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Voyage au pays des Sherpas

La «Capitale des Sherpas», deuxième étape du trek vers l'Everest, est une petite bourgade nichée dans un col de montagne, ceinturée de plusieurs pics dépassant 8000 mètres d'altitude. Elle marque le progressif renfrognement de la flore, qui passe d'une forêt verdoyante à une version séchée de conifères et broussailles, laquelle fera éventuellement place aux neiges éternelles.
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Namche Bazaar, Himalaya, Népal.

«Elle s'est couchée avec un mal de tête. Elle est morte dans son sommeil.» Ces paroles rassurantes, prononcées par un loquace Français (pléonasme) autour du poêle dans la loge d'hier soir, résonnent encore dans ma tête alors que je gravis les derniers escarpements menant à Namche Bazaar.

La «Capitale des Sherpas», deuxième étape du trek vers l'Everest, est une petite bourgade nichée dans un col de montagne, ceinturée de plusieurs pics dépassant 8000 mètres d'altitude. Elle marque le progressif renfrognement de la flore, qui passe d'une forêt verdoyante à une version séchée de conifères et broussailles, laquelle fera éventuellement place aux neiges éternelles.

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Voyage au pays des sherpas

L'air est d'une pureté saisissante, et l'eau des rivières, bleu-vert translucide, n'a pas besoin d'être filtrée.

On se servira quand même des tablettes de purification. Le nomade apprend vite qu'à chaque pays, ses bactéries ; la crise gastrique, traumatisante, le hante longtemps comme un mauvais souvenir.

Le numéro deux de voyage est d'ailleurs une acrobatie à laquelle on se forme petit à petit. Il s'agit principalement, en Inde par exemple, de maîtriser la position semi-accroupie en sandales dans une flaque d'eau floue, et stagnante devant un trou aux différents modèles ; il faut s'appuyer d'un doigt sur le mur de derrière, s'il y en a un, retenir son pantalon, portefeuille et passeport de sa main libre, et repousser du pied la vache ou la chèvre qui, curieuse, passe sa tête par la porte, s'il y en a une.

Dans l'Himalaya, le froid règle le problème de l'odeur. Toutefois vous n'avez pas pensé, la nuit, lorsque vous vous traînez aux toilettes, grelottant et endormi, que la flaque est maintenant de la glace.

Devinez où vous tombez.

Fait vécu.

Namche donc, magnifique, mais aussi rigolote : confiants que les querelles légales ne survivraient pas à l'altitude, les Sherpas ont allègrement plagié en logo les marques d'hôtels connus. Vous avez ainsi le loisir de dormir au Sheraton, version cabane de pierre et billots de bois ; il y a fort à parier que la candeur et la bonté de votre hôte rendront le souvenir plus cher qu'une nuit dans une succursale la chaîne originale.

Qui sont les Sherpas ? Ils sont un groupe ethnique tibétain qui, il y a plusieurs centaines d'années, ont fui divers menaces pesant sur leur contrée natale pour s'établir au Népal, notamment au pied de l'Everest et dans les vallées avoisinantes.

Pauvres, cultivant quelques céréales et faisant l'élevage du yak, ils ont subsisté en s'acclimatant à l'altitude jusqu'à s'en faire un bagage génétique.

L'afflux d'alpinistes dans la région depuis les années cinquante, et plus récemment le développement du tourisme de trekking, leur a tout de même rendu un fier coup de pouce ; le commerce qu'ils font avec leurs maisons, devenues loges et restaurants, de même que l'emloi des hommes comme guides et porteurs, leur donne de quoi vivre.

Ce peuple vit dans des conditions parmi les plus difficiles au monde : au froid et à l'altitude s'ajoute l'absence de route, qui force ces habitants des hautes gorges à transporter sur leur tête (voir photo), comprimés dans des amalgames farfelus de caisses et paquets, tous les matériaux et vivres nécessaires non seulement à leur subsistance, mais à leur commerce.

Ils ont le wi-fi par contre.

C'est pour les touristes.

Sur l'ascension, pliés en deux sous leur fardeau, ils se hissent péniblement d'une roche à l'autre, aidés d'un petit bâton en "t" qui sert par ailleurs à retenir leur montagne de sac à dos lorsqu'ils désirent reprendre leur souffle.

Et ils sourient. Ils vous saluent lorsque vous les dépassez, mal à l'aise d'être fatigué par un bagage de dix kilos.

Les touristes, eux, vous dépassent sur le sentier, déchargés de toute contrainte par des porteurs, qu'ils paient quelques dollars pour traîner les sacs de trois personnes chacun, alors qu'ils font valser leurs bâtons de randonnée en prenant des selfies à chaque belvédère.

C'est la vie.

...

Posé devant un Hilton où je n'ai pas trouvé Paris, je m'abandonne à l'étreinte du soleil décuplé par la réflexion des étendues glacées, bronzant du même coup avec un séduisant décalque de lunettes fumées.

Je suis seul avec un chien touffu hérité du dernier village, depuis lequel il m'a suivi tout bonnement, trottant plus de six heures à mes côtés ; lorsque j'ai vu les coups de pied et les sifflets dirigés par les Népalais vers mon compagnon errant, j'ai compris qu'un peu d'affection l'avait probablement surpris.

Pour l'instant il mange un bol de riz, en bon asiatique.

Nous avons laissé Babet derrière : notre rythme la fatiguait.

Puis, c'est Stan qui m'a quitté : il a décidé de rejoindre la prochaine étape d'un trait, dédaignant une journée acclimatation à l'altitude, et le lugubre avertissement du Français hier.

Dans quelques instants la lumière traversera un spectre poignant au-dessus de ce décor sans égal, et le froid rejoindra vite mes os à travers un système affaibli par le manque d'oxygène allant croissant ; si je me doute bien que les prochains jours culmineront sous les thèmes conjugués de la beauté et l'humilité, il me reste encore à découvrir quelques éléments de surprise.

Notamment, la peur et les évacuations par hélicoptère.

À suivre...

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