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Grèce: peuple trompé, premier ministre robotisé, Europe en friche

Oui, le premier ministre Alexis Tsipras a menti à son peuple. Mais avait-il le choix?
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Il est assez curieux de constater les commentaires des responsables politiques sur ce qui vient de se passer à Bruxelles au sujet de la Grèce. Il semblerait que plus grande ait été la peur des personnalités politiques, plus ces derniers se montrent soulagés de l'issue de ce bras de fer.

Une Europe sonnée, la France et l'Allemagne déchirées

François Hollande était arrivé à Bruxelles avec l'attention d'éviter à tout prix le Grexit, à savoir la sortie de la Grèce de la zone euro. Angela Merkel, quant à elle, avait clairement affiché la couleur: il n'y aurait pas d'accord à tout prix...

Au final, la France crie victoire et l'Allemagne parle d'un accord raisonnable que la chancelière va devoir soumettre au Bundestag. La Grèce serait sauvée et la menace d'un Grexit serait définitivement éloignée... Rien n'est moins sûr... Ce qui est certain, en revanche, est que l'Europe vient de prendre une sacrée gifle. L'Europe est bel et bien sonnée après ce qui vient de se passer.

Elle l'est à plus d'un titre: la France et l'Allemagne ont rarement été aussi divisées. Tant François Hollande qu'Angela Merkel affichaient des objectifs presque irréconciliables et jusqu'au bout ils se sont affrontés, bien que François Hollande n'ait que fait état, lors de son allocution du 14 juillet, de quelques «interrogations».

Au final, quand on entend les commentaires autorisés, la solidarité franco-allemande a joué son office habituel pour obtenir un accord à l'arraché. Ce n'est pas exact, car, cette fois-ci, la mésentente a été réelle malgré les sourires de façades et les embrassades en public.

Réunifier la tribu de la gauche française et européenne

François Hollande voulait afficher une solidarité sans faille avec la Grèce. On le comprend: il s'agissait pour lui, dans cette affaire, de se montrer le chantre de la gauche européenne, le sauveur de la Grèce, afin de reconstituer l'unité derrière lui. Angela Merkel, dont la grande coalition est plutôt conservatrice sur le plan économique et financier (n'oublions jamais que même les sociaux-démocrates ne sont pas forcément sur la même longueur d'onde que les socialistes sur les questions économiques et financières), doit faire attention à la CSU (les Chrétiens sociaux bavarois, toujours plus conservateurs que la CDU), laquelle veille à la préservation des dogmes libéraux). Cet affrontement entre la France et l'Allemagne laissera un goût amer.

Que dire des autres pays de l'Union européenne? Les pays du Nord ont été les plus réticents, ainsi que leurs partenaires de l'Europe de l'Est à qui d'importants sacrifices financiers avaient été demandés lors de leur entrée dans l'Union européenne. L'Italie s'y est mis également par la voie de son jeune président du Conseil qui a, par journal interposé, déclaré à l'attention de Mme Merkel «ça suffit!», comme si c'est l'Allemagne qui portait la responsabilité de ce psychodrame...

La Grèce sous tutelle «préfectorale»

Quant à Alexis Tsipras, comme nous l'avons déjà évoqué dans un précédent point de vue, ce dernier a bien «instrumentalisé le peuple grec» en lui demandant haut et fort de dire «non» aux propositions présentées il y a quinze jours.

Avec 61% en sa faveur, le premier ministre grec vient d'accepter un accord qui, disons les choses clairement, signifie bel et bien la fin de la souveraineté de l'État grec, malgré ce qui est affirmé dans le communiqué final du Conseil.

La Grèce est désormais contrainte de passer sous les fourches caudines de la Banque centrale européenne (BCE) et du Fonds monétaire international (FMI), comme une collectivité locale sous tutelle préfectorale ou d'une chambre régionale des comptes, ni plus ni moins...

Il va bien falloir que Tsipras explique à son peuple comment il l'a trompé et pourquoi le non de la révolte s'est finalement mué en «oui mon capitaine!» avec les doigts sur la couture du pantalon.

Certes, pour reprendre une métaphore militaire, M. Tsipras avait un pistolet sur la tempe. Mme Merkel était prête à tirer. François Hollande a simplement empêché que le coup ne parte ou a dévié le tir au dernier moment. Est-ce se hausser au niveau de l'Histoire comme l'a affirmé Manuel Valls? C'est aux historiens qu'il reviendra de trancher ce point...

En tout état de cause, en lisant le communiqué publié par les chefs d'État et de gouvernement de la zone euro, on se dit que M. Tsipras n'est plus qu'un robot dont les commandes sont articulées depuis Bruxelles et Washington pour le FMI, même si le fameux fonds destiné à recueillir les sommes issues des privatisations sera en fin de compte, grâce à l'appui de la France, physiquement domicilié à Athènes plutôt qu'à Bruxelles. Mais au temps d'Internet, les commandes numériques ne seront pas à Athènes.

La Grèce est sinistrée, mais M. Tsipras est sauvé

Oui, M. Tsipras a menti à son peuple. Mais, cyniquement parlant, d'une part, avait-il le choix? Et, d'autre part, au final, à quoi bon ressasser, disent certains? Il n'y avait pas d'autres solutions. En effet, mais alors pourquoi avoir tant tergiversé pour accepter aujourd'hui un accord qui lui coûterait 30 milliards de plus de ce qui lui était proposé il y a quinze jours?

Le référendum a coûté très cher aux contribuables: M. Tsipras n'en a pas eu cure. Il est bel et bien vivant politiquement et peut-être est-ce ce qui importait finalement... Il sait aussi que les partis du Parlement seront obligés d'accepter l'accord signé à Bruxelles. Mais il n'est pas certain qu'il parvienne à sortir indemne du débat interne, au sein des siens, à Siryza... S'il était courageux, il démissionnerait de son poste de premier ministre après avoir fait voter l'accord pour se représenter devant les électeurs et retrouver une nouvelle légitimité...

Mais il n'en a certainement plus les moyens, ni la volonté... Une première réponse viendra ce mercredi puisque telle est la première échéance imposée par les chefs d'État et de gouvernement.

Quant à l'Europe, celle-ci est déboussolée. Certains États viennent de se demander ce qu'ils faisaient ensemble... Qu'est-ce qui, aujourd'hui, rassemble les 28 États de l'Union européenne? C'est aujourd'hui cette question qu'il est urgent de se poser!

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