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L'occasion est belle pour donner l'heure juste sur les régimes de retraite privés.
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Yves-Thomas Dorval, PDG du Conseil du patronat du Québec et Stéphane Forget, PDG de la Fédération des chambres de commerce aimeraient bien que nous trouvions normal et souhaitable que les employeurs ferment leurs régimes de retraite à prestations déterminées (RRPD) et les remplacent par les régimes à cotisations déterminées (RRCD).

L'occasion est belle pour donner l'heure juste sur les régimes de retraite privés.

Commençons par préciser de quoi l'on parle.

Les RRPD garantissent une pension liée aux années de participation. Les plus connus sont ceux offrant 2 % du salaire, donc 70 % après 35 années. Les RRCD, quant à eux, ne garantissent rien. Vous cotisez, votre employeur aussi. Quand arrive la retraite, on vous remet votre argent, celui de l'employeur et les rendements obtenus. Vous pouvez acheter une rente viagère (RV) qui dépendra de la somme dont vous disposez et de beaucoup d'autres facteurs.

Si vous n'avez pas de fonds de pension ou s'il ne suffit pas, vous pouvez acheter un régime enregistré d'épargne-retraite (REER) pour améliorer votre sort. Vous avez le droit de mettre 18 % de vos revenus gagnés dans votre REER, moins le coût de votre participation à un RRCD ou à un RRPD.

Yves-Thomas Dorval et Stéphane Forget prétendent « que les risques financiers associés aux régimes de retraite à prestations déterminées [menacent] de plus en plus l'existence de plusieurs entreprises ». Au Québec, beaucoup d'employeurs ont fermé le RRPD aux nouveaux employés, mais l'ont conservé pour les anciens. Les nouveaux participent plutôt à un RRCD. Le gouvernement aurait l'intention d'interdire cette disparité de traitement. Les PDG du Conseil du patronat et de la Fédération des chambres de commerce ne sont pas d'accord. Ils présument que « si les employeurs du Québec sont dorénavant exposés à l'interdiction de cette flexibilité dans l'offre de régime, ils suivront l'exemple de la plupart des autres employeurs à travers la planète et mettront fin aux régimes à prestations déterminées pour n'offrir que des régimes avec des cotisations déterminées ».

Peut-être ont-ils raison. L'avenir le dira. Je ne veux pas m'immiscer dans cette chicane entre employeurs et syndicats. Ce qui me chicote, c'est l'affirmation suivante de nos deux PDG : « [...]les employeurs n'ont pas nié l'importance d'offrir des conditions attrayantes également pour les nouveaux employés [...]. C'est pourquoi ils ont, dans la plupart des cas, décidé ou négocié des régimes différents pour les nouveaux employés pour lesquels la contribution d'exercice d'employeurs est équivalente [...] ». Cela ressemble à un mensonge parce que, si la contribution est équivalente, le risque financier est lui aussi équivalent... Pourquoi donc changer de régime ?

Cela ressemble à un mensonge parce que, si la contribution est équivalente, le risque financier est lui aussi équivalent... Pourquoi donc changer de régime ?

Quand les objectifs et les outils sont les mêmes, il n'y a pas de différence de coût qui vaille la peine de remplacer un RRPD par un RRCD ou un REER collectif. Pour le démontrer, je vais utiliser des données semblables à celles du plus récent rapport actuariel de Retraite Québec.

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D'après les actuaires, le coût de la vie augmentera en moyenne de 2,2 %. Les salaires seront en moyenne 1 % supérieurs au coût de la vie. Le rendement réel sur les nouvelles cotisations au Régime de rentes du Québec (RRQ) sera de 3,8 % après la soustraction des frais de gestion. En tenant compte de l'inflation, cela donne un rendement de 6 %.

Prenons l'exemple d'un salarié qui gagne 50 000 $ et qui contribue 9 % au fonds de pension. Son employeur contribue également 9 %, pour un total de 18 %. Le rendement des cotisations est en moyenne de 6 % par année. Il participe pendant 35 années et prend sa retraite à 65 ans. S'il est membre d'un RRPD qui n'est pas coordonné avec le RRQ, il est très chanceux. Il recevra 70 % de son salaire moyen des meilleures années si son régime lui garantit 2 % par année de participation. Mais qu'en est-il si son employeur lui offre plutôt un RRCD ou un REER collectif ? Il pourra alors s'acheter une RV auprès d'une banque ou d'une compagnie d'assurances avec la somme accumulée.

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Étonnamment et facilement, il pourrait avoir droit à 70 % de son salaire. Il suffirait que le taux de conversion de sa RV soit de 6,2 %. Qu'est-ce que ce taux de conversion ? C'est le prix qu'un banquier ou un assureur est prêt à payer pour que vous lui donniez votre argent. Si vous avez 100 000 $, on vous offre une RV de 6 200 $ par année quand le taux de conversion est de 6,2 %. Dans mon exemple, l'employé a suffisamment d'argent pour s'acheter une RV égale à 70 % de son salaire moyen des meilleures années.

Le taux de conversion dépend de nombreux facteurs. Calculé avec cet outil, il est présentement de 5,09 % pour un homme de 65 ans qui achète une RV réversible au conjoint et garantie pendant 20 ans. Par contre, s'il veut sa rente non réversible et sans garantie de durée, le taux de conversion est de 6,6 %. Le taux de conversion dépend, entre autres, de l'âge du rentier, de son sexe, de son état de santé, de la réversibilité de la rente et de la garantie de durée. Mais le taux de conversion dépend d'abord des taux d'intérêt. Ces derniers sont très faibles. Cela donne un taux de conversion médiocre qui pourrait ne remplacer que 57 % du salaire. Normalement, les taux d'intérêt sont plus élevés qu'aujourd'hui. Historiquement, le taux de conversion habituel se situe quelque part entre 6 % et 7 % pour les situations courantes. C'est suffisant pour garantir au moins 70 % du salaire dans mon exemple.

À coûts et à rendements égaux, les RRPD peuvent garantir une rente typique (70 % après 35 années) tandis que les RRCD garantissent plutôt une somme qui permettra d'acheter une RV dépendante de plusieurs facteurs, mais qui remplacera habituellement autour de 70 % du salaire.

Autrement dit, il est faux de prétendre que les RRPD coûtent plus cher que les RRCD. Ce qui coûte cher, c'est la mauvaise gestion de ce qu'on appelle les surplus actuariels. Il n'y a jamais de surplus dans un RRCD ou dans un REER. Ça devrait être pareil pour les RRPD. Les supposés surplus devraient être traités comme des réserves pour les mauvaises années. Malheureusement, ce n'est pas le point de vue du gouvernement, ni des employeurs, ni des syndicats. D'abord, le fisc supporte mal les surplus ; quand ils sont trop gros à son goût, ils deviennent imposables. C'est stupide. Ensuite, les employeurs profitent des surplus pour réduire leur participation et, parfois, celle des employés, ou pour instaurer des programmes de départs volontaires, avec ou sans collaboration syndicale. C'est également stupide. Les années de vaches grasses sont toujours suivies d'années de vaches maigres. Il est primordial de faire des réserves pour les périodes difficiles. Si la notion de surplus n'existait pas dans les RRPD, ils ne coûteraient pas plus cher que les RRCD, à valeur égale et à long terme.

Si la notion de surplus n'existait pas dans les RRPD, ils ne coûteraient pas plus cher que les RRCD, à valeur égale et à long terme.

Ainsi donc, contrairement aux prétentions d'Yves-Thomas Dorval et de Stéphane Forget, quand les employeurs usent de la disparité de traitement, ils réduisent les avantages des nouveaux employés en proportion des économies qu'ils réalisent. Ils le font parce qu'ils ont le gros bout du bâton. Inutile de tenter de nous faire croire qu'ils offrent des avantages équivalents.

Avril 2018

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