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Il faut craindre la peur de l'Autre

En cultivant la peur des musulmans, nous risquons de perdre ce qui constitue l'essence même du Canada : la liberté et l'inclusion.
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«La peur de quelque chose est la graine qui mène à la haine des autres, et la haine portée en soi finit par détruire celui qui la nourrit.» Ainsi le botaniste et agronome afro-américain George Washington Carver résumait-il les dangers qui guettent ceux qui s'abandonnent à la peur de l'Autre. Et c'est précisément ce qui est en jeu en ce moment.

En cultivant la peur des musulmans, nous risquons de perdre ce qui constitue l'essence même du Canada: la liberté et l'inclusion.

Quand je vois qu'une juge refuse d'entendre la cause d'une femme portant un hijab. Quand un ami musulman, tout ce qu'il y a de plus intégré à la société canadienne, me consulte car à son retour d'un voyage d'une semaine dans le Sud avec sa mère on l'a arrêté le temps d'appeler Transports Canada pour vérifier s'il était autorisé à embarquer sur son vol de retour. Quand je constate, jour après jour, qu'un climat délétère s'installe insidieusement et nous éloigne de la société inclusive et ouverte qui nous définit en tant que Canadien et Québécois, j'appréhende l'avenir de mon pays. Et j'ai d'autant plus peur que je subis un premier ministre à la tête d'un parti qui mousse l'islamophobie à des fins électoralistes; qui attise les tensions plutôt que de les apaiser.

La liberté des uns, garante de la liberté de tous

Dans un important discours prononcé lundi soir à Toronto devant l'Institut d'études canadiennes de McGill, Justin Trudeau a adopté une position courageuse en se distançant nettement du discours de la peur de Stephen Harper et en faisant l'exercice douloureux, mais nécessaire, de se rappeler les pages les plus sombres de notre histoire afin d'éviter de les répéter. Mentionnant entre autres exemples la taxe d'entrée imposée aux Chinois et l'internement de Canadiens d'origine japonaise ou italienne pendant la Seconde Guerre mondiale, Justin Trudeau évoquait avec justesse que :

« Revenir sur chacun de ces épisodes est un sujet de regret et de honte. Et il ne devrait pas en être autrement. Cependant, nous devons aussi en tirer les leçons. MacKenzie King a ordonné ces internements parce qu'ils étaient populaires. En fait, il a pris sa décision malgré les preuves de la GRC et de la Défense selon lesquelles ils étaient infondés. Il l'a décidé parce que les gens avaient peur. »

C'est de cette peur dont il faut se méfier. Une peur qui peut vite devenir liberticide et miner la liberté des uns, garante de la liberté de tous. À ce titre, l'attitude du parti de Stephen Harper est abjecte et il faut saluer le courage de Justin Trudeau de nous mettre en garde :

« La peur est un sentiment dangereux. Une fois sanctionnée par l'État, il est impossible de dire où elle peut conduire. Il n'y a qu'un pas entre se méfier de nos concitoyens et prendre des mesures pour restreindre leur liberté. »

Je ne sais pas si cette position est « gagnante » politiquement, mais je sais, je sens, qu'elle est juste, et surtout humaine.

Fort de nos différences

En toute transparence, je suis candidat à l'investiture du Parti libéral du Canada dans Louis-Hébert et je ne peux prétendre être impartial. Ceci dit, ni une ligne de parti, ni les oeillères qu'impose parfois l'appartenance à une formation politique ne sauraient me contraindre à prêcher la peur ou à endosser des entorses aux droits des uns ou des autres.

Je suis né sous la rose, à Toronto, et j'ai été élevé sous le lys, à Québec. Je porte donc en moi la dualité linguistique et culturelle qui caractérise le Canada. Mais j'ai aussi grandi dans un immeuble à appartements de Sainte-Foy aux côtés de familles d'origine roumaine, haïtienne, africaine, brésilienne, arabe, bosniaque, et bien sûr québécoise que j'ai eu la chance de côtoyer tous les jours. Je porte également en moi l'inclusion et l'ouverture qui nous caractérisent tout autant.

En 2015, nous aurons le choix entre un Canada où règnent peur et méfiance de l'Autre, un Canada sur son déclin, et un Canada inclusif et tolérant, un Canada à son meilleur : un Canada qui combat vigoureusement le terrorisme tout en étant conscient que ce dernier ne connaît aucune religion et que ceux qui se réclament de l'Islam pour justifier leur barbarie font perversion de leur foi.

Quelle que soit notre allégeance politique, je nous invite à réfléchir sur cette peur que, collectivement, nous avons laissé prendre sournoisement racine dans nos cœurs et dans nos esprits. À réfléchir sur l'importance de la combattre et d'éviter à tout prix le piège que nous tendent les Conservateurs, qui en font honteusement leur marque de commerce. J'ai confiance en nous.

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