qui perdurent dans les établissements de sa province.

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Un jeune autochtone de l'Ontario a plaidé à plusieurs reprises de remplacer le nom et le logo d'une équipe sportive qu'il qualifie d'insultants. Aucun des députés ontariens n'a apporté son soutien à la polémique des Nepean Redskins. (les Peaux-Rouges). Le profilage dans l'industrie du logement est un thème récurrent. Y a-t-il quelqu'un à la Queen's Park qui s'est fait une idée d'agir pour rectifier la situation?

La première ministre Kathleen Wynne a dit qui elle veut créer une «société juste» en Ontario. Que de belles paroles, mais Mme. Wynne a besoin de les transformer en actions. [Traduction libre d'un article du Toronto Star]

Un autre député, Christine Elliott, a déclaré qu'il est important que l'Ontario affirme «son attachement à la liberté religieuse dans le cadre de nos droits humains fondamentaux.» Le gouvernement de l'Ontario va-t-il revenir sur sa décision d'interdire le turban pour motocyclistes sikhs? La province ne finance pas les écoles religieuses... sauf celles catholiques. L'Ontario a également écrasé une requête d'y apporter la charia: «Une seule loi pour tous les Ontariens», disaient-ils. Ce sont les valeurs judéo-chrétiennes qui sont privilégiées. La Charte des valeurs de l'Ontario a évolué par osmose et par improvisation involontaire. Elle est éparpillée sur plusieurs règlements et sous-entendus. Mais il faut bien regarder pour le voir.

Les immigrants, souvent plus instruits que les natifs du Canada, sont toujours victimes de discrimination en matière d'emploi. Mais les élus ontariens préfèrent s'ébahir devant une loi incongrue proposée au Québec voisin à se regarder dans le miroir.

"L'hypocrisie tâche d'abriter sa prétendue innocence sous les pratiques d'une menteuse dévotion."

~Honoré de Balzac; 1848.

Casser du sucre sur le dos du Québec depuis une autre juridiction est une mièvre tactique pour séduire le vote ethnique local et appâter d'innombrables autres compatriotes. (Certains prétendent que le gouvernement Marois joue le jeu de solidification des appuis, lui aussi.) Mais le phénomène de l'optique à distance transmet un effet secondaire: une suite de paroles vides. Après que les saintes-nitouches et les vierges offensées du RoC finissent de se péter les bretelles, une visite chez l'optométriste serait de mise. Avec des lentilles correctrices, elles pourront déposer leurs pierres et mieux contempler leurs toitures de verre.

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