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Les mantras de la gauche québécoise

Malgré ce qu'on nous demande de croire, l'universalité n'a rien à voir avec un tarif unique de garderies ou de tout autre service public. L'universalité n'a même rien à voir avec la « gratuité » du système de santé, des études primaires ou secondaires ou de la quasi-gratuité des études universitaires.
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1. L'UNIVERSALITÉ - Malgré ce qu'on nous demande de croire, l'universalité n'a rien à voir avec un tarif unique de garderies ou de tout autre service public. L'universalité n'a même rien à voir avec la « gratuité » du système de santé, des études primaires ou secondaires ou de la quasi-gratuité des études universitaires. En Europe, les services de santé sont universels et pourtant, ils ont des frais modérateurs, des tarifs utilisateurs-payeurs et il existe une diversité de façons de financer les soins.

Parler d'universalité en matière de garderies à 7$ relève donc de la fraude intellectuelle. De un, les garderies à 7$ ne sont pas accessibles à tous et de deux, les parents qui font le choix de demeurer à la maison avec leurs enfants ne bénéficient d'aucune redistribution. En clair, la subvention accordée aux familles est discriminatoire, tout le contraire de l'universalité.

Pour être universel, un service se doit d'être accessible, peu importe la situation financière des citoyens, patients, parents, étudiants ou que sais-je encore. Cela n'implique absolument pas qu'il soit gratuit, complètement à la charge du contribuable, payé entièrement par les impôts, ou encore qu'il y ait un tarif unique qui y soit rattaché.

Je sais. C'est une grosse bouchée à avaler. Mais il n'en demeure pas moins qu'on a permis trop longtemps à la gauche de sa gargariser avec le concept d'universalité, alors qu'en réalité, elle est totalement confuse sur le sujet. Pire, l'universalité telle que conçue et appliquée par le modèle québécois cache bien souvent un avantage pour les plus riches de la société. Allez savoir pourquoi la gauche y tient tant que ça... Rien de progressif là-dedans, désolée.

2. LA FAMEUSE ÉTUDE DE FORTIN, GODBOUT ET ST-CERNY - Un autre verset de la bible de la gauche québécoise, répété ad nauseam par les ténors experto-médiatiques et révolus tranquilles (ne sous-estimons pas l'attachement émotif des créateurs de programmes) repose sur la fameuse étude de Fortin, Godbout et St-Cerny.

Selon cette étude, le gouvernement ferait de l'argent avec les garderies. En fait, « chaque tranche de subvention de 100 $ du gouvernement du Québec à la garde lui a procuré un retour fiscal de 104 $ et a fait cadeau de 43 $ au gouvernement fédéral. » C'est à se demander pourquoi on n'augmenterait pas la subvention, non? Le président de l'AQCPE en est même rendu à dire, à TVA Nouvelles, qu'un dollar d'investi dans la politique familiale rapporte 1,50$ à l'État!!! Qui dit mieux? Et pourtant. Comment expliquer que ce soit si payant pour le gouvernement, mais que par ailleurs, on peine à financer de nouvelles places? Mystère...

Mieux encore, le taux d'emploi des femmes aurait augmenté au Québec de façon importante depuis 1997 à cause de ces garderies subventionnées.

Martin Coiteux, aujourd'hui président du Conseil du trésor, avait regardé la chose en avril 2012 au moment de la sortie de l'étude. Croyant que c'était trop beau pour y croire, Coiteux avait plutôt trouvé que la même tendance avait été observée au Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve pour ce qui est des femmes âgées de 15 à 24 ans... là où il n'y a pas de garderies à 5 ou 7 dollars. Pour ce qui est des femmes âgées de 25 à 44 ans, « aucune accélération de la tendance à la hausse du taux d'emploi » n'était remarquée. Une théorie plausible: la réforme fédérale de l'assurance emploi aurait incité les femmes de 15-24 ans à accéder au marché du travail.

En juin 2014, l'économiste Vincent Geloso stipule « qu'il y a raison de douter de ce bénéfice puisque les estimés des auteurs sont méthodologiquement fautifs et ne méritent pas du tout l'attention qu'on leur attribue. » Par exemple, on aurait surestimé le salaire des femmes au travail alors qu'on sait que le salaire horaire moyen des femmes est inférieur à celui des hommes. Pour Geloso, «cette différence est suffisante pour effacer la moitié du bénéfice budgétaire estimé par les auteurs».

Toujours selon Geloso, l'étude comptait que les femmes dont il est question occupaient un emploi à temps plein. Pas tout à fait exact, démontre-t-il. En résumé, « non seulement les femmes qui sont retournées sur le marché n'ont pas un taux salarial aussi élevé que le prétend l'étude de Fortin & Godbout, mais elles n'ont pas non plus la même intensité au travail. »

Il semble donc que la défense de certaines politiques familiales ait souvent à voir avec la sacralisation d'un régime à qui l'on attribue toutes les vertus plutôt qu'une approche où l'on en évalue rationnellement l'efficacité et l'atteinte des objectifs du départ.

À ce compte-là, ni le taux de natalité ni le taux d'emploi des femmes au Québec comparativement au reste du Canada ne justifie le statu quo. On aura beau ne pas vouloir faire de bagarre de chiffres (pour ma part, je préfèrerais que les décisions reposent sur un nouveau contrat social qui libèrerait l'État de responsabilités qui ne sont pas les siennes), il n'en demeure pas moins que la préservation de programmes aussi coûteux devra s'appuyer sur autre chose que l'idéologique étatiste et sur la prétendue distinction québécoise.

Dans tous les cas, et ce même si l'étude de Fortin & Godbout s'avérait basée sur une méthodologie sans reproches, rien ne saurait justifier la position dans laquelle se trouve le Québec: celle d'offrir une subvention aussi généreuse et discriminatoire, en plus d'être totalement vulnérable à l'explosion des coûts de ce système. Espérons que le travail de la Commission de révision des programmes apportera un éclairage convaincant pour réorienter un régime qui a peut-être servi dans le passé, mais qui aujourd'hui ne justifie pas une telle générosité de la part du contribuable. On souhaiterait par ailleurs qu'un des principes de base soit de redonner un espace de liberté aux familles afin qu'elles puissent faire leurs propres choix.

3. LE SYNDROME DU BERLINGOT - En entrevue à l'émission 24 heures en 60 minutes animée par Anne-Marie Dussault mardi soir, l'animatrice recevait le président du Conseil du trésor. « Êtes-vous ému, M. Coiteux? Parlez-vous au monde? » Dussault en avait visiblement assez de ce discours d'économiste qui lui est malheureusement si peu servi. «N'êtes-vous pas ému lorsqu'on voit des coupures dans l'aide aux devoirs, dans l'aide alimentaire? Vous y pensez à ce jeune élève que l'on privera de son berlingot?»

Je ne blague pas. TVA n'a pas le monopole de l'émotion, vous savez.

Et pourtant. Ne réalisons-nous pas que c'est précisément parce qu'on a des programmes uniformes et mal ciblés que nous ne pouvons être plus généreux envers les familles plus démunies ou les gens inaptes au travail? Ne réalisons-nous pas que la nationalisation des garderies à fort prix fait que le gouvernement est très vulnérable aux coûts de système hors contrôle? Avons-nous oublié que la garderie à 5$ du début était surtout destinée aux enfants de milieux défavorisés?

Au dernier compte, le ministère de l'Emploi et de la solidarité sociale comptait 33 748 enfants de 0 à 5 ans dans les familles bénéficiant de l'aide sociale (gens aptes au travail) ou de la solidarité sociale (contraintes sévères à l'emploi). S'est-on seulement assuré de cela? Eh bien non. Il semble que ce soit la dernière clientèle qui soit desservie par notre régime étatisé de garderies à 60 $.

Pour que l'émotion soit utile, encore faut-il qu'elle fasse plus que vendre des journaux ou augmenter la cote d'écoute des émissions d'affaires publiques. Il faut qu'elle vise la mobilité sociale plutôt que les pleurs, la qualité de vie plutôt que l'apitoiement.

On est bien loin du compte.

Source des graphiques: antagoniste.net

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