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La Tempête Parfaite

Alors qu'il y a une semaine ou deux on pensait que tout reposerait sur la performance des deux candidats dans les débats télévisés, ces prestations sont déjà lointaines dans l'esprit des électeurs américains. La question sur toutes les lèvres est: Cet ouragan aidera-t-il ou non Barack Obama? À qui profite-t-il?
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President Barack Obama, accompanied by members of his Cabinet, speaks at the Federal Emergency Management Agency (FEMA) Headquarters in Washington, Wednesday, Oct. 31, 2012, to discuss the recent superstorm Sandy. From left are, the president, Homeland Security Secretary Janet Napolitano, Defense Secretary Leon Panetta, and Housing and Urban Development (HUD) Secretary Shaun Donovan. (AP Photo/Carolyn Kaster)
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President Barack Obama, accompanied by members of his Cabinet, speaks at the Federal Emergency Management Agency (FEMA) Headquarters in Washington, Wednesday, Oct. 31, 2012, to discuss the recent superstorm Sandy. From left are, the president, Homeland Security Secretary Janet Napolitano, Defense Secretary Leon Panetta, and Housing and Urban Development (HUD) Secretary Shaun Donovan. (AP Photo/Carolyn Kaster)

The Perfect Storm. La tempête parfaite. Cette fois, la réalité a dépassé la fiction.

L'expression a été inventée par le romancier américain Sebastian Jünger, dans son bestseller de 1997, The Perfect Storm: A True Story of Men Against the Sea. Ce livre relate l'histoire (vraie) d'un ouragan, d'une dépression et d'une tempête qui se sont abattus ensemble sur l'Océan Atlantique au large du Massachusetts en octobre 1991, donnant lieu à un cataclysme et engouffrant notamment un bateau de pêcheurs qui s'était aventuré trop loin en haute mer. On se souvient de George Clooney dans le rôle du beau capitaine au destin tragique, dans le film du même nom.

L'étymologie de cette expression a beau être météorologique, son usage est devenu totalement politique. Cette métaphore paradoxale (comment une tempête si destructrice peut-elle être qualifiée de "parfaite"?) désigne, dans le langage courant américain, une aberration, où toutes sortes d'éléments disparates et improbables s'associent pour produire un bouleversement jamais vu auparavant.

Sandy a tout surpassé, se transformant en une double tempête : l'ouragan lui-même, avec toute la dévastation qu'il a entrainée de Haïti jusqu'au Canada ; et les conséquences politiques alors qu'il frappait la cote Est des Etats-Unis de plein fouet à une semaine du scrutin présidentiel.

Cette tempête a profondément changé la donne. Alors qu'il y a une semaine ou deux on pensait que tout reposerait sur la performance des deux candidats dans les débats télévisés, ces prestations sont déjà lointaines dans l'esprit des électeurs américains.

La question sur toutes les lèvres est : Cet ouragan aidera-t-il ou non Barack Obama ? A qui profite-t-il ?

Mettant de côté l'indécence d'un tel propos, quand on songe aux 50 morts - peut-être plus -- sur le territoire américain, aux millions de sinistrés, aux hôpitaux évacués et aux dégâts colossaux, essayons tout de même de nous pencher sur les conséquences politiques de ce cataclysme. Car on ne peut ignorer que le vote approche à grands pas.

Pour Obama, c'est à double tranchant. D'un côté, il est très responsable et présidentiel, prenant fermement en main la situation. On assiste bien évidemment à un grand moment d'union nationale, qui n'est pas sans évoquer ce qui s'est produit dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001. Mais, contrairement à George W Bush, qui n'est pas rentré à Washington depuis la Floride, où il se trouvait le matin du 11 septembre, Barack Obama a immédiatement annulé tous ses événements de campagne dans ce même Etat, pour retourner à la Maison Blanche afin de gérer la situation. Certes, les conditions sont différentes. Mais la symbolique est forte. On le retrouve donc dans le rôle du Commander in Chief, s'adressant au peuple américain depuis le pupitre de la Maison Blanche pour leur rappeler que la priorité est de sauver des vies et que l'élection "s'occupera d'elle-même". Il est évidemment totalement sincère, comme le serait n'importe quel dirigeant, démocrate ou républicain, dans une telle situation.

Mais, en même temps, il doit interrompre sa campagne dans des Etats clé, comme la Floride et l'Ohio, ce qui pourrait lui coûter gravement dans les urnes. Et le vote anticipé, en place dans une majorité des Etats et qui favorise largement le président sortant, est forcément perturbé par la météo. De plus, on ne sait pas si tout sera rétabli à temps pour le 6 novembre. Dans les circonscriptions où l'électricité ne marche pas, les machines de vote ne pourront pas toutes fonctionner. Il sera également difficile pour les électeurs de se rendre aux urnes, notamment les plus démunis - transports ; incapacité à s'absenter de leur travail alors que cette semaine a déjà été si perturbée etc. Certains appellent à reporter le scrutin. Un tel report parait fort improbable, car il supposerait un Acte du Congrès. Toutefois, chaque Etat peut opérer des ajustements individuels, notamment aux horaires et à l'accessibilité des bureaux de vote.

Un président court aussi le risque de bâcler la réponse, comme George W. Bush après l'ouragan Katrina en 2005. Nous nous souvenons tous des scènes terribles à la Nouvelle Orléans il y a sept ans. L'organisation des secours en Louisiane et ailleurs a été une débâcle. Le directeur de l'agence fédérale qui coordonne les secours (FEMA - Federal Emerengy Management Agency) a été gravement critiqué pour son inefficacité et Bush ne s'est jamais remis de cette catastrophe aux yeux de l'opinion publique. Loin de tout cynisme, il faut donc comprendre qu'une telle calamité naturelle ne constitue donc pas forcément une aubaine pour un président.

Et Mitt Romney, dans tout cela ? Il est quand même bien embêté. Il serait de mauvais goût de faire campagne contre le Président Obama dans de telles circonstances. Il a donc tant bien que mal transformé ses meetings de campagne en réunions de soutien, encourageant par exemple ses donateurs à contribuer à la Croix Rouge. Mais non seulement perd-il en visibilité, alors que le Président est omniprésent dans les médias ; il perd aussi ses alliés. C'est notamment le cas de Chris Christie, le gouverneur républicain de l'Etat du New Jersey, très durement touché par Sandy. Christie, un des soutiens majeurs de Romney, ne tarit à présent pas d'éloges au sujet d'Obama et de sa gestion des secours. Ce gouverneur, qui ne mâche jamais ses mots, a déclaré sans ménagement que, vu la situation, il se moque des considérations politiques. Ce qui est précisément le genre de langage que l'on espère d'un vrai dirigeant. Toujours est-il que les images d'Obama et Christie côte à côte ne feront pas beaucoup de bien à un Romney hors du coup.

L'entourage de Romney anticipe un autre problème, et doit prier que le camp démocrate n'ait pas le temps de l'exploiter avant le jour de l'élection : lors d'un des débats de la primaire républicaine en juin 2011, Romney a été interrogé au sujet de la FEMA. Sa réponse a de quoi le faire rougir aujourd'hui, car il a proposé de rendre ces responsabilités aux Etats individuels ou, mieux encore, de les privatiser. Ce qui reviendrait à réduire, voire carrément à abolir cette agence, qui coordonne aujourd'hui avec courage et détermination les secours. Interrogé de nouveau sur cette question, le candidat républicain est actuellement bien embarrassé et fait de son mieux pour faire diversion et, vous me pardonnerez l'expression, pour noyer le poisson.

Il est encore impossible de prédire l'impact de cette tempête sur les urnes. D'autant plus que les instituts de sondage ont bien du mal à opérer dans une telle tourmente logistique. Tout ce que l'on peut dire pour l'instant est que la "surprise d'octobre" est bel et bien arrivée -- plus tard que de coutume, mais avec beaucoup de souffle.

» Découvrez les images de l'après Sandy vu du ciel dans ce portfolio:

La côte du New Jersey

Les destructions après Sandy, vues du ciel

Métro de la 86e rue

Sandy à New York et sur la côte Est

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