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Comment Tsipras a instrumentalisé le peuple grec

L'euphorie qui entoure, voire enflamme, la Grèce et l'Europe depuis dimanche soir n'est pas de nature à changer fondamentalement la donne à court terme en ce qui concerne la question de la dette grecque.
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L'euphorie qui entoure, voire enflamme, la Grèce et l'Europe depuis dimanche 5 juillet au soir à l'annonce du Non massif (plus de 60%) à l'accord préparé et négocié par les créanciers de la Grèce, les institutions européennes et internationales, enfin les principaux dirigeants européens, n'est pas de nature à changer fondamentalement la donne à court terme en ce qui concerne la question de la dette grecque.

La politique de la terre brûlée

Pendant toute cette journée du lundi, le gouvernement grec et l'Europe vont en effet reprendre les négociations. Mais sur quelles bases ? Il est évident que les créanciers vont remettre dès aujourd'hui sur la table le « paquet » déjà négocié et sur lequel s'étaient d'ailleurs entendus les dirigeants européens et Tsipras lui-même avant que, dans une chambre d'hôtel à Bruxelles, Tsipras et ses proches collaborateurs, décident de faire monter la pression en renonçant à cet accord et en annonçant de façon abrupte la tenue d'un référendum sur cette question.

Tsipras et son très dogmatique ministre des Finances Yanis Varoufakis, qui a qualifié les créanciers de son pays de « terroristes », ont ainsi montré qu'ils pratiquaient la politique de la terre brûlée en instrumentalisant le peuple grec pour mieux servir leur cause politique.

En réalité, il ne pouvait en être autrement dès le début. Après être arrivé au pouvoir au mois de janvier dans un vent de révolte contre les mesures d'austérité déjà proposées par la fameuse et honnie « troïka » (qui existe pourtant toujours évidemment même sous un autre nom), le gouvernement de la gauche radicale allié pour la circonstance avec un parti de la droite dite « souverainiste », savait qu'il risquait gros en négociant un accord qui aurait pu le conduire à sa mise en minorité, tant au sein de son parti où des factions encore plus extrêmes existent, qu'au Parlement où il aurait pu lui être reproché d'avoir mal négocié.

Ce faisant, Tsipras n'a pas eu le courage d'assumer pleinement l'accord pourtant équilibré et raisonnable proposé par les institutions financières et les dirigeants européens. Il a préféré faire de la politique et se camoufler derrière un vote du peuple grec dont on ne sait pas quelles conséquences il va falloir en tirer...

La position difficile des dirigeants européens

Les dirigeants européens, dont Angela Merkel et François Hollande, n'ont jamais dit à la Grèce que l'accord était à prendre ou à laisser. Ils ont constamment réitéré leur volonté de négocier jusqu'au bout en faisant des efforts. Mais qu'on y prenne garde : le Bundestag, qui devra se prononcer, ne votera pas un accord qui serait par trop déséquilibré. En clair, le gouvernement grec n'aura d'autre solution que d'accepter un plan de mesures d'économies drastiques, quitte à ce que celui-ci soit plus étalé dans le temps et peut-être un peu plus indolore.

Le gouvernement grec se fera fort d'obtenir un accord en 24 ou 48 heures ; c'est qu'il dispose forcément d'une marge de manœuvre politique qui aurait pu le conduire à éviter les frais d'un référendum et le chaos dont ils sont directement responsables. Mais attention, après avoir fait campagne pour le non à la « dictature » de la troïka qui n'est tout de même pas ce que fut la dictature des colonels que connut ce pays de 1967 à 1974- Tsipras et Varoufakis pourraient se retrouver vite désavoués et accusés de s'être réfugiés derrière le peuple grec pour mieux le tromper.

La force du référendum

Il est vrai, toutefois, qu'un référendum a une force considérable. Il est évident qu'après la mise en garde de Barack Obama et l'appel de Christine Lagarde à négocier rapidement un accord, l'Europe risque de se retrouver isolée. Elle se retrouve ainsi dans l'obligation de consentir un geste supplémentaire.

Mais le risque est lourd : la cohésion de l'Europe a volé en éclats sur cette question ainsi et surtout que la solidarité franco-allemande. La différence de culture économico-financière des deux pays est tellement importante qu'on ne voit pas ce qui aurait pu conduire à une réelle convergence de vue sur cette question. Pourtant, dans l'adversité, les deux pays sont condamnés à s'entendre dès aujourd'hui.

Surtout, cette crise majeure montre que désormais, sans une vraie ambition de gouvernance politique de l'Union économique et monétaire, l'Europe est menacée d'implosion. Il est donc grand temps de prendre le temps de réfléchir à ce que signifie le fait de vivre ensemble dans une même union... Les Anglais pourraient eux aussi nous le rappeler en 2017 en votant « non » au référendum décidé par David Cameron.

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