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Terrorisme d'État et terrorisme du désespoir

L'offensive de l'armée israélienne dans la bande de Gaza a atteint un déchainement et une puissance de destruction et de mort jusqu'à ce jour inégalés - situation dont on ne peut pas ne pas s'indigner.
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L'offensive de l'armée israélienne dans la bande de Gaza a atteint un déchainement et une puissance de destruction et de mort jusqu'à ce jour inégalés - situation dont on ne peut pas ne pas s'indigner. À nous fier à la rhétorique officielle du gouvernement israélien et des puissances occidentales qui lui apportent indéfectiblement leur appui, cette offensive consisterait en une « légitime défense » provoquée par les roquettes lancées par le Hamas sur Israël lesquelles instaurent, à l'évidence, un climat permanent de peur et d'insécurité pour les communautés ciblées.

Pourtant, les conséquences meurtrières de cette « légitime défense » rendent caduque toute comparaison entre la situation que vivent présentement les Palestiniens et les Israéliens. En effet, cette offensive a quelque chose d'odieux par les souffrances, la misère et la désolation qu'elle entraine. Il faut d'ailleurs se demander si, pour le gouvernement israélien et ses alliés, le peuple palestinien ne serait pas devenu en son entier un peuple terroriste dont il faudrait absolument anéantir, avec acharnement et sans discrimination aucune, les hommes, les femmes, les enfants et les vieillards, détruire leurs biens et leurs maisons, et, pour finir, soit les ensevelir sous les gravats de leurs demeures ou les bouter à jamais hors de leur territoire alors que la population de Gaza vit depuis maintenant huit ans, et sous l'effet du blocus inhumain qui lui est imposé, dans un espace que d'aucuns considèrent comme une véritable « prison à ciel ouvert ». Mais comment expliquer une telle « ivresse meurtrière » ?

Voilà 13 ans, dans l'entrevue qu'il accordait à David Barsamian, le regretté Edward Said déclarait : « Ce que font les Israéliens à Gaza et en Cisjordanie, utilisant des F-16 contre des maisons palestiniennes absolument pas protégées - il n'existe pas d'armée, ni d'aviation, ni de défense antiaérienne palestinienne. Il me semble que cela participe d'une démarche terroriste. C'est fait pour répandre la peur, sans discrimination et sans la moindre possibilité de riposte. Une destruction pour l'unique plaisir de détruire et de terroriser les gens. » (Culture et résistance. Entretiens avec David Barsamian, trad. fr., Paris, Fayard, 2004). Rien n'a donc changé.

En effet, les statistiques des victimes attestent indéniablement de ce qu'il faut bien appeler le terrorisme d'État israélien dont les actions et les conséquences tragiques n'atténuent en rien le soutien que lui apportent les puissances occidentales, elles qui ne cessent par ailleurs d'en appeler à « la liberté et à la justice pour les peuples » (Obama), tout en déplorant hypocritement, et à demi-mot, la mort de civils. À ce jour, le bilan est de 63 soldats israéliens tués et six civils blessés et parmi la population palestinienne - en majorité des civils - on compte 1 767 morts, 9 800 blessés et plus de 400 000 personnes déplacées.

Pour comprendre la démesure de ces statistiques et les enjeux de ce conflit et ce qu'ils dévoilent de l'extrême dénuement et de la misère des uns, de l'arrogance et de la puissance démiurgique et destructrice des autres, il faut aller au-delà du déluge d'informations, de clichés, d'images et de commentaires dont on nous abreuve depuis bientôt un mois et remonter aux sources historiques, politiques, juridiques, diplomatiques et culturelles d'un conflit dont on ne peut nier désormais la mondialité et dont les expressions guerrières trahissent en creux les desseins hégémoniques des uns et la lutte acharnée pour la survie des autres; même si l'on doit déplorer que cette survie doive en passer par le recours contraint à ce qu'on pourrait appeler un terrorisme du désespoir.

Et c'est donc la confrontation de ce terrorisme du désespoir et de celui de l'État d'Israël qui constituent ici et maintenant l'expression la plus saillante et la plus dévastatrice de ce conflit - confrontation que seules des négociations qui ne seraient pas tributaires de la loi du plus fort pourraient endiguer durablement.

Enfin, pour comprendre ce conflit, il faut aussi écouter ces voix qui, en Occident, analysent et s'opposent énergiquement aux politiques coloniales, discriminatoires et racistes de l'État israélien dans les territoires occupés. Il faut bien admettre que ces politiques nous éloignent toujours un peu plus de la paix puisqu'au prétexte de défendre une identité, elles s'inscrivent forcément dans la spirale toujours recommencée de la mort et de la destruction.

À ces voix s'en ajoutent d'autres - cette fois en Israël - et auxquelles il nous faut absolument être attentifs. Contre une opinion publique qui semble majoritairement gagnée à l'offensive en cours, des écrivains, des universitaires et des intellectuels, militants Israéliens pour la paix, mènent avec courage une lutte sans relâche contre les politiques de l'État israélien et déconstruisent patiemment et avec détermination un intégrisme intérieur qui, par ses excès, ses outrances et son dogmatisme, s'inscrit justement dans un rapport d'exacte symétrie avec celui qu'il dit combattre - les deux camps en présence se revendiquant tous deux d'une pensée théologico-politique dont nous savons combien elle est porteuse de tous les désastres.

Complémentaires à la nécessité pour tous les protagonistes de ce conflit de s'engager dans un processus de négociations, toutes ces voix qu'il faut écouter sont aussi les garantes et les médiatrices d'une paix à venir.

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