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L’été du déclin, de la culpabilisation et du déni

Il y a des étés où il ne se passe rien. Il y a des étés qui nous envoient des messages forts. L’été 2017 est parmi les plus bavards.
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LA PRESSE CANADIENNE/Jacques Boissinot

Il y a des étés où il ne se passe rien. Il y a des étés qui nous envoient des messages forts. L'été 2017 est parmi les plus bavards. Il nous dit que la nation québécoise vit de plus en plus dangereusement, dans ce qu'elle a de plus profond : l'avenir de sa langue et de sa culture, de ses choix.

Il nous dit surtout qu'il faut riposter avec force aux courants qui affaiblissent le Québec, puis opérer un redressement qui nécessite le retour d'une volonté nationale réelle et structurante aux commandes à Québec, à l'élection de 2018. Le Parti Québécois va incarner cette riposte et cette volonté au pouvoir.

Un printemps inquiétant

Il y avait des signes avant-coureurs. Au printemps, des juges fédéraux avaient scié une autre branche de la loi 101, celle qui balisait clairement les cas où des employeurs pouvaient exiger la connaissance de l'anglais pour l'obtention d'un travail. Sous René Lévesque et après des décennies de luttes parfois épiques, la nation avait tranché : le droit de travailler en français allait désormais être la norme. Mais les juges trudeauistes ont décidé que l'exception peut désormais devenir la règle.

Informé de ce recul historique, le premier ministre Philippe Couillard répondit en juin que soulever cette question, c'était brandir un « chiffon linguistique ». Il faut dire que le chef du gouvernement avait donné le ton, juste avant son élection, en 2014, en affirmant que chaque travailleur d'une chaîne de montage devait connaître l'anglais au cas où un acheteur anglophone passerait par là. Les tribunaux canadiens viennent donc simplement d'instaurer la « doctrine Couillard » dans la jurisprudence.

«Mais les Québécois écoutent, eux, majoritairement leur propre production. Encore faut-il qu'elle existe.»

À ce recul historique sur la langue de travail s'est ajoutée la décision d'un organisme fédéral (le CRTC) de réduire les exigences de production d'émissions de télévision francophones et de vidéoclips de chansons francophones. Ces mesures structurantes qui, pendant des décennies, ont permis de nourrir et de renouveler la culture québécoise populaire sont aujourd'hui affaiblies. Au Canada anglais, où les téléspectateurs écoutent majoritairement des émissions américaines, c'est un non-sujet. Mais les Québécois écoutent, eux, majoritairement leur propre production. Encore faut-il qu'elle existe.

On a aussi appris en début d'été que le gouvernement canadien n'avait aucunement l'intention d'intervenir pour encadrer ou réclamer du contenu local chez les nouveaux vecteurs étrangers qui pèsent sur notre vie culturelle : les Netflix, iTunes, Spotify et autres. « Cela prend une solution internationale », a déclaré la ministre responsable, comme si les Américains allaient, un jour, accepter de s'y plier. Le Québec, lui, avait naguère tenu tête à Hollywood et à Microsoft pour obtenir la version française des films et des logiciels en même temps que les versions originales anglaises. Il faut constater que cette volonté politique n'existe en ce moment ni à Québec, ni à Ottawa.

Temps pluvieux sur le français

Ces décisions qui, toutes, affaiblissent le français au Québec, auront demain des effets néfastes sur les niveaux d'utilisation du français. Mais l'été 2017 nous a montré combien, avant même ces mesures, le temps linguistique était pluvieux.

Les chiffres de recensement dévoilés en pleines vacances par un autre organisme fédéral, Statistique Canada, indiquent clairement où va le français : vers le bas. Certes, en comptant le français langue seconde, le français est toujours parlé par 94 % de nos citoyens. Un réel exploit. Mais une nation et une culture se définissent par la proportion de sa population qui utilise le français comme langue première, au petit-déjeuner, avec les enfants. Dans un arbre, la langue seconde, ce sont les feuilles. La langue première, les racines.

Or, le recensement confirme ce qu'on sait depuis maintenant 20 ans : sur l'île de Montréal, lieu essentiel de l'intégration, il n'y a guère plus que la moitié de la population qui transmet le français à ses enfants à la maison. Les chiffres nous indiquent désormais que la proportion de ces francophones-racines est en chute spectaculaire à Laval, en déclin significatif à Longueuil et à Brossard.

Évidemment, l'État ne peut ni ne doit légiférer sur la langue parlée à la maison. Aucune des personnes qui parlent une autre langue que le français à la maison n'est en faute ou ne doit se sentir responsable de cette situation. C'est l'État québécois qui a le devoir absolu de créer des conditions qui font en sorte que cette proportion reste assez élevée pour assurer l'avenir d'une nation francophone au Québec, de génération en génération.

Les chiffres de l'été démontrent que ces conditions s'affaiblissent dangereusement. Et, si on doit pointer un coupable principal, il faut revenir à un terrible rapport du Vérificateur général (VG) datant de 2011. Il affirmait après enquête être incapable de confirmer l'affirmation libérale selon laquelle 50 % des nouveaux immigrants québécois avaient une connaissance du français au point d'entrée. Dans la moitié des dossiers étudiés par le VG, il ne trouvait nulle preuve de cette affirmation. Donc, pendant de nombreuses années, le PLQ a à la fois augmenté le nombre d'immigrés (de 35 000 à plus de 50 000 par an) et fait en sorte que plus de la moitié d'entre eux ne peut même pas commander un café en français.

C'est là, d'abord et avant tout, dans une politique au mieux imprudente et au pire sciemment néfaste, qu'on trouve la cause principale du déclin du français dans la métropole. La faute, il convient de le répéter, n'incombe nullement aux néo-Québécois qui ont suivi toutes les règles qui leur ont été présentées. Elle incombe au gouvernement libéral québécois, qui a agi au détriment de l'avenir de la nation et de sa langue.

Quarante ans après l'adoption de la Charte de la langue française, on vit dans la métropole une situation de cohabitation croissante de deux « langues communes », le français et l'anglais. Une situation applaudie, il faut le dire, par le gouvernement libéral québécois actuel et par la politique linguistique trudeauiste.

Faire des Québécois des coupables permanents

L'été 2017 fut aussi celui de la montée du procès pour racisme organisé contre les Québécois. Le défilé même de la fête nationale, moment de célébration de notre existence, fut une victime à fort potentiel symbolique.

Tous ceux qui ont assisté au défilé de la fête nationale du Québec 2017 y ont vu une ode à l'identité québécoise partagée. Particulièrement touchant était l'hommage rendu à feu Leonard Cohen. Mais un militant personnellement convaincu que le Québec est profondément raciste, a volontairement diffusé sur le Web l'image de quatre jeunes Noirs poussant un char allégorique. Il a voulu en faire un symbole de ce qu'il croit être le racisme intrinsèque du Québec.

Les jeunes Noirs, volontaires de l'équipe des Patriotes d'une école du quartier Saint-Michel, voulaient ainsi participer à la fête commune. D'autres chars étaient poussés par des Blancs. Personne, parmi eux, ne s'est plaint de discrimination ou de mauvais traitement. Tous ces bénévoles ont été traités également, en Québécois fiers de l'être et d'être là.

L'internaute antiraciste a le droit de voir du racisme partout. Ce qui est plus grave est la validation de cette accusation par des personnalités politiques québécoises.

Première à dégainer, la porte-parole de Québec solidaire, Manon Massé. Elle a indiqué sur Twitter le jour même (donc sans effectuer la moindre vérification factuelle) : « La fête nationale, c'est une question de symbole. Là, on vient d'envoyer un très mauvais message. »

Le premier ministre libéral Philippe Couillard, lui, a eu deux jours pour vérifier les faits, avant de déclarer, en entrevue : « [Les organisateurs] nous ont expliqué que le concept derrière n'était pas celui qu'on pense. Tant mieux, mais c'est ce qui a été perçu et, l'important, c'est ce qui est perçu. »

Non, Monsieur le Premier Ministre. L'important n'est pas ce qui est perçu, car la perception peut être sciemment construite pour trahir la réalité. L'important est la réalité. Et un premier ministre du Québec qui constate qu'on tente de salir délibérément, et sans fondement, la réputation du défilé de la fête nationale devrait défendre clairement la réalité. Il a failli à cette tâche.

Dans la foulée, il a annoncé la création d'une consultation sur la discrimination systémique et le racisme qui sillonnera le Québec cet automne pour accumuler des pièces à conviction. Une proposition d'autant plus louche que le Parti libéral a rejeté, en juin, une motion du Parti Québécois proposant deux mesures concrètes de lutte contre la discrimination à l'embauche. Il s'agit donc d'une opération politique préélectorale de culpabilisation des Québécois, chaudement appuyée par Québec solidaire.

À travers cette commission, c'est le consensus québécois favorable à la laïcité qui subit un feu nourri d'accusations de racisme et de discrimination. Les procureurs autoproclamés font sciemment l'amalgame entre religion et race, comme si ces réalités étaient interchangeables. Comme si tous ceux qui, depuis le siècle des Lumières, ont voulu séparer l'Église et l'État, affirmer la prédominance de la norme sociale commune sur les préceptes religieux dans l'État et l'espace public, tout en défendant la liberté de conscience et de culte, étaient par nature intolérants.

Ce qui est visé par ce procès n'est donc pas l'acteur principalement responsable des problèmes réels d'intégration des néo-Québécois – le parti qui a gonflé l'immigration sans créer les conditions de son succès, donc le PLQ. La véritable cible est la volonté très majoritaire des Québécois, et présente dans la diversité, d'affirmer clairement, face aux religions, la laïcité de l'État et le primat de l'égalité des hommes et des femmes.

Les Québécois ont forgé cette conviction dans leur combat d'un demi-siècle pour se libérer d'une emprise considérable de la religion catholique dans leur vie, comme dans leurs services publics et leur État. Ils souhaitent rester fidèles à eux-mêmes et, somme toute, désirent vivre dans une société qui, tout en respectant les croyances de chacun, valorise la laïcité et la liberté des femmes. C'est leur droit et ils n'ont pas à devoir s'en justifier constamment. Ils méritent un gouvernement qui sera à leurs côtés. Pour l'instant, au gouvernement à Québec, à Ottawa comme dans l'opposition solidaire, ils n'ont que des adversaires.

Il est vrai que pour beaucoup de Québécois, et plus encore pour nos concitoyens religieux d'origine récente, la tension est irréconciliable entre, d'une part, une société québécoise qui croit à ces valeurs laïques et, d'autre part, un gouvernement canadien et une société canadienne anglaise qui valorisent, au contraire, l'expression désinhibée de toutes les différences religieuses, faisant même du droit de porter le voile intégral lors d'une célébration officielle la nouvelle frontière de la défense de la Constitution canadienne.

Cette tension ne peut se résoudre que par l'indépendance du Québec et l'adoption, ici, d'une constitution qui exprime la version québécoise du vivre-ensemble, qui n'est ni canadienne, ni américaine, ni européenne, ni meilleure, ni pire que celle des autres démocraties avancées. Elle est, simplement, québécoise. Elle mérite le respect.

L'été du déni national

S'il fallait un symbole encore plus fort de l'affaiblissement de la nation québécoise à l'été 2017, on l'a trouvé dans les tout derniers épisodes des relations entre notre gouvernement et celui de nos voisins.

D'abord, Philippe Couillard est allé raconter son plan d'affirmation nationale à ses collègues du reste du Canada. Lui qui représente une nation exclue de la loi fondamentale du pays depuis un tiers de siècle, et qui a laissé écrire dans son document-phare que les Québécois étaient ainsi des « exilés dans leur propre pays », a rassuré ses voisins. Pas question de leur demander à court ou à moyen terme autre chose que de nouer des relations amicales, de faire jaser nos universitaires, de signer des ententes. Bref, il a continué à faire ce que les gouvernements québécois font depuis des décennies. Comme Couillard ne demandait rien, il fut applaudi. Un Québécois comme on les aime outre-Outaouais.

La comparaison avec les nations autochtones n'est pas à l'honneur de notre premier ministre. Celles-là réclament rien de moins que d'être traitées de nation à nation par le gouvernement du Canada, en direct et sans intermédiaire. Elles souhaitent former leur propre ordre de gouvernement.

Sortant de sa timidité habituelle, Philippe Couillard a pensé pouvoir prendre le train des nations autochtones. Si Ottawa change la Constitution pour les reconnaître, elles, pourquoi ne pas y ajouter la reconnaissance de la nation québécoise?

Il n'en fallut pas plus pour que Justin Trudeau rabroue encore le premier ministre québécois. Pour la troisième fois en quelques mois. C'est non. La Constitution restera telle quelle, sans la signature du Québec. Il n'existe donc aucune façon pour la nation québécoise de faire valoir sa différence dans la Constitution du pays. Les Autochtones eux-mêmes devront se contenter d'une reconnaissance non constitutionnelle de la part d'Ottawa. Ils sont donc les victimes collatérales du refus, par le Canada, de la nation québécoise.

Le temps de la riposte

Ce n'est pas la première fois que s'accumulent les signes du déclin. Ce n'est pas la première fois que les Québécois sont accusés de racisme et de repli sur eux. C'était le cas dans les années 1970. Le Parti Québécois a su, à compter de 1976, renverser la vapeur. Adopter, contre une opposition féroce, des lois structurantes pour l'avenir linguistique, culturel du Québec, en plus de raffermir son économie, ses régions, sa solidarité.

Le Parti Québécois est aujourd'hui encore appelé à jouer ce rôle. D'ici l'élection d'octobre 2018, il défendra les Québécois, leur réputation, leurs choix, leurs besoins. Il préparera, à son congrès de septembre prochain puis dans les mois qui suivront, les gestes forts qui devront être faits, dès son élection en 2018, pour redonner à la nation québécoise la vigueur dont elle a absolument besoin.

Cela doit passer par une rupture avec les politiques d'anglicisation libérales. D'abord, en rétablissant le droit de travailler en français, en étendant la loi 101 aux entreprises de 25 à 50 employés – ce à quoi se refusent toujours le PLQ et la CAQ –, en faisant en sorte que 100 % des futurs immigrants et leur conjoint ne soient admis sur le territoire que s'ils démontrent une bonne connaissance du français. Cela passe par plusieurs autres mesures encore pour réaffirmer que la langue officielle et commune québécoise est le français et va le rester.

«Les enseignements de l'été 2017 et les nuages qui s'accumulent au-dessus de l'identité nationale québécoise suscitent cependant un nouveau sentiment d'urgence.»

Il faut ajouter rapidement une affirmation claire et sereine de la différence québécoise en matière de laïcité de l'État dans une constitution québécoise et dans la loi, pour lui donner une légitimité maximale face à l'offensive multiculturaliste, d'ici l'indépendance que nous souhaitons réussir pendant notre second mandat.

Cela doit passer par une intégration réelle des néo-Québécois au travail, dans les régions, dans les professions, et par un recul de la discrimination qui soit également réel, et non une opération de relations publiques libérale.

Les défis du Québec de 2017 sont nombreux – santé, environnement, éducation, justice, régions. Le Parti Québécois, comme il l'a fait dans le passé, offrira des avenues novatrices et structurantes pour chacun de ces défis.

Les enseignements de l'été 2017 et les nuages qui s'accumulent au-dessus de l'identité nationale québécoise suscitent cependant un nouveau sentiment d'urgence. L'élection d'octobre 2018 sera celle où les Québécois choisiront, avec les libéraux soutenus en cela par les solidaires, d'amplifier le déclin du Québec, ou alors ils choisiront, avec le Parti Québécois, le gouvernement qui peut donner à la nation le regain de vigueur dont elle a besoin.

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