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Mon garçon suit des cours d'éthique et culture religieuse à l'école. ET de catéchèse à l'église. (Et c'est très bien dans les deux cas)

Je trouve qu'on ne peut que se réjouir de la décision de la Cour suprême du Canada, qui conclut que le cours ne contrevient nullement à la Charte canadienne des droits et libertés, en dépit de ce qu'en pensent certains parents. À Montréal ou ailleurs, on ne peut plus faire comme si le contexte culturel et religieux en 2012 était le même qu'en 1962.
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Côté religion, je suis comme une bonne proportion de Québécois: une « catholique » sur papier qui, dans les faits, ne pratique pas vraiment. Je ne fréquente l'église que dans de rares occasions (Noël et/ou Pâques parfois, et aussi, hélas, quelques funérailles ...) Quand même, j'ai fait deux choses que bien des Québécois ne font plus: je me suis mariée à l'église; et j'ai fait baptiser mes enfants. Mais après, un peu comme tout le monde, « black out » du côté des activités religieuses. Y compris pour les enfants. Jusqu'à ce que...

Jusqu'à un séjour de quelques mois en France, dans un village à proximité d'un des chemins de St-Jacques-de-Compostelle, pour commencer. Village dominé par une colline avec trois croix -- comme sur les images du Calvaire -- dont un crucifix avec une statut très réaliste à l'effigie du Christ. D'où les premières questions de mon garçon (cinq ans à l'époque) : qui c'était, Jésus? Qu'est-ce qu'on lui a fait? Pourquoi ils lui ont fait ça? Toutes questions auxquelles je tentais de répondre le plus clairement, et le plus simplement possible. En lui fournissant le plus possible quelques notions de base, enrichies petit à petit par certaines visites d'églises, au cours du même séjour. Et j'avais d'ailleurs trouvé drôle de noter à quel point en France, pays où les églises se sont vidées depuis bien plus longtemps qu'ici, les symboles religieux sont omniprésents: églises, chapelles, croix, monuments..

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Fast-forward en première année du primaire, où le choix s'est posé: cours de catéchèse, ou de culture religieuse? J'ai donc posé la question à mon fils: « veux-tu suivre un cours pour entendre parler des différentes religions, ou pour entendre parler plus de Jésus?» Ce à quoi il a répondu «des histoires sur Jésus». Bon, pourquoi pas, me disais-je. Après tout, c'est une bonne chose de commencer par s'initier à ce qui constitue pour nous, que cela nous plaise ou non, un noyau de références, ne serait-ce que culturelles. À un tel point, d'ailleurs, que je n'étais pas si enthousiaste en apprenant, alors qu'il s'apprêtait à débuter sa troisième année, que désormais, ce serait « éthique et culture religieuse», obligatoire pour tout le monde. J'avais les mêmes incertitudes que beaucoup d'autres exprimaient alors: est-ce une bonne chose de mettre, pour de si jeunes enfants, les différents systèmes de religion et de valeurs « sur le même pied »? Est-vraiment une bonne idée, de transmettre en quelque sorte l'idée que « tout se vaut »? Ne risque-t-on pas de mêler royalement nos enfants, et de les priver de repères valables?

Puis, quand j'ai vu ce que mon garçon y apprenait, je n'ai eu que du bien à dire de ce cours: origines des religions, croyances de bases, principaux rites, y sont remarquablement exposés, pour la compréhension des enfants du primaire. Par exemple, on expliquait les bases de la religion juive, les principales fêtes, les rituels.... Je me suis d'ailleurs dit que bien des adultes, exposés au contenu de ce cours, en apprendraient beaucoup sur cette religion, qui compte beaucoup d'adhérents à Montréal, et dont bien des montréalais francophones, ne connaissent pas grand-chose (et là, on ne parle pas seulement des communautés très particulières que constituent les Juifs hassidiques). Idem pour les autres religions: qu'est-ce que l'Islam? Qu'est-ce qu'être musulman? Quelles sont les pratiques? Quelles religions ont cours en Asie? Le tout, placé dans le contexte, géographique et historique.

Alors, on a entendu et lu beaucoup de choses sur les « dérapages » auxquels ont donné lieu ce genre de cours et sur les « niaiseries » auxquelles y auraient été exposés les enfants à certains endroits. Mais je pense aussi qu'il y a beaucoup d'endroits où l'expérience est positive (témoignages bienvenus, d'ailleurs...) Et puis oui, bien sûr, tout le Québec ne ressemble pas à Montréal et, à la plupart des endroits, on ne côtoie pas tous les jours des gens d'autres origines culturelles, et d'autres religions. Mais quand même. Je trouve qu'on ne peut que se réjouir de la décision de la Cour suprême du Canada, qui conclut que le cours ne contrevient nullement à la Charte canadienne des droits et libertés, en dépit de ce qu'en pensent certains parents. À Montréal ou ailleurs, on ne peut plus faire comme si le contexte culturel et religieux en 2012 était le même qu'en 1962.

Et puis à la maison, au bout d'une couple d'années, une chose étonnante s'est produite. Mon garçon m'est arrivé en disant: « Maman, pourquoi on ne pratique pas notre religion? Il y en a plein d'autres dans ma classe qui ont leurs coutumes, leur célébrations, qui pratiquent leur religion. Pourquoi je n'ai pas fait ma communion? Je veux pratiquer ma religion. » Je vous jure que je n'invente rien.

Et donc, il suit maintenant, le dimanche, des cours de catéchèse, au sous-sol de l'église. (Enfin, c'était le cas à l'automne, et cela reprendra au printemps: on semble comprendre, heureusement, les réalités de la vie moderne, et on fait relâche pendant la saison de ski.) Les enfants terminent leur cours en joignant les fidèles pour la fin de la messe. Ce qui a d'ailleurs pour effet de me ramener à l'église, au moins pour la fin de la messe. Où je retrouve d'ailleurs quelques personnes du quartier que je connais, dont la directrice du service de garde, quelques voisins, une de mes tantes qui habite le quartier...

Je ne prétends pas que notre histoire soit forcément celle de tout le monde. Mais tout de même, voilà de quoi rétablir un peu l'équilibre face au discours de ceux qui craignent de voir ces cours dénaturer nos croyances, et nous éloigner de la religion. Chez nous, on le voit, c'est même le contraire qui s'est produit, et sans que j'aie vraiment « poussé » pour cela. Parce que, honnêtement, c'est plutôt plus de trouble pour nous: la catéchèse est une chose de plus à caser dans notre emploi du temps chargé.

Tout cela m'a d'ailleurs fait réaliser que, dans le temps où l'école prenait cela en charge automatiquement, c'était plus simple pour nos parents. Ils n'avaient pas à s'interroger sur la place et sur l'à-propos de la religion: c'était automatique. Ils n'avaient pas à nous inscrire à la catéchèse, à réserver du temps pour cela : c'était pris en charge par l'école. Et mes parents n'ont pas eu besoin d'avoir avec leurs enfants, le genre de discussions que j'ai eu avec mon fils, sur la religion, la morale, la spiritualité...

Quand on y pense, ceux qui contestent les cours d'éthique et de culture religieuse, et voudraient ramener la catéchèse pour tout le monde, ont-ils tant que cela le désir de promouvoir leurs valeurs et leur religion, dans un contexte de 2012? Ou sont-ils d'abord dérangés par le fait d'avoir à réfléchir sur leurs pratiques et leurs valeurs, à les remettre en question et les faire évoluer?

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