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L’Asperger qui dérange, c'est mon frère

À tous ceux qui qualifient mon frère d’étrange, il est plus franc, il a moins de malice et il est plus pur que n’importe quelle autre personne « normale ».
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J’en veux à cette société-reine-de-l’étiquette d’imposer des standards comportementaux, mais, pour être sincère, j’en veux davantage à tous ceux qui les suivent.
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J’en veux à cette société-reine-de-l’étiquette d’imposer des standards comportementaux, mais, pour être sincère, j’en veux davantage à tous ceux qui les suivent.

Mon frère, qui a aujourd'hui 19 ans, souffre du syndrome d'Asperger. À cause de ce trouble du spectre de l'autisme, il a énormément de difficulté avec les relations sociales, les deuxièmes degrés, les émotions, le sens des responsabilités, le sens des priorités, et un tas d'autres choses. Pour lui, comme pour plusieurs autres personnes dans une situation similaire, l'intégration à un groupe peut représenter un véritable défi. Ce qui veut aussi dire que beaucoup de gens ont de la difficulté à l'« endurer ». Eh oui, parce qu'il faut maintenant endurer un Asperger parce qu'il est différent.

Vous me direz que c'est normal de ne pas apprécier quelqu'un dans la vie, et je vous répondrai que vous avez raison. Par contre, là où le bât blesse, c'est que ce n'est pas quelques-uns qui ne l'aiment pas, c'est la majorité.

Ce n'est pas quelques-uns qui ne veulent pas être amis avec lui, c'est la majorité.

Et ce n'est pas quelques-uns qui lui font subir de l'intimidation, c'est la majorité.

Ne jamais avoir eu de fêtes d'amis, ne jamais avoir eu de complices avec qui tout partager, ne pas avoir envie de sortir par peur des gens et de ce qu'ils peuvent dire: voici ce que mon frère Asperger subit, simplement parce que « c'est normal ne pas aimer quelqu'un ». Et quand je parle d'intimidation, c'est tous les petits commentaires passés subtilement, ou à voix haute : quand vous lui dites qu'il n'a pas rapport; qu'il est cave; qu'il n'est pas drôle; qu'il ne sait rien faire; qu'il est bizarre; qu'il ne sait pas vivre, quand vous êtes gênés d'aller au restaurant avec lui, quand vous vous excusez pour son comportement, tout cela le blesse même s'il ne le montre pas, même s'il ne vit pas les émotions comme nous.

Un animal peut être étrange, un objet peut être étrange, un extraterrestre peut être étrange, mais pour un humain, c'est un emploi complètement déplacé et réducteur.

Le terme que j'ai le plus souvent entendu à propos de mon frère c'est qu'il est « étrange », comme s'il s'agissait d'une chose, comme s'il fallait le fuir. Un animal peut être étrange, un objet peut être étrange, un extraterrestre peut être étrange, mais pour un humain, c'est un emploi complètement déplacé et réducteur.

Vous me direz que je ne suis pas mieux, parce que je dis qu'il est différent! Eh bien oui, je dis qu'il est différent parce que la société nous impose des étiquettes – normal ou différent — et lui ne tombe pas dans la supposée catégorie sociale « normale ». J'en veux à cette société-reine-de-l'étiquette d'imposer des standards comportementaux, mais, pour être sincère, j'en veux davantage à tous ceux qui les suivent.

On ne fera jamais sentir à un dépressif qu'il est gênant de sortir en public avec lui, alors pourquoi le faire à un Asperger?

À mon sens, cette lâcheté est signe d'un manque de maturité, d'un manque de connaissance, mais surtout, d'un manque de compréhension et d'ouverture d'esprit que de le rabaisser. Le nombre de fois qu'il a essayé de s'inclure « dans notre monde », « dans le monde des gens normaux », ne pouvons-nous pas juste l'accepter comme il est ? On ne dira jamais à une personne en chaise roulante qu'il prend trop de place, alors pourquoi un Asperger est dérangeant et prend trop de place? On ne fera jamais sentir à un dépressif qu'il est gênant de sortir en public avec lui, alors pourquoi le faire à un Asperger? On ne dira jamais à une personne « normale » qu'elle est étrange, alors pourquoi le dire à un Asperger?

À tous ceux qui qualifient mon frère d'étrange, il est plus franc, il a moins de malice et il est plus pur que n'importe quelle autre personne « normale ».

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Avril 2018

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