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Ces femmes qui gagnent plus que leur mari devraient-elles s'excuser?

Avant que le deuxième fils de Lori et James ne naisse à l'automne dernier, le couple a échafaudé un plan. Après son court congé maternité, Lisa retournerait travailler comme conseillère technique, tandis que James quitterait son poste d'avocat pour rester à la maison avec les garçons.
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father and little boy of fivr...
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Avant que le deuxième fils de Lori et James ne naisse à l'automne dernier, le couple a échafaudé un plan. Après son court congé maternité, Lisa retournerait travailler comme conseillère technique, tandis que James quitterait son poste d'avocat pour rester à la maison avec les garçons.

"Nous voulions tous les deux que l'un d'entre nous reste à la maison avec les enfants" explique Lori. "Je gagnais plus d'argent, mes horaires étaient plus flexibles, et j'aimais aussi bien plus mon travail que lui à l'époque: cela semblait donc logique que si l'un d'entre nous devait rester à la maison, ce serait lui".

Pendant un temps, ce nouvel arrangement a très bien fonctionné -au moins sur le plan logistique. Mais lentement et sûrement, Lori a commencé à éprouver de plus en plus de doutes. Elle se retrouvait à travailler dix heures par jour et retournait à la maison pour faire face à des piles de linge sale et des enfants affamés. Elle se plaçait sur la défensive quand ses amis parlaient de James comme étant "au chômage", comme s'ils le considéraient comme un mari fainéant. Mais pour elle, le plus difficile était le sentiment de devoir relativiser son apport financier au foyer et de montrer son soutien à son mari tout en le rassurant sur sa masculinité.

"Je voulais qu'il se sente important et estimé parce que je l'aimais" explique-t-elle. "Mais je ne pouvais pas m'empêcher de me demander: est-ce que je suis vraiment en train de m'excuser pour gagner de l'argent?".

Alors que de plus en plus de femmes rentrent -et restent- sur le marché du travail, aux Etats-Unis, elles sont aussi de plus en plus nombreuses à rapporter le plus d'argent au foyer. Le Pew Research Project a ainsi établi que le nombre d'Américaines dont les revenus sont au même niveau que ceux de leurs maris est passé de 4% en 1970 à 22% en 2007. Mais bien que les hommes semblent accueillir avec plaisir (pour la plupart) l'arrivée d'un double revenu au foyer et les mariages où les responsabilités sont partagées, il y a un hic: il veulent rester le principal soutien de famille. Ceci étant, la femme peut continuer à ajouter du beurre dans les épinards... tant qu'elle n'est pas la seule et qu'elle en rapporte moins.

Une étude dans le journal Sex Roles a démontré que tout en acceptant mieux que les femmes travaillent, la jeune génération masculine reste réticente à accepter leur rôle de co-soutien de famille. Ce résultat fait écho à celui d'une étude du Council on Contemporary Families ayant établi que, malgré une baisse de la pression sociale qui décourageait autrefois les femmes à travailler hors du foyer, la pression s'exerçant sur les maris en tant que soutien de famille, elle, perdure.

Dans le même temps, selon un rapport de 2008 issu du Families and Work Institute, la traditionnelle répartition des rôles cède peu à peu à une "nouvelle normalité", à la fois égalitaire et difficile: une étude conduite par le centre a ainsi établi que 60% des hommes dans un mariages à double revenu font état de conflits travail/famille, contre 35 % en 1977.

Le fait est que même parmi les couples les plus libérés, les plus en phase avec leur temps, la certitude que c'est à l'homme de ramener plus d'argent reste bien ancrée. Quand ce n'est pas le cas, des tensions peuvent survenir entre "femelles alpha" et "mâles beta".

Nicole, une rédactrice de magazine influente, s'est rendue compte que c'était le cas avec son mari, Peter, un artiste travaillant à mi-temps dans un café ("surtout pour l'ambiance et le café gratuit" m'a-t-elle confié). Quand il a perdu son travail et décidé de se consacrer totalement à son art, Nicole a eu du mal à être toujours compréhensive, à montrer son soutien -notamment par rapport à son sentiment d'émasculation quand il devait lui demander du liquide- et à croire qu'il retrouverait facilement du travail s'il essayait vraiment. Elle s'est aussi retrouvée à compter sur l'attention de Peter:

"Je voulais vraiment qu'il m'attende pour dîner quand je rentrais tard. Et que les factures soient payées. Et que l'évier ne déborde pas d'assiettes sales", explique-t-elle. "Je ne m'attendais pas forcément à ce qu'il me remercie d'aller travailler -j'adore travailler et je n'imaginerais pas arrêter- et je ne considérais pas forcément cette attention comme un dû mais je comptais dessus".

D'un point de vue rationnel, Nicole était consciente que c'était une bonne chose pour elle de gagner autant d'argent et de faire partie du mouvement vers l'égalité au travail. Elle n'avait pas choisi d'épouser Peter parce qu'elle s'attendait à ce qu'il assure ses repas et appréciait énormément sa passion pour son art. D'un point de vue émotionnel, en revanche, elle voulait qu'il gagne plus ou, au moins, autant qu'elle.

"Je ne voulais pas une approbation constante, mais au moins de temps en temps", déclare-t-elle.

Peter, de son côté, était de plus en plus déprimé. Il essayait de ne pas en vouloir à Nicole pour ses revenus -c'était après tout, ce qui lui permettait de survivre sans travail- mais il ne pouvait pas s'empêcher de se sentir comme un citoyen de seconde zone dans sa propre maison. C'est courant: dans son livre Breadwinner Wives and the Men they Marry, Randi Minetor écrit que bien des hommes sans emploi ou gagnant peu se sentent blessés par ce qu'il ressentent comme une baisse de leur statut. Leur estime personnelle peut en souffrir.

A travers son projet Bread and Roses, qui suit des couples américains et canadiens où les femmes sont les premiers soutiens de famille, la professeur Andrea Doucet de l'Université Carleton a ainsi établi que les hommes peuvent avoir des difficultés avec les attentes sociales selon lesquelles les maris devraient toujours être ceux qui assurent financièrement, et qu'"on ne peut pas simplement inverser les genres".

C'est pourquoi pour de nombreuses femmes, le pouvoir financier n'a pas vraiment créé l'équilibre qu'elle espéraient. Bien des femmes gagnant de l'argent rapportent ressentir une forte pression financière -ce que les hommes ressentent depuis des années. Mais il est aussi très probable qu'à mesure du temps, on verra les femmes et les hommes se passer d'avantage le relais pour assurer les finances familiales -signe d'une vraie égalité dans le mariage. D'ici là, Lori a bien résumé l'état actuel des choses:

"De même que je dois jongler sur la façon de retourner au travail après les enfants tout en conservant l'impression de remplir mes devoirs maternels, il doit jongler avec l'idée de ce que signifie, pour un homme, le fait de ne pas y retourner. Nous nous posons la même question -qui suis-je?- et nous recherchons la même approbation. Mais nous sommes toujours les mêmes personnes".

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