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Un ordre professionnel pour la qualité des enseignants

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sturti via Getty Images

L'aile jeunesse du Parti libéral débattra, en fin de semaine à son congrès, de la création d'un ordre professionnel pour les enseignants. Il s'agit de veiller à la qualité de l'enseignement. Ça urge !

Aussi étonnant que cela soit, il n'est jamais question de la qualité des enseignements lorsqu'il est question de l'éducation. Pourquoi donc ? Parce que débattre de la qualité de l'enseignement, c'est débattre de la qualité des enseignants. C'est tabou chez les principaux intéressés, les enseignants eux-mêmes carburant au principe de la liberté académique tout azimut en classe. Ici, l'enseignant est roi et maître.

Voilà pourquoi les représentants syndicaux tonnent lorsque la rumeur cours d'un ordre professionnel des enseignants. Selon la Fédération autonome de l'enseignement (FAE), créer un ordre professionnel pour ses membres équivaut à rien de moins qu'une « déclaration de guerre ».

Du point de vue syndical, tous les enseignants engagés sont également compétents. Faux ! Les syndicats des professeurs le savent trop bien. Alors pourquoi la FAE proclame-t-elle une telle fausseté ? Les syndicats de professeurs vivent sous l'empire et l'emprise de la Sacro-sainte Valeur d'Égalité. Le Code du travail au Québec ne sort pas de nulle part; il procède de la sacro-sainte valeur d'égalité laquelle constitue la justification ultime de la dictature de la majorité. D'où le la liberté collective qui l'emporte sur la liberté individuelle.

En somme, juger de la compétence d'un professeur, c'est juger de compétence de tous. C'est pourquoi la FAE lève systématiquement le bouclier à chaque fois qu'il est question d'un ordre professionnel des enseignants.

Un « bon » enseignant ça n'existe tout simplement pas pour un syndicat. La convention collective, élaborée sous l'égide de la sacro-sainte égalité, « impose la règle du commun dénominateur, de la standardisation; tout le monde il est égal, tout le monde il est pareil. » (Réjean Breton, Les Monopoles syndicaux dans nos écoles et dans nos villes, 1999) Par nature, les professeurs ne sont pas tous également bons. La Convention collective vient rectifier les inégalités naturelles. (C'est très exactement ce que le philosophe américain de la politique John Rawls (1921-2002) préconisait.)

Le vice qu'engendre la surenchère syndicale de l'égalité en éducation, c'est le nivellement par le bas. Il y a dix-huit ans, Réjean Breton nous mettait en garde contre les dérive de l'égalitarisme en éducation, la plaie corrompue qui de notre système éducatif. L'ex-professeur de droit du travail à l'Université Laval osait critiquer cette culture syndicale chloroformée de l'égalitarisme en éducation. « Les meilleurs [enseignants] », plaidait-il « doivent être publiquement reconnus, et payés en conséquence, c'est-à-dire mieux que ceux qui se tiennent dans la moyenne, et beaucoup mieux que les médiocres. » (Les Monopoles syndicaux dans nos écoles et dans nos villes, p. 47) Wow, quel courage fallait-il à Breton pour proclamer ces vérités à contre-courant !

Les sciences de l'éducation nous bassinent de cette culture égalitariste. On ne forme pas des éducateurs, mais des sortes d'experts « techniciens » en éducation. Le futur enseignant doit assimiler une panoplie de techniques d'apprentissages; le « savoir pédagogique et didactique ». En tant que techniciens, tous les enseignants sont « compétents » en ce sens. Sur le plan humain, c'est autre chose.

Dans ses écrits, l'ex-professeur en sciences de l'éducation à l'UQAM, Normand Baillargeon, emprunte la définition de l'enseignement au philosophe Israel Scheffler divisant l'enseignement à l'aide de trois critères (voir par exemple Enseigner au Québec, 2016). Aucun ne mentionne la relation éducative décisive entre la personne de l'enseignant et celles qui sont enseignées.

Le vice qu'engendre la surenchère syndicale de l'égalité en éducation, c'est le nivellement par le bas.

Combien de cégépiens - je ne les compte plus - m'ont dit que, dans une discipline aussi ardue et exigeante que la philosophie, ce qui fait la différence, c'est la qualité du professeur. Or, d'après la Convention collective, un bon prof n'a pas être passionné par sa matière. S'il l'est, c'est de l'idiosyncrasie. Or, comme disent les jeunes, c'est pourtant ce qui fait la différence.

Je me suis exprimé dans un billet antérieur sur la vertu de l'enseignant, comme disposition centrale faisant un bon enseignant. C'est cette vertu à l'éducation qu'il faut impérativement acquérir et qu'il faut constamment évaluer.

Cicéron, grand orateur romain, résume en trois points l'art de discourir : instruire, plaire et émouvoir (docere, delectare, movere). Avant d'instruire, tâche principale de l'enseignant, celui-ci doit d'abord séduire et charmer son auditoire. Il doit amener s'intéresser à son sujet. En somme, le bon enseignant, qui est une sorte d'orateur, doit amener son auditoire à comprendre qu'il n'a pas le choix de s'intéresser au sujet de l'enseignant et qu'il vaut la peine d'y réfléchir. Cela étant acquis, l'enseignant est alors en mesure d'instruire.

Pour ma part, docere, delectare et movere, suffisent amplement à bien enseigner c'est-à-dire à déployer la vertu d'enseignement. Toutefois, puisque nous vivons dans une société technique où la technologie est notre maître, le futur enseignant doit s'équiper d'un appareillage technologique éducatif. Il devient ainsi un fonctionnaire de l'État qui, comme tous ses employés, est soumis à une convention collective, avec des puissants syndicats pour défendre les intérêts de ces fonctionnaires de l'État.

Au-delà de l'enseignant, il y aussi, évidemment, les savoirs à transmettre. Toutefois, il serait erroné de penser que l'un est distinct de l'autre. Les savoirs transmis sont indissociables du prof qui les enseigne.

Réjean Breton rappelle que « Valoriser les profs, c'est valoriser le savoir » (p. 45). L'enseignant n'est pas qu'un instrument visant à inculquer des savoirs. Bref, le prof n'a pas qu'une valeur instrumentale. Breton va jusqu'à dire que « Vouloir ramener tous les profs au même niveau de compétence, en imposant le même salaire pour tous, c'est nier la valeur du savoir dans le milieu même du savoir. » (p. 55).

Avant de condamner le vilain néo-libéralisme qui aurait transmué l'école en sorte d'industrie où l'on produit des savoirs comme des marchandises, on aurait intérêt à revoir notre philosophie de l'éducation qui est celle du rationalisme.

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