Des grands défis naissent de grands projets. Le square Viger, mal-aimé, sous-utilisé et défaillant, appelle aux meilleures solutions et à la redéfinition de notre approche à l'espace public. Malheureusement, la précipitation à livrer des « legs » pour le 375e anniversaire de Montréal aveugle la prise de décision et évacue tout processus rigoureux de planification. L'annonce de la démolition de l'agora du square Viger et la divulgation des images de l'aménagement projeté sont tout aussi prématurées qu'inacceptables.
Dans une métropole désignée Ville UNESCO de design, il va de soi que les instances municipales doivent promouvoir une créativité éclairée. Elles doivent enjoindre les parties prenantes à innover et rivaliser d'audace, tout en ayant une approche ouverte aux enjeux sociaux, historiques, patrimoniaux et artistiques qui définissent le lieu, auxquels un projet de réaménagement ne saurait se soustraire.
Avant même de produire des esquisses, il faut statuer sur l'œuvre d'art et ses composantes, sur leur fonctionnalité, leur sécurité et leur pérennité. Prendre position à cet égard est crucial. Cela relève d'une mobilisation des parties prenantes en matière d'art et de culture et les ayant droit, non pas de la conception paysagère.
La proposition d'aménagement dévoilée la semaine dernière n'est clairement pas appuyée sur une réflexion aboutie sur les enjeux à considérer. La décision de traiter uniquement les îlots Chénier et Daudelin en laissant de côté les îlots Théberge et Gnass est tout autant irrecevable qu'inexplicable. La proposition de relocaliser Mastodo fait fi du fait qu'elle s'insère dans un ensemble. Cette proposition est franchement réductrice et démontre une incompréhension de l'œuvre spatiale de Daudelin. Où est la vision de l'ensemble paysager et urbain du square Viger ? Comment dialoguera-t-il avec la Cité administrative, la rue Saint-Antoine, les abords de la station de métro Champ-de-Mars, des lieux qui sont également sur les planches à dessin ?
Le projet est clairement motivé par un empressement politique indu, qui n'a pas sa place dans un tel contexte. La solution inappropriée, parachutée, désincarnée est le fruit d'une course effrénée et aveugle à la livraison de projets pour 2017, alors que tout projet d'aménagement, pour être excellent, nécessite le temps et l'espace de réflexion requis pour arriver à maturité. Qu'ils soient internes ou externes aux services municipaux, les architectes paysagistes et autres professionnels doivent pouvoir travailler de manière créative et rigoureuse, avec les partenaires de la Ville, en ayant la confiance de leurs élus.
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Le réaménagement du square Viger requiert la mise en place d'un processus de design exemplaire. Il faut revoir la méthodologie du projet, inclure les citoyens, analyser finement toutes les composantes du lieu et de son contexte et aller à la rencontre des meilleurs projets à l'étranger. Par exemple, pourquoi ne pas s'inspirer des mécanismes de préservation mis en œuvre aux États-Unis pour réhabiliter des projets modernistes d'architectes paysagistes aussi célèbres que Garrett Eckbo, Lawrence Halprin et Simonds & Simonds ?
Il n'y a pas d'urgence à réaménager le square Viger. Affinons notre compréhension du secteur, dotons-nous des expertises nécessaires, harmonisons le travail des divers services de la Ville, bref, donnons-nous le temps et la liberté de bien faire les choses. Créons un mécanisme de conception et de concertation visant l'excellence afin que le square Viger devienne un précédent, synonyme d'innovation, de créativité et de fierté.
Ce texte est cosigné par: Jonathan Cha, Ph.D aménagement de l'espace et urbanisme, urbanologue, architecte paysagiste ; Malaka Ackaoui, fcsla, fouq, architecte paysagiste, urbaniste, présidente WAA Montréal Inc ; Vincent Asselin, c.q., fcsla, président, WAA International, Ltd., Shanghai ; Association des architectes paysagistes du Québec (AAPQ); Gérard Beaudet, urbaniste émérite et professeur titulaire, École d'urbanisme et d'architecture de paysage, Université de Montréal ; Thierry Beaudoin, concepteur, intégrateur ; Nathalie Boucher, anthropologue dans la ville / Organisme R.Es.P.I.R.E. ; Pierre Boyer-Mercier, architecte, professeur agrégé École d'architecture de l'Université de Montréal et rédacteur en chef de la revue ARQ Architecture Québec; Mathieu Casavant, associé, NIPpaysage ; Daniel Chartier, architecte paysagiste praticien en protection et mise en valeur de patrimoines culturels et naturels ; Anne Cormier, architecte, Atelier Big City, et professeure agrégée, École d'architecture, Université de Montréal ; Claude Cormier, principal, Claude Cormier + Associés Inc. (Sophie Beaudoin, Damien Dupuis, Marc Hallé, Georges-Étienne Parent, Guillaume Paradis, Valéry Simard, Yannick Roberge) ; Marc H. Choko, professeur émérite, École de design, UQAM ; Irène Cinq-Mars, professeure honoraire, Faculté de l'aménagement, Université de Montréal ; Randy Cohen, architecte, Atelier Big City; Jean Décarie, urbaniste retraité de la Ville de Montréal, expert en espaces libres ; Yves Deschamps, historien de l'architecture, professeur honoraire, Université de Montréal ; Robert Desjardins, architecte paysagiste, concepteur de places publiques ; Danielle Doucet, historienne de l'art public, Ph.D. et professeure associée, UQAM ; Raphaël Fischler, directeur de l'École d'urbanisme, Université McGill, Membre Émérite de l'Ordre des urbanistes du Québec ; Wendy Graham, fcsla, AAPQ ; Peter Jacobs, professeur titulaire, École d'urbanisme et d'architecture de paysage, Université de Montréal ;Josée Labelle, associé, NIPpaysage ; Richard Lafontaine, Lafontaine Langford, architectes ; Michel Langevin, associé, NIPpaysage ; Réjean Legault, professeur, École de design, UQAM ; Luc Lévesque, architecte, atelier d'exploration urbaine SYN-, et professeur agrégé, histoire de l'art, Université Laval ; Jean-Claude Marsan, o.c., architecte et urbaniste, professeur émérite, Université de Montréal ; Paula Meijerink, WANTED paysage ; Alena Prochazka, Ph.D., M.arch, responsable scientifique projet Ignis Mutat Res: Les toits, l'énergie et les écosystèmes ; Michel Rousseau, architecte paysagiste, associé principal, Groupe Rousseau Lefebvre ; Danièle Routaboule, architecte paysagiste ENSP, urbaniste DIUP, professeure honoraire, Faculté de l'aménagement, Université de Montréal ; Marie-Dina Salvione, historienne de l'architecture moderne Ph.D., chargée de cours, École de design, UQAM ; Peter Soland, designer urbain, civiliti ; Julie St-Arnault, architecte paysagiste, VLAN paysages ; France Vanlaethem, professeure émérite, École de design, UQAM
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