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La fin d’Énergie Est et la défaite d’un certain nationalisme canadien

Je croyais que le Canada était un État postnational ! Ce n'est pas le cas? Prière alors d'en informer le premier ministre canadien.
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Konrad Yakabuski soutient que la fin du projet risque de mettre à mal la péréquation dont bénéficie le Québec.
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Konrad Yakabuski soutient que la fin du projet risque de mettre à mal la péréquation dont bénéficie le Québec.

Merci à Konrad Yakabuski de faire valoir le point de vue de l'Ouest canadien concernant Énergie Est. («Les Albertains se souviendront», Le Devoir, 11 octobre 2017). Malheureusement, son propos reproduit les malentendus au lieu de contribuer à une compréhension mutuelle.

(i) Il prétend que le projet aurait rapporté à tout le monde, y compris au Québec. Or, au Québec on parlait de 30 emplois permanents.

(ii) Il soutient que la fin du projet risque de mettre à mal la péréquation dont bénéficie le Québec. Ce faisant, il occulte le fait que la péréquation est une compensation pour un développement planifié ailleurs. Quand l'État fédéral planifiait son développement économique principalement en Ontario, c'était de l'Ontario que venait principalement la péréquation. Avec un développement économique principalement axé sur le pétrole albertain, c'est l'Alberta qui est devenue le chef de file des provinces donatrices de péréquation.

(iii) Il ne tient pas compte du fait que l'accent mis sur le développement des sables bitumineux à l'Ouest a contribué à hausser artificiellement le dollar canadien, ce qui a nui aux économies exportatrices de l'Ontario et du Québec et causé la perte de milliers d'emplois.

(iv) Il ignore l'un des arguments fondamentaux auxquels les promoteurs d'Énergie Est n'ont jamais pu répondre: l'incompatibilité fondamentale entre le projet de développement des sables bitumineux et les engagements pris à Paris.

(v) Il signale que la demande mondiale en pétrole continue de croître, y compris au Québec, et que le Canada peut légitimement réclamer sa part du marché, mais ce faisant, il propose dans une perspective étroitement économique que les Canadiens s'engagent à leur tour dans une fuite en avant dans laquelle l'humanité court à sa perte.

(vi) Il souligne le fait que nous allons consommer du pétrole pendant de nombreuses années. Or, les opposants à Énergie Est ne nient pas cela. Ils estiment seulement que pour réduire un jour progressivement la consommation de pétrole, il faut commencer par cesser la croissance de sa production et ils estiment que le Canada doit assumer sa part de responsabilité à cet égard.

(vii) Il parle de ce projet sans faire état du fait que le développement des sables bitumineux est l'une des principales sources d'émission de GES au Canada.

(viii) Il omet totalement de parler des risques environnementaux encourus par la construction d'un pipeline traversant des centaines de cours d'eau et de municipalités au Québec. Il ne répond donc pas aux inquiétudes pleinement justifiées de millions de Québécois.

Je croyais que le Canada était un État postnational ! Ce n'est pas le cas? Prière alors d'en informer le premier ministre canadien.

(ix) Il reproche aux Québécois de ne pas avoir fait de ce projet de pipeline un enjeu d'intérêt national et de «nation building». Ah bon? Je croyais que le Canada était un État postnational ! Ce n'est pas le cas? Prière alors d'en informer le premier ministre canadien.

(x) Je dirais au contraire que, justement, les Québécois ont bien perçu qu'il y avait là du nationalisme canadien, inscrit dans le prolongement d'une histoire canadienne : la politique nationale de l'énergie de Trudeau père et la construction d'un chemin de fer from coast to coast.

(xi) Il vante les mérites du projet Énergie Est, mais il ne répond pas aux critiques qui ont fait valoir la nécessité de ne pas piétiner encore une fois les droits des peuples autochtones et de ne pas construire de pipeline sur les territoires qu'ils occupent sans obtenir leur consentement.

(xii) Il termine son exposé par un propos empreint de ressentiment et de vengeance. Mais un pays ne se construit pas sur le socle d'un nationalisme du ressentiment. Il n'a d'avenir que s'il se fonde sur le respect de ses peuples fondateurs.

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