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Qu'y a-t-il donc à célébrer en ce 24 juin pluvieux à part la fin d'un hiver exécrable et un printemps minable? Sans doute plusieurs choses et beaucoup d'avancées. Mais j'avoue aujourd'hui avoir beaucoup de difficulté à les apercevoir et à m'en réjouir.
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On ne sait trop ce qu'il faut célébrer en ce 24 juin 2014. Pour certains, la Fête nationale n'est qu'une occasion additionnelle de se livrer à une beuverie, alors que pour d'autres, c'est le moment de l'année où l'on se déguise en bleu, un peu comme on se déguise à l'Halloween.

Pour plusieurs, ce n'est même pas la Fête nationale, c'est seulement la Saint-Jean-Baptiste, parce que parler de «Fête nationale », ça fait trop nationaliste. Il faut paraître neutre, même au point de disparaître comme nation. Pour certains, le 24 juin est l'occasion d'aller voir une parade avec des chars allégoriques de carton-pâte qui s'avancent cahin-caha sur la rue Sherbrooke. On va voir les majorettes, les fanfares du village et des gros bonshommes représentant des personnages publics ou historiques. Cela est aussi dérisoire que ces sculptures à bustes tronqués ou ces têtes déposées sur des stèles de granit, parce que ça coûte trop cher de se payer des sculptures grandeur nature et qu'on n'a pas assez d'argent pour ça.

On n'a pas assez d'argent non plus pour faire avancer plus vite les rénovations nombreuses qui s'éternisent au centre-ville de Montréal. On reste pris dans les échafaudages des projets échafaudés. On va au festival Juste pour rire, juste pour rire. On n'a pas d'argent pour la culture ou pour Radio-Canada, mais on a de l'argent pour laisser les riches placer leur fric dans les paradis fiscaux, pour perdre 40 milliards dans des actions à haut risque à la Caisse de dépôt, pour maintenir des crédits d'impôt aux entreprises, pour ne pas réintroduire la taxe sur le capital ou pour ne pas réintroduire les 16 paliers d'impôt qui existaient avant qu'ils ne soient réduits à quatre. On a assez d'argent pour garantir des frais dérisoires d'électricité aux grandes entreprises, mais on est en déficit structurel et il faut augmenter les tarifs d'électricité, les frais de CPE, la taxe santé ou les droits de scolarité.

On n'a pas d'argent pour assurer la gratuité universitaire ou, plus modestement, le gel dans une perspective de gratuité, mais on a de l'argent pour augmenter les salaires des médecins spécialistes de 400 millions de dollars et pour accorder des primes aux médecins généralistes qui auront à gérer les super infirmières. Le Québec est devenu un gros hôpital flanqué de pharmacies. On n'a pas d'argent pour assurer le financement intégré des étudiants avancés dans les universités ou pour rétablir le ratio étudiants/professeur et c'est la raison pour laquelle les recteurs crient famine et parlent d'un manque à gagner dans leur fond de fonctionnement par rapport à la moyenne des universités canadiennes. Mais on a de l'argent pour se doter de deux hôpitaux universitaires, multiplier les campus satellites et investir 1,8 milliard de dollars dans le projet grandiloquent d'un 2e campus de l'Université de Montréal à la gare de triage d'Outremont. Ça nous fera un autre éléphant blanc à Montréal. On se plaint de ne pas pouvoir assurer correctement les services de base à l'Université, mais on ne le fera pas dans des édifices flambant neuf.

On est expert dans la fuite en avant pour des projets de constructions immobilières nouvelles, mais on est prêt à privatiser les grands bâtiments patrimoniaux de l'Hôtel Dieu, de l'hôpital Royal Victoria, de l'ancien collège de philosophie, du 1420 boulevard Mont-Royal, de la Faculté de musique, de la salle Claude Champagne et de la Faculté d'aménagement.

On se fait à l'idée qu'il faut accepter l'abolition du registre des armes à feu, l'exclusion du Canada des accords de Kyoto, le charcutage de Radio-Canada, de Statistiques Canada et de la recherche scientifique en matière d'environnement. On finit par s'accommoder des attaques répétées du parti conservateur du Canada contre les organismes d'aide internationaux tels que Droits et Démocratie. On finit par accepter les projets d'Oléoduc d'Enbridge ou de TransCanada pipelines sur le territoire du Québec. On finit par accepter l'exploration à Anticosti avant même d'avoir mené les études qu'on avait pourtant promises.

On a la fatalité de nos hivers interminables inscrite dans nos gènes et c'est cela qui nous dispose favorablement à accepter n'importe quoi. On se fait à l'idée d'un gouvernement à la petite semaine, à l'image d'une société qui ne compte plus que sur le divertissement. On n'est certes plus des porteurs d'eau, mais on sera des porteurs de pétrole brut, ce qui n'est pas beaucoup moins abrutissant.

Notre univers se rétrécit et on ne s'engage plus dans de grands projets de société. On s'implique dans des causes sociales seulement quand nos propres intérêts sont en jeu. Nos trois valeurs fondamentales sont désormais Me, Myself and I, de préférence énoncées en anglais. Le meilleur exemple nous en est donné par ces policiers du SPVM qui tapent sans discernement sur les étudiants et les coincent dans des souricières, et ce, même quand ils n'ont rien fait, mais qui n'hésitent pas à se comporter eux-mêmes comme des voyous pour défendre leur propre cause. Au total, cela donne une société de resquilleurs, révélée de façon saisissante par les audiences de la commission Charbonneau. Mais n'ayez crainte, celle-ci achèvera ses travaux bien avant d'avoir mis en évidence le système complet de la collusion et de la corruption au niveau provincial.

On a un mode de scrutin digne de l'ancien régime qui ne se compare en rien à ceux de l'Écosse ou de la Catalogne. On n'a pas encore pu le modifier alors que l'on se propose de le faire depuis bientôt 40 ans. On accepte de vivre dans un pays qui ne nous ressemble pas et de fonctionner dans un ordre constitutionnel qui nous a été imposé. Il fut un temps où le PQ avait de grandes ambitions pour le Québec, mais des conseillers politiques de génie l'ont orienté sur un chemin qui ne mène nulle part, à la poursuite de l'ADQ, puis de la CAQ. Ils ont pris l'habitude de clignoter à gauche et de tourner à droite. Plus récemment, ils ont commencé par abandonner le projet de réforme du mode de scrutin. Lorsqu'ils ont pris le pouvoir en 2012, ils ont ensuite choisi d'étouffer le Printemps Érable qui était à leurs yeux un Printemps intolérable, et non un grand réveil politique dont il fallait profiter. Ils ont proposé un projet de Charte des valeurs fondé sur le repli identitaire et sur le national-populisme. Ils n'ont pas hésité à tenir un discours qui instrumentalisait la peur de l'autre. Cela a permis la multiplication de réactions hostiles désormais décomplexées à l'égard des minorités qui transpiraient la xénophobie, voire l'islamophobie et le racisme. Et pourtant, qu'il soit souverain ou non, le Québec sera inclusif ou ne sera pas.

Qu'y a-t-il donc à célébrer en ce 24 juin pluvieux à part la fin d'un hiver exécrable et un printemps minable? Sans doute plusieurs choses et beaucoup d'avancées. Mais j'avoue aujourd'hui avoir beaucoup de difficulté à les apercevoir et à m'en réjouir.

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