Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

La toile est un piège!

On reste hébété par la manie consistant à procéder à des millions d'interceptions de toute nature que l'on sait certainement pour la quasi totalité, inutile, et pire encore, à les stocker pour des durées importantes.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

La mise à jour d'une industrie de l'espionnage par la révélation de programmes étatiques de captation massive de données personnelles - au delà des questions naïves mais importantes sur la préservation de la vie privée -interroge une nouvelle fois sur le rapport des États contemporains avec leurs citoyens.

Il s'agit, en effet, bien aujourd'hui d'une industrie qui permet de s'immiscer de façon boulimique dans la vie privée des individus dans des dimensions jusqu'alors jamais atteintes. Le traitement des données ainsi collectées n'est même, peut-être, pas techniquement réalisable par le volume recueilli de données dont la presse s'est fait l'écho. Le stockage de ces données est lui même source de questions non seulement techniques, mais aussi de durée de conservation. Il pose également et évidemment la question du diagnostic de la pathologie psychique de ceux qui sont en charge mettre en œuvre leur ingénierie pour viabiliser technologiquement de tels moyens.

Pour être clair, on reste hébété par la manie consistant à procéder à des millions d'interceptions de toute nature que l'on sait certainement pour la quasi totalité, inutile, et pire encore, à les stocker pour des durées importantes. Ce passage de la collecte distributive -critiquable ou non- d'informations, à l'amas boulimique et systématique d'informations par leur volume rendues difficilement exploitable, ne peut avoir rationnellement d'explication qu'une déviance monomaniaque grave pour les auteurs de ces agissements, ce qui convenons-en n'est pas fait pour nous rassurer !

Nos gouvernants qui autorisent soit par leur naïveté, soit par leur inaction soit par leur incompétence, soit par l'oubli du sens du mandat qu'ils ont reçu de leur élection une telle boulimie d'information ont oublié que leur devoir est de protéger leurs concitoyens et non de les espionner. De fait, le sympathique président des États-Unis d'Amérique comparaît comme un psychopathe maniaque qui aurait laissé utiliser les moyens de communication contemporain pour intercepter et conserver des données personnelles dont chacun s'accorde à penser que pour leur quasi totalité elles n'ont aucun intérêt.

On se souvient qu'hier les pratiques voyeuristes en cours sous le septennat de François Mitterrand consistant à détourner les moyens de l'État pour écouter et surprendre des conversations de personnalités mondaines avaient donné lieu à des condamnations posthumes morales mais aussi judiciaires.

Un tel comportement était hier individuellement malsain, il est aujourd'hui collectivement dangereux puisqu'il procède des moyens décuplés et dévoyés de la puissance publique.

Ainsi la collecte indiscernée des données est sans précédent ; elle procède en aveugle et sans cible précise. Jadis, espionner, c'était avant tout l'affaire de professionnels qui avant de mettre des moyens intrusifs en œuvre, faisaient l'effort d'identifier une cible au regard d'un enjeu particulier ; la sauvegarde de l'intérêt général. L'espion était donc naturellement, un héro romanesque et raffiné, il avait le droit de commettre des actes illicites, la reconnaissance de tous lui était garantie par son désintérêt personnel et l'altruisme de son attitude. Il encourait tous les risques et tous les dangers pour le bien commun.

Aujourd'hui, nos espions sont des entreprises vassalisées par les États, elles se nomment Google, Facebook, Apple, Skype, Yahoo et autres. Elles attirent notre chalandise par la séduction des moyens qu'elles mettent à notre disposition, le plus souvent gratuitement. En réalité elles capturent notre intimité qu'elles livrent aux puissances publiques qui en semblent avides. Jamais le sens du terme «toile» n'est apparu aussi crument dans le sens de piège.

La collecte massive d'informations personnelles ne procède pas d'une démarche classique. Elle n'est pas la conséquence de l'identification préalable d'un impératif dont la préservation exige et dans une certaine mesure excuse l'atteinte au droit individuel à la conservation de la vie privée. Ainsi, la sécurité de l'État contre le terrorisme, la sécurité économique face à une concurrence déloyale apparaissent comme de très faibles prétextes pour justifier la mise en place d'un tel réseau industriel. Il s'agit d'un nouvel âge de l'espionnage marquée par la collecte préalable de données sans justification aucune, gratuitement, comme si ne devait prévaloir que cette certitude qu' priori la liberté de penser est criminogène.

C'est l'illustration parfaite de ce que les rapports entre les États et les citoyens ont évolué de façon très significative et particulièrement alarmante. Le principe de l'espionnage a priori de l'activité des citoyens induit un rapport dévoyé entre les institutions d'une part et d'autre part les individus qui composent le corps social. L'individu est devenu - a priori - un suspect, un terroriste en puissance, un danger qu'il importe d'être en mesure de neutraliser le plus en amont possible - dès le stade de l'émission de sa pensée par un des moyens modernes de communication.

Les États sont désormais largement entrés dans une ère de contention. La puissance publique n'est pas utilisée au service des citoyens mais est toute entière tournée contre eux et n'est employée qu'aux fins de porter atteinte à leurs libertés individuelles et particulièrement à celle de la libre pensée.

C'est un bien triste constat que celui-là. L'horreur sécuritaire est aujourd'hui devenue une réalité, prétexte et excuse à toutes les atteintes, la coercition s'exerce sans limites et la mise en scène de protestations diplomatiques ne rend pas justice à tous ceux qui ont vu leur vie privée épiée et plus généralement à ceux qui vivent dans l'insécurité de la confidentialité de leurs échanges. Les industries et les entreprises ont elles mêmes trahi leurs usagers en se livrant corps et âmes aux injonctions des puissances publiques dévoyées de leurs fins naturelles.

Mais comment pourrait-il en être autrement puisque ces entreprises comme ceux qui les ont asservis sont assurés de la plus totale et de la plus complète impunité. Nul ne comparaîtra donc devant une juridiction pour répondre de ces actes, puisqu'aucune juridiction n'est saisie. Si prompte à mettre en œuvre les services d'enquête à la plus faible des occasions, aucune enquête préliminaire n'est ouverte pour des faits qui portent portant atteinte à l'intégrité du corps social, la justice dépourvue de toute saisine restera inerte.

Quant aux citoyens démunis individuellement et privés de toute action de classe, ils n'auront pour toute consolation que les «protestations» d'un Président inutile et le spectacle sur les chaînes d'informations du ballet des limousines déposant des ambassadeurs.

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

Terre du pas si libre

Les détournements de l'affaire PRISM

Retrouvez les articles du HuffPost sur notre page Facebook.
Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.