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Comment expliquer cette chute vertigineuse de la valeur de BlackBerry ? Par quel mauvais tour de magie une société synonyme autrefois de marque de référence pour les professionnels se trouve aujourd'hui dans cette situation, avec une part de marché aussi ridicule ?
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L'annonce fait la Une de nombreux journaux, même si beaucoup s'y attendaient. En effet, à la mi-août, la société BlackBerry (ex RIM Research in Motion) reconnaissait entamer les procédures pour un rachat et une profonde réorganisation. C'est donc désormais chose faite avec l'acceptation par BlackBerry de son rachat par le groupe Fairfax (déjà actionnaire à hauteur de 10%) pour un montant de 4.7 milliards de dollars. Ce chiffre, apparemment impressionnant, fait en réalité froid dans le dos quand on sait qu'il y a encore cinq ans, la société canadienne pesait 84 milliards de dollars !

Comment expliquer cette chute vertigineuse de la valeur de BlackBerry ? Par quel mauvais tour de magie une société synonyme autrefois de marque de référence pour les professionnels se trouve aujourd'hui dans cette situation, avec une part de marché aussi ridicule ? De nombreux facteurs peuvent expliquer la fin d'une ère particulière dans l'univers des téléphones intelligents, mais le principal problème est assurément venu d'un manque d'anticipation et d'une vision claire de ce que devait être BlackBerry.

Fondée en 1984 par Mike Lazaridis et Douglas Fregin, RIM va connaître une croissance continue grâce à des produits de qualité, bien construits, avec des logiciels performants pour le milieu de l'entreprise, tant et si bien qu'en 2005, RIM affiche la plus forte rentabilité du secteur. Ses produits deviennent même une marque de statut social, à tort ou à raison : celui qui possède un téléphone de la marque doit forcément être quelqu'un d'important ! On les distingue principalement par la présence d'un véritable clavier, souvent imité, rarement égalé, et surtout par ses capacités de messagerie, à l'époque supérieures à la concurrence.

Seulement, la société va se laisser déborder par deux nouveaux concurrents aux ambitions mondiales et à la stratégie marketing parfaitement rôdée : il s'agit d'Apple avec la sortie du premier iPhone en 2007 et du système d'exploitation Androïd de Google un an plus tard. Grâce ou à cause de bons chiffres de ventes sur 2007-2008, RIM se repose clairement sur ses lauriers, se contentant d'améliorer ses produits existants au lieu de les repenser à partir des besoins de ses utilisateurs qui utilisent de plus en plus leurs smartphones au travail et à la maison. Cela implique donc le renforcement des capacités numériques (photos, vidéos, applications ludiques, etc...), ce que fait avec beaucoup de retard et peu d'efficacité RIM.

Certes, RIM cherche à élargir avec succès son public via la sortie de terminaux moins chers, colorés, aux fonctions moins élaborées, mais suffisantes pour répondre à un public jeune qui aime communiquer via la messagerie BlackBerry. Mais en même temps, la société n'est plus en avance par rapport à ses concurrents ; elle cherche maladroitement à les rattraper, mais sans s'en donner réellement les moyens. L'exemple le plus criant est sans aucun doute la Playbook, qui devait être la réponse de RIM à l'iPad d'Apple. Le produit était magnifique, bien construit ; il avait reçu des retours particulièrement élogieux de la presse spécialisée. Mais des choix stratégiques incompréhensibles (fonctions de base liées à la messagerie non présentes, sauf à passer via un smartphone de la marque... question simplicité on repassera !) associés à un prix particulièrement élevé ont conduit au naufrage que l'on sait : un peu plus de 200 000 tablettes vendues, contre 500 000 espérées !

Au lieu d'adopter le modèle Apple, c'est-à-dire se concentrer sur peu de produits, mais les concevoir dans leur intégralité (hardware & software), RIM va persister à décliner ses modèles phares, laissant ses concurrents accroître de façon impressionnante leurs parts de marché. Sans réelle direction stratégique, RIM recourt à la solution de « facilité » pour limiter les pertes : le licenciement de milliers d'employés, laissant ainsi sur le marché du travail des spécialistes qui pourront partager leur expertise auprès de la concurrence !

Par ailleurs, la société, pourtant axée monde de l'entreprise, va faire preuve d'un manque de réactivité majeur fin 2011 avec une panne quasi mondiale de ses services, et ce pendant trois jours ! La panne peut toujours survenir, pour n'importe quelle société, mais le maître mot doit être réactivité ! Ces trois jours ont laissé des traces dans la confiance portée à RIM... confiance d'autant plus perdue qu'au début de l'année 2012, les fondateurs quittent le navire !

Au début de l'année 2013, RIM joue sa dernière carte avec la sortie en janvier du système d'exploitation BB10, chaleureusement accueilli par la presse spécialisée et le public, épaulé par deux terminaux prometteurs le Z10 (sans clavier) et le Q10. Seulement, les délais d'attente pour profiter du produit à l'échelle mondiale sont trop longs et laissent Apple et Google (avec Androïd) accélérer leur rythme de mise à jour. En outre, RIM qui prend le nom désormais de BlackBerry, commet une erreur impardonnable auprès de ses clients et de ses fans en revenant sur une promesse : l'annonce du portage de BB10 sur la Playbook. Si BlackBerry avait tenu sa promesse, il aurait accru rapidement sa base d'utilisateurs de BB10 et les aurait par la même occasion incités à tester, voire acheter, le smartphone avec le nouveau système d'exploitation.

Au lieu de cela, pour des considérations soi-disant techniques, BlackBerry a condamné l'existence de sa seule tablette et a clairement donné l'image d'une société qui doute de ses ressources et qui ne tient pas sa parole. C'est d'autant plus triste que j'écrivais à l'époque que la société avait une carte à jouer pour demeurer dans la cour des grands. La confirmation de son rachat et l'annonce de la suppression de plus de 4500 postes sur les 12 000 que compte l'entreprise montrent que BlackBerry, par excès de confiance et par manque de stratégie, a loupé le coche.

Il est regrettable en tout cas que désormais, le consommateur se retrouve face à un duopole avec le risque d'un cloisonnement des innovations et d'une baisse de prises de risque non négligeable.

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