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Si on veut réellement un état laïque, pourquoi ne pas aussi agir sur la fiscalité et les subventions religieuses? Pourquoi continuer de financer avec nos taxes les écoles confessionnelles? Pourquoi laisser notre patrimoine religieux, payé à même la sueur et les deniers des Québécois, être brocanté au profit de l'Église catholique?
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Tout d'abord la fameuse « Charte des valeurs québécoises » est très mal nommée. Pourquoi pas plutôt une Charte de la laïcité? En effet la Charte proposée ne fait pas l'analyse et la synthèse des valeurs québécoises, d'ailleurs qui pourrait les faire? Elle met plutôt la table de la laïcité et délimite les débordements de ce que d'aucuns appellent des convictions personnelles, dans la sphère publique en général et dans la sphère civique (payée avec nos taxes) en particulier.

Je n'ai pas l'intention de me moquer de quiconque, mais je comprends que certaines personnes pourront se sentir blessées. Je ne crois pas que la religion doit être sur un piédestal, plus que d'autres institutions de la société. L'histoire ancienne et récente fourmille d'exemples prouvant hors de tout doute que la religion a tendance à déborder de son cadre « religieux » pour venir modifier les us et coutumes des sociétés et les entrainer dans des actes et actions, qu'un dieu (quel qu'il soit) ne serait pas fier de cautionner. La politique aussi d'ailleurs. C'est pourquoi les signes politiques sont déjà interdits aux travailleurs de l'état, afin qu'ils projettent une neutralité face aux citoyens.

Ce n'est pas à moi de juger de la pertinence ou non , des gens qui observent et analysent le monde au travers d'une lentille religieuse. Par contre je me dois de réagir lorsqu'une croyance religieuse devient une action qui a une portée sur la place publique. Si vos croyances et ses symboles ont un impact sur ce qui est enseigné dans nos écoles (le monde a été fait en 6 jours), sur ce qui est mangé dans nos cafétérias (bouffe halal et casher), sur le déroulement des activités des enfants (séparation des filles et des garçons dans les piscines), nous ne parlons décidément plus de croyances personnelles. C'est une chose de voir le monde au travers d'une lentille, une autre d'agir comme si c'était la seule qui soit valable.

Par ailleurs, la communication entre personnes inclut du verbal et du non verbal. Souvent, le non verbal aura un poids et une portée bien plus grande que ce que le verbal peut signifier. La tenue vestimentaire et les accessoires qui l'accompagnent sont très éloquents au niveau non verbal. Souvenez-vous du simple port d'un petit carré rouge. D'ailleurs, les fonctionnaires de l'état se doivent déjà de neutralité politique. Il faut croire que bien des professeurs n'étaient pas des employés de l'État lors de la dernière grève étudiante. M'enfin, même des députés (maintenant première ministre) s'affublaient du symbole et jouaient allègrement de la casserole. Mais ça, c'est une autre histoire. Une histoire tout de même qui devrait marquer les esprits et militer pour une plus grande neutralité (politique et religieuse) de nos fonctionnaires et de nos élus.

Les symboles induisent des perceptions qui sont souvent sans rapport avec l'intention de celui qui communique. Ils sont néanmoins très efficaces. Ils ne laissent que peu de gens indifférents. Ils sont justement ce qu'on appelle des « outils de mobilisation ». Si vous passez devant un triplex et que vous voyez un drapeau accroché sur le balcon du 2e étage, déjà vous aurez une image mentale des habitants que vous n'avez pourtant jamais vue. De même, lors de la St-Jean-Baptiste, vous risquez d'être fortement ému à la vue de milliers de fleurs de lys qui sont agités au vent. Encore un autre exemple de la puissance évocatrice des symboles. Cependant, dans un contexte de prestation de service gouvernemental, cette puissance « évocatrice » n'est très probablement pas la bienvenue.

Je suis « pour » la neutralité de l'État et de ses représentants et je suis « pour » la laïcité de nos institutions. Étant moi-même une « minorité visible », j'ai eu l'occasion de vivre à maintes occasions le mépris. Ironiquement, ce mépris venait souvent d'autres minorités visibles et si ces mêmes minorités portaient des signes religieux ostentatoires, ce mépris montait d'un cran. Mais ne prenez pas ma parole « pour du cash ». Vous n'avez qu'à lire la page de Wikipédia «homosexualité et religion» pour vous en convaincre. Vous remarquerez d'ailleurs que les religions qui acceptent l'homosexualité s'adonnent étrangement à être aussi des religions qui sont reconnues pour ne pas imposer de « signes religieux ostentatoires ». Vous comprendrez dès lors le « malaise » que je pourrai ressentir le jour où je serai à l'hôpital et que je serai soignée par un ou une infirmière m'affichant ostentatoirement sa religion ou encore lorsque j'irai chercher mon petit-fils à l'école et que son professeur sera ostentatoirement religieux. Je ne souhaite vraiment pas avoir à vivre ça ici au Québec. Je sais déjà que plusieurs régions de la planète me seront impossibles à visiter à cause de l'homophobie rampante de ces régions ou carrément parce que les gais y sont emprisonnés ou mis à mort. J'aimerais continuer de pouvoir me promener PARTOUT au Québec sans devoir « être sur mes gardes ». Appelez ça de la paranoïa si vous le voulez, mais les faits restent qu'une transsexuelle est assassinée à chaque 3 jours sur la planète et que pour la majorité des cas, ce sont des « motifs religieux » qui incitent à ces violences.

Pourquoi la Charte ne va pas assez loin?

Si on veut réellement un État laïque, pourquoi ne pas aussi agir sur la fiscalité et les subventions religieuses? Pourquoi continuer de financer avec nos taxes les écoles confessionnelles? Pourquoi continuer de ne pas taxer les religions et les religieux comme le reste de la population et des organisations? Pourquoi laisser notre patrimoine religieux, payé à même la sueur et les deniers des Québécois, être brocanté au profit de l'Église catholique? Il me semble que si une église n'a plus de fidèle, ce serait la moindre des choses qu'elle retourne à la communauté et puisse servir de bibliothèque, de centre d'activité culturelle ou sociale ou à toute autre vocation profitant à ceux qui depuis des générations ont payé pour ces bâtiments? Finalement, si on veut être conséquent, le crucifix à l'Assemblée nationale devrait prendre le bord. L'argument de la « mémoire historique » est on ne peut plus scabreux. Ce crucifix a été mis là par Duplessis. Celui-là même qui a entraîné le Québec dans une grande noirceur religieuse. Étant une petite orpheline de Duplessis (mon père ayant été un orphelin de Duplessis et ayant subit d'outrageux abus sexuels des religieux et religieuses ayant sa garde et ayant aussi été interné comme fou parce que c'était plus payant pour l'église), ce symbole me rappelle les nombreuses blessures que mon père et plusieurs de ces enfants on subit. Ce n'est donc pas un « symbole historique » particulièrement plaisant à se remémorer...

Par ailleurs, l'expression de sa religiosité est très personnelle. Les symboles ostentatoires ne sont que ça, des symboles. Choisir ou pas de les porter est aussi un choix, qui est personnel. Si ce n'est pas un choix, ça devient donc quelque chose qui a été imposé par une ou des forces extérieures. Ces forces sont donc très probablement la pression sociale...

P.-S. Il y a eu beaucoup de choses qui ont été dites à propos de la Charte, qui n'est toujours qu'à l'étape de proposition, et les couteaux volent bas de tous les côtés. Je vous invite donc à commenter mon billet dans la mesure et le respect.

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