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Revaloriser le rôle des enseignants, pour la suite du monde

ENSEIGNER AU 21e SIÈCLE - J'ai remis mes notes hier et pour la première fois en dix ans, j'ai trop d'élèves qui échouent.
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En cette fin d'année et après dix ans d'enseignement au secondaire, je m'adresse à vous, concitoyens, parents, éducateurs, anciens élèves et amis.

J'ai remis mes notes hier et pour la première fois en dix ans, j'ai trop d'élèves qui échouent. Mes collègues enseignants le savent, un élève peut difficilement échouer s'il fait le minimum, le minimum étant d'avoir son matériel, d'écouter en classe et de remettre ses travaux à temps. Si tant d'élèves ont échoué, c'est qu'ils n'arrivent pas à faire ce minimum. Imaginez. Et de qui est-ce la faute?

Je m'adresse à vous aujourd'hui parce que j'ai pensé que vous ne seriez pas heureux d'apprendre ce que j'ai «enseigné» cette année. J'utilise les guillemets parce qu'il y a eu trop peu d'enseignement, vous l'aurez compris. Très peu de grammaire, très, très peu de littérature et encore moins d'analyse de l'actualité.

Cette année, je l'ai passée à montrer aux élèves à se comporter en classe: éteins ton cellulaire, enlève ton capuchon et tes écouteurs, écoute ton camarade quand il pose une question, lève ta main, assieds-toi droit, apporte tes crayons et tes cahiers en classe, ne parle pas pendant que j'enseigne, fais tes devoirs et, surtout, arrête de déranger ceux qui travaillent. La cloche est sonnée, le cours commence. J'ai malheureusement dû jouer le rôle du caporal au lieu de jouer le rôle d'enseignante de français.

Vous devez savoir également que j'ai enseigné dans une école publique d'un quartier aisé de Montréal.

Douze élèves en difficulté de comportement dans une classe régulière, c'est trop. Avec la recette d'intégration massive des élèves en difficulté dans les classes régulières, vous devez savoir que tout le monde est perdant.

D'abord, même si j'ai consacré l'entièreté de mon énergie et de mes ressources aux 12 élèves en difficulté de comportement dans ma classe, ils ont quand même échoué. Alors non seulement le fait d'être intégré en classe régulière ne les a pas aidé, cela les a handicapé davantage.

Ensuite, les élèves réguliers n'ont pas eu de cours. Jamais il n'a été possible que je puisse les élever, leur donner de la nourriture et leur permettre de lire des classiques littéraires. Pour être honnête, ce fut de loin l'élément le plus frustrant de mon année...

Finalement, le professeur est perdant: il n'a plus d'énergie, il se désole de ne pas pouvoir faire son métier, qu'il adore. Il se brûle et démissionne. Ceux qui ont eu l'impression que les élèves en difficulté seraient moins marginalisés en étant intégrés en classe régulière n'ont probablement jamais mis les pieds dans une classe.

«L'éducation est la base de tout, et les enseignants en sont les piliers.»

La solution, pour l'avoir expérimentée, est de créer de petits groupes pour les élèves en difficulté. On peut donner le soutien nécessaire à ces élèves. Et qui a dit que nous devions appeler ces classes des «classes spéciales», des «classes ressources» ou encore des «classes de transition». On peut aussi, et on devrait, les appeler «classes sportives» ou «classes musicales». Parce que si on souhaite vraiment la réussite du plus grand nombre et faire éclore les talents, il faut donner des opportunités positives de développement aux élèves à risque.

Nous le savons tous, les élèves qui ont de la difficulté à se concentrer à l'école ont souvent de beaux talents en sport et en art. Bref, en créant notamment de petits groupes d'élites sportives avec les élèves en difficulté, nous pourrions dignement et intelligemment favoriser leur réussite.

L'éducation est la base de tout, et les enseignants en sont les piliers. Nous côtoyons vos enfants chaque jour et avons des solutions à offrir. Croyez-moi, aucun enseignant ne souhaite voir la moitié de ses élèves échouer et l'autre moitié réussir en n'ayant rien appris de tangible.

Revaloriser le rôle des enseignants doit ainsi être une priorité. Quand je regarde les offres du présent gouvernement, je suis outrée et surtout humiliée. Quand je l'entends me dire que je me «plains» d'avoir trop d'élèves en difficulté dans ma classe, je me demande dans quelle équipe il joue. De qui souhaite-il la réussite, au juste?

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