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TDAH adulte: êtes-vous atteint sans le savoir?

Les troubles TDAH ne sont pas une maladie. Il s'agirait d'une altération du cerveau, au même titre qu'une diminution de la vision en l'absence de toute maladie.
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Il y aurait plus de 290 000 adultes au Québec visés par un TDAH. Plusieurs consultent pour traiter de l'anxiété, un trouble de l'humeur ou pour des difficultés conjugales, sans savoir que le TDAH est la cause sous-jacente à leur condition actuelle. On en entend davantage parler chez les jeunes, mais on connaît très peu ce que sont véritablement les troubles déficitaires de l'attention. Les parents sont les premiers sensibilisés lorsque le système scolaire les enjoint à prendre action ou lorsque le comportement de leur enfant les invite à consulter. Par ailleurs, de nombreux enfants traversent les années et deviennent adultes, sans s'imaginer visés par des troubles déficitaires de l'attention.

Une altération du cerveau plutôt qu'une maladie

Selon Gabor Maté, médecin, psychothérapeute, diagnostiqué avec TDAH, tout comme l'ont été ses trois enfants, les troubles TDAH ne sont pas une maladie. Il s'agirait d'une altération du cerveau, au même titre qu'une diminution de la vision en l'absence de toute maladie. Il ne semble pas possible de situer avec exactitude l'origine de cette altération, malgré les découvertes étonnantes entourant les neurosciences. La plupart des auteurs sur le sujet réfèrent à un trouble génétique héréditaire. Pour le docteur Maté, on comprend mieux les gens lorsqu'on regarde l'ensemble de leur vie, pas seulement des morceaux d'ADN. Si un certain bagage génétique rencontre un certain environnement, des TDAH peuvent en résulter. L'environnement, ce sont tous les rapports émotionnels à la famille ou à la culture d'origine, surtout ceux associés aux deux premières années de développement de l'enfant ou plutôt, les années de développement de son cerveau.

Portrait synthèse de l'adulte avec TDAH

Le débit rapide de leurs paroles discontinues, le corps tendu, les pieds qui battent, les mains qui pianotent, les oublis, pertes d'objets ou trous de mémoire fréquents et frustrants, des projets inaboutis, un sens de l'humour nerveux, cette façon qu'ils ont de se déprécier. Certains n'ont jamais été capables de lire un livre du début à la fin, s'asseoir pour toute la durée d'un film, mettre de l'ordre dans leur appartement ou adopter une discipline quelconque dans leur vie. La personne aux prises avec des TDAH est facilement distraite, excepté pendant des activités qui l'intéressent et la motivent. Sa distractivité l'amène à changer d'activité très facilement, sans nécessairement en compléter une seule. L'esprit TDAH manque d'un modèle d'organisation mentale permettant de faire de l'ordre.

Esprit dispersé à esprit unifié

Même si dans bien des cas les médicaments aident, la guérison des TDAH n'est pas le genre de lutte visant à vaincre une quelconque maladie. C'est plutôt un cheminement de connaissance de soi, d'acceptation et d'amour de soi. Ce parcours graduel, fait d'une série d'apprentissages, de découvertes et de curiosité compatissante envers soi-même, vise le plein développement de son potentiel, et à la fois de son cerveau. Il s'agit d'apprendre pas à pas à réunifier un esprit dispersé.

Accroître la conscience de soi

En Amérique du Nord, les familles subissent les pressions d'un style de vie frénétique et la perte des références traditionnelles. Les changements rapides dans notre société amènent de plus en plus d'enfants à être porteurs de troubles déficitaires de l'attention. L'unité familiale rencontre des défis majeurs depuis quelques décennies. Ajoutons à cela une vie personnelle et professionnelle effrénée, une relation conjugale difficile, les nerfs tendus et quelques difficultés financières en prime, et vous aurez suffisamment d'anxiété à transmettre à vos enfants. Des couples stressés ont une capacité réduite à éprouver de l'empathie, être présents émotivement et à être capables d'apporter un sentiment de sécurité à leurs enfants. Lorsqu'on n'est pas présent à ses sensations ou à ses émotions, il est impossible d'être pleinement conscient des répercussions de notre anxiété sur notre entourage. Vous référer à mes billets sur l'intelligence émotionnelle et la pleine conscience pour plus d'informations.

Notre culture frénétique

Nous vivons dans une culture qui glorifie une courte capacité d'attention. Au travail, les rôles multitâches dispersent l'esprit en une série de courts moments d'attention investis dans une multitude de tâches. Les capsules d'information à la télé sont de plus en plus courtes et plus nombreuses, tandis que les images se chevauchent à une vitesse qui aurait probablement étourdi la majorité de nos ancêtres. Aux États-Unis dernièrement, on me parlait de la toute nouvelle configuration visuelle d'une chaîne télé pour enfants. À partir d'une émission principale, l'enfant peut regarder trois autres émissions secondaires grâce à un multiaffichage. Les enfants ont-ils vraiment exprimé ce besoin d'hyper sollicitation? J'en doute. Il y a quelque temps, je visitais le village Québécois d'antan à Drummondville. J'ai découvert qu'il y avait là un camp de jour où les jeunes vivent comme au temps des premiers colons. Ils apprenaient à jardiner, fabriquer des bougies, du savon, tricoter, tailler le cuir, etc. En posant plusieurs questions à ces jeunes, ils ont été unanimes à me répondre : « Ici, on n'a pas besoin d'être stressés et de courir pour faire des activités. On prend le temps de bien faire ce qu'on nous montre à faire....! » Aucun ne disait s'ennuyer ou manquer de stimuli. Et personne n'a fait allusion à son iPod, iPad, Xbox, etc.

L'attention et le lien d'attachement

Personne ne vient au monde avec cette habileté qu'on appelle l'attention. C'est le résultat d'un apprentissage développé à travers les relations tissées avec l'environnement. Si un individu n'est pas attentif, c'est qu'il n'a pas développé cette habileté. L'attachement, c'est le besoin primordial du jeune enfant d'établir un lien stable et sécurisant avec une figure parentale qui répond à ses besoins. Selon Bowlby (1969), dès la petite enfance, l'enfant développerait un modèle d'attachement particulier en fonction de l'attitude de la figure parentale à son égard. Si l'attitude est anxieuse, préoccupée, donc absente mentalement à l'enfant, le lien d'attachement est menacé. Et le système nerveux sympathique est mis en alerte. L'enfant dépense alors une somme incroyable d'attention pour faire face à la menace. Bowlby prétend que le lien d'attachement servirait de modèle à toutes les relations intimes et sociales futures de l'individu.

Attention positive inconditionnelle

Carl Rogers est un modèle de référence en relation d'aide. Il est ma première empreinte humaniste avec celle d'Abraham Maslow. Il a adopté ce qu'on appelle l'attention positive inconditionnelle (approche centrée sur la personne) pour décrire la relation entre le thérapeute et son client. Il s'agit d'une présence à travers laquelle le thérapeute met au premier plan une écoute empathique authentique, c'est-à-dire sincère. Dans cette relation, l'amour n'est pas gagné ni perdu. Il n'attend rien. Il est seulement là, entièrement, continuellement, en dépit de tout contexte et situation. C'est un amour sans condition, le seul qui puisse assurer une sécurité absolue et la croissance émotionnelle chez l'autre. Quand le lien d'attachement est assuré, il est possible d'expliquer quel comportement est inacceptable, sans que l'individu se sente rejeté. En lisant l'ouvrage de Carl Rogers intitulé Le développement de la personne, on peut simplement remplacer le mot patient par enfant et le mot thérapeute par celui de parent. Vous aurez alors une très bonne référence sur la façon d'intervenir comme parent afin de nourrir le lien d'attachement et favoriser la croissance émotionnelle de l'enfant.

Devenir parent : toute une responsabilité

Les parents des enfants avec TDAH, comme tout parent selon moi, ont avantage à se connaître eux-mêmes afin de mieux développer leurs habiletés parentales. Qui peut affirmer avoir résolu ses conflits psychologiques? Même avec la meilleure des volontés, personne ne peut fuir longtemps ses enjeux inconscients. Les tares psychologiques se transmettent d'une génération à une autre à cause de réactions dont, comme parents, nous sommes inconscients. Nos blessures nous suivent jusque dans notre rôle de parent. Ainsi, plus on apprend à se connaître, à développer une bonne estime de soi et de bonnes compétences émotionnelles, plus riche sera notre expérience de parent.

Estime de soi

La plupart des adultes avec TDAH ont une faible estime de soi. C'est en partie à cause de ce peu d'estime de soi qu'ils ne vont pas au bout de leur potentiel, ne vont pas chercher en eux une réserve de créativité et d'expression de soi, ou ne s'aventurent pas dans des projets où le succès n'est pas garanti. Le problème réside dans leur façon de se percevoir. Il existe des personnes aux prises avec des problèmes sévères ou débilitants et qui ne se déprécient pas comme le font de nombreux adultes atteints de TDAH. Pour se développer sainement, l'estime de soi a besoin de ce que Carl Rogers nomme le regard positif inconditionnel. Il s'agit d'un regard bienveillant porté sur soi, dans lequel on accepte ses sentiments et s'accorde le droit de faire confiance à ses pensées, à ses sentiments secrets. Et où l'on se donne le droit légitime d'être vivant, sans honte.

L'hypersensibilité transmise

L'individu affecté par un TDAH est émotionnellement hypersensible. C'est d'ailleurs cette sensibilité qui serait transmise par l'hérédité, non le trouble ou ses effets, selon docteur Maté. Le système nerveux de l'enfant avec TDAH enregistre et retient des changements mineurs dans l'environnement. Il subit l'anxiété de ses parents et des jugements méprisants à l'école. L'adulte TDAH ne connait pas de repos psychologique parce que le nourrisson, puis l'enfant, n'ont jamais connu de repos psychologique. Il craint par-dessus tout le rejet et ressent un besoin insatiable d'être désiré et valorisé par les autres.

TDAH et empathie

Les personnes avec TDAH ont une conscience aiguisée et douloureuse de l'injustice. On les qualifie souvent de personnes empathiques. Or, lorsqu'une personne est empathique, elle comprend les sentiments de l'autre et les partage, en étant consciente d'être un individu séparé. Pour l'individu avec TDAH, il n'y a pas de frontière entre lui et la personne vivant une injustice. Il réagit comme s'il était lui-même victime. Il ressent l'humiliation de la victime, sa rage impuissante, sa honte. Il se retrouve dans un état de souvenirs. Il n'est pas nécessaire d'avoir un gros traumatisme pour que les circuits neurologiques soient encodés avec des émotions d'exclusion, d'injustice et d'humiliation. Cela peut arriver dans des familles aimantes, lorsqu'un enfant sensible vit des expériences inconscientes ou préverbales où il se sent solitaire et coupé des autres, incompris et honteux.

L'effort de vouloir changer

L'organisation de l'espace physique tant à la maison qu'au travail peut grandement contribuer à harmoniser l'esprit d'un adulte avec TDAH, tandis que le multitâches aura un effet anxiogène. L'effort à s'organiser aura des effets positifs sur le développement du cerveau. Un bon sommeil, une bonne nutrition, de l'exercice physique, le contact avec la nature, le yoga, le Qi Gong, le fait d'avoir un seul projet à la fois et de nourrir son esprit avec de bonnes mises en forme mentales lui seront favorables. Une activité créatrice, le jardinage, la méditation ou l'effort bien réel de vouloir changer, tout ça aide à développer de nouvelles ramifications nerveuses, lesquelles seraient faibles et sous-développées chez la personne avec TDAH.

Carrière et vie intime

Les études révèlent que les personnes visées par un TDAH ont une vie de couple et une carrière où se vit beaucoup d'instabilité. Lorsque je rencontre un client avec TDAH, je m'intéresse à lui comme je souhaite lui apprendre à s'intéresser à lui-même. Je l'aide à mieux se connaître, à identifier ses limites, à développer ses frontières personnelles. Cela lui permet de nommer ses motivations, ses forces, et d'entrer en contact avec son sentiment d'efficacité personnelle. Il peut ensuite mieux exprimer ses besoins et en tenir compte dans le cadre d'un choix professionnel. Dans un cheminement de carrière, en amour ou comme parent, la connaissance de soi est fondamentale. Mieux se connaître permet de se reconnaître et de mieux s'apprécier. En s'appréciant mieux, on prend des décisions plus éclairées. Ce qui permet de se sentir plus unifié, plus en accord avec soi-même. Apprendre à se connaître, c'est probablement un des rares investissements à risque zéro et bénéfices assurés.

Quelques liens

Références

- Maté, Gabor, (2001) L'esprit dispersé : comprendre et traiter les troubles de la concentration, Éditions de l'Homme.

- Vincent, A. (2010) Mon cerveau a besoin de lunettes : Le TDAH chez l'adulte, Montréal, les éditions Quebecor.

- Bowlby, J. (1969) Les effets sur le comportement d'une rupture des liens affectifs, Hygiène mentale du Canada, no. 59, 1-13.

- Rogers, Carl, (2005) Le développement de la personne, 2ème édition, Intereditions, Dunod.

Winnicott, D.W. (1986) Home Is Where We Start From, New York, W.W. Norton.

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Avril 2018

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